EMBALLAGE/MARNE. Rachetée en 2015 par un fonds d’investissement américain, avec la participation de Bpifrance, l’ancienne verrerie de Saint-Gobain a modernisé son outil de production.
Après un peu plus de deux mois d’arrêt pour sa reconstruction, le four de l'usine de Oiry, près d'Epernay, a été remis en route en septembre 2016 et inauguré ce vendredi 24 mars.
Il fabrique chaque jour jusqu’à 550.000 bouteilles pour le champagne et les crémants d’Alsace et de Bourgogne.

© Frédéric Marais/Agence Info.
Il faut se rendre aux portes de la capitale du champagne, Epernay, pour découvrir l’antre du diable. Ou plutôt la forge de Vulcain, là où sont façonnés les flacons qui abriteront le vin symbole du luxe à la française.
Ce qui frappe d’emblée le visiteur peu habitué à de telles conditions, c’est le bruit et la chaleur qui règnent au sein de cet impressionnant appareil industriel. Ce fond sonore assourdissant est dû à l’usage intensif d’air comprimé.
La chaleur étouffante, elle, coule de source, s’agissant d’un four dont la température atteint 1.500°. Si l’on y ajoute l’humidité ambiante, l’ensemble mérite bien le surnom que lui ont donné les ouvriers : la « piscine ».
Après douze années de bons et loyaux services, le four de l'usine de Oiry, près d'Epernay, a été entièrement reconstruit en 2016. Son inauguration a eu lieu vendredi dernier 24 mars en présence du PDG de ce groupe indépendant, Jean-Pierre Floris.
Fabricant d’emballages en verre pour les boissons et les produits alimentaires, Verallia possède 60 fours dans 33 usines en France et à l’étranger et réalise un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’€.
« Soixante-seize jours de travaux ont été nécessaires, mobilisant quelque 1.250 personnes, employés du groupe ou salariés de 90 entreprises extérieures », rappelle le directeur de l’usine, Benoît Pernod.
D’une surface de 100 m2, le nouveau four consomme 3 % d’énergie en moins que le précédent et rejette 3 % de gaz à effet de serre en moins dans l’atmosphère. Sa durée de vie est estimée entre 10 et 15 ans.
Le verre en fusion en sort à 500° par écoulement gravitaire, chaque goutte correspondant à une bouteille. On le “remonte” à 550° puis on le refroidit doucement pendant une heure et demie. Les bouteilles sont formées en deux fois : d’abord la préforme, sorte de ballon de baudruche, puis la forme définitive au moyen d’un moule.
Cinq lignes de production

Le site de Oiry est équipé de cinq lignes de production : quatre classiques et une pour les grands contenants de 9 à 15 litres. « Cette ligne n’est utilisée qu’une fois par an, voire une fois tous les deux ans », précise Benoît Pernod.
Les grands contenants sont destinés typiquement au champagne : salmanazar (9 l), balthazar (12 l) et nabuchodonosor (15 l). L’usine fabrique au total dix tailles de bouteilles différentes pour le marché champenois.
Oiry produit 550.000 cols par jour, soit 200 millions par an, et charge jusqu’à 1.800 palettes quotidiennement. Certifié ISO 9001 (qualité), ISO 22000 (sécurité alimentaire), ISO 140001 (environnement), OHSAS 18001 (santé et sécurité au travail), labellisé RHP (prévention des risques industriels), le site peut stocker entre 40 et 45 millions de bouteilles.
Le champagne constitue plus de 70 % de l’activité de l’usine marnaise. Mise en service en 1975, la verrerie créée par Saint-Gobain avait précisément pour objectif de capter cette clientèle spécifique, « alors qu’il aurait été moins coûteux de construire un four dans une usine existante », explique le P-DG, Jean-Pierre Floris.

Le monde du champagne le lui a bien rendu, qui confie à l’usine de Oiry le soin de confectionner des contenants de plus en plus sophistiqués et personnalisés. A l’image de la bouteille Mumm Grand Cordon, où le célèbre ruban rouge a été incrusté dans l’épaisseur du flacon. Un véritable exploit technique au dire des spécialistes.
Car la bouteille champenoise doit être capable de résister à 8 bars de pression, en dépit de la cure d’amaigrissement qu’elle a subie ces dernières années pour des raisons économiques et environnementales.
« C’est la bouteille en verre la plus exigeante à fabriquer en termes de qualité », souligne Jean-Pierre Floris.
A Oiry, les flacons sont testés de manière aléatoire à une pression de 40 bars en étant remplis d’eau. Ce contrôle devient même unitaire sur la ligne des grands contenants.
Cette ligne a d’ailleurs été robotisée pendant les travaux de reconstruction du four afin d’éviter aux opérateurs de porter des charges trop lourdes : un nabuchodonosor pèse 10 kg vide et on lui ajoute 15 kg d’eau pour le test de pression !
D’autres interventions portant sur l’ergonomie des postes de travail, l’éclairage et la toiture du site ont également été réalisées durant la suspension de la production. Ce temps mort a été mis à profit pour former le personnel, composé de 160 salariés tournant en 5x8 par équipes de 13 (un four ne s’arrête jamais).
Les champagnes d'abord, les crémants aussi

Si le champagne constitue l’activité principale de l’usine - Verallia étant leader sur ce marché -, celle-ci produit aussi des bouteilles pour d’autres vins effervescents (crémants d’Alsace ou de Bourgogne), pour des vins pétillants et mousseux comme la blanquette de Limoux, et même pour du cidre. Son catalogue compte 250 références.
Les bouteilles sont composées à plus de 90 % de verre recyclé. Le calcin provient de l’usine sœur de Rozet-Saint-Albin dans l’Aisne, où les installations ont été modernisées en même temps que celles de l'usine marnaise qui s’appuie sur deux autres sites appartenant au groupe pour faire réaliser le décor de ses flacons.
En jouant sur la forme, la couleur (Verallia est fière de sa nouvelle teinte ébène, presque noire) et l’habillage, la bouteille de champagne devient une véritable œuvre d’art, un objet de collection à part entière...