TONNELLERIE/CÔTE-D’OR. L’entreprise va réunir à Gevrey-Chambertin toutes ses productions, ainsi que son stock de merrains.
Ce projet est le dernier initié par Jean-Marie Rousseau dont la tonnellerie est devenue une référence du savoir-faire français.
Ce dirigeant de 62 ans qui préside le syndicat bourguignon des tonneliers, prendra dans quelque temps sa retraite après avoir transmis une pépite à ses deux fils.

La tonnellerie Rousseau passe à la vitesse supérieure. Après avoir créé à Gevrey-Chambertin (Côte-d’Or) en 2015, pour 2,2 millions d’€, un site de 1.800 m2 réservé aux contenants de grande capacité - foudres et cuves de plus de 600 litres -, le fabricant compte dans les cinq ans regrouper toutes ses activités sur place.
« Nous avons une réserve foncière de 3 hectares qui nous permet d’intégrer la fabrication des fûts et barriques, actuellement implantée à Couchey (Côte-d’Or), et tout notre stock de merrains [ planches de chêne fendues qui servent, devenues des douves - ou douelles -, à composer le corps d’un tonneau, ndlr ] d’une valeur de 6,5 millions d’€, domicilié à Pouilly-sur-Saône », explique Jean-Marie Rousseau, le dirigeant et seconde génération aux commandes.
Ce projet de 5.000 à 6.000 m2 supplémentaires, en cours de chiffrage définitif, devrait dépasser les 6 millions d’€ et ajoutera à une meilleure cohérence des flux, des économies non négligeables. L’histoire et le succès du tonnelier fondé en 1954 par Julien Rousseau, le père de Jean-Marie âgé aujourd’hui de 87 ans, épouse le renouveau de la tonnellerie française à partir de la décennie 1980.
« Au départ, nous ne rénovions que des foudres, mais à partir de 1985, nous nous sommes lancés dans la fabrication de tonneaux : fûts bourguignons de 228 litres, barriques bordelaises de 225 litres, feuillettes chablisiennes de 114 litres… », rappelle le tonnelier. Pourquoi ? Les journalistes américains, dont Robert Parker, l’un des plus influents, invitaient alors à boire des vins très boisés (*).
La qualité des chênes des forêts françaises : Tronçais, Bertranges, Châtillonnais…, comme le savoir-faire des professionnels, ont fait le reste. Tonnellerie Rousseau surfe alors sur cette vague non retombée depuis. De 201 tonneaux fabriqués la première année, elle atteint aujourd’hui les 11.000 unités et une production de 220 cuves et foudres.
Onze meilleurs ouvriers de France
Certaines de ces grosses pièces sont de véritables œuvres d’art, faites sur-mesure. Les viticulteurs américains ne s’y sont pas trompés. Le marché outre-Atlantique pèse pas moins de 38% du chiffre d’affaires de 10,5 millions d’€, réalisé avec 40 salariés. La France atteint 25% des ventes et l’Europe fait en grande partie le reste. « Nous vendons au total dans une trentaine de pays », précise Jean-Marie Rousseau.

La qualité de réalisation chez Tonnellerie Rousseau n’est d’ailleurs pas un vain mot. A preuve, l’entreprise cumule, et c’est sans doute la seule de son secteur, onze diplômes de Meilleur Ouvrier de France (MOF). Et les trois générations l’ont décroché : Julien, le grand-père, Jean-Marie, le paternel et Jean-Christophe, le fils cadet, qui dirige l’atelier de Gevrey-Chambertin.
Le chef d’œuvre de ce dernier est un tonneau en forme d’œuf, baptisé Ove, de 380 litres. Dans le Who's Who familial, n’oublions pas Nicole, l’épouse de Jean-Marie, à la direction administrative et financière, et Frédéric, le fils aîné entré dans l’entreprise en 2004, actuel directeur commercial et futur dirigeant. Succession assurée donc, avec un bel avenir.
« Nous faisons l’un des plus vieux métiers du monde et qui n’est pas prêt de disparaître », ponctue Jean-Marie Rousseau. Le site de la Fédération nationale des Tonneliers de France le confirme.
« Les Gaulois déjà maitrisaient la fabrication des tonneaux qu'ils utilisaient pour la fameuse cervoise mais qu'ils projetaient aussi sur les armées romaines après les avoir emplis de poix. Les tonneliers de France ont formé des corporations dès le IXème siècle. En 1268, ils remettaient leurs statuts aux Hauts Jurés pour approbation, qui devaient être confirmés et complétés par Charles VII, Louis XIII et Louis XIV, ce dernier prenant en 1669 une ordonnance sur le statut des forêts, toujours en vigueur. »
« Un présent sans passé n’a pas d’avenir », écrivait l’historien Fernand Braudel. Pour les tonneliers, on est parfaitement rassuré.
(*) Parfois à l’excès lorsqu’il s’est agi de jeter à l’envi des copeaux de bois dans les cuves (ndlr).
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• Les tonneliers en France et en Bourgogne
La tonnellerie française a bénéficié l’an dernier d’une croissance modérée de 2,2% en volume et de 4,6% en valeur. Sont sortis des différents ateliers 601.595 fûts pour un chiffre d’affaires d’affaires de 409 millions d’€. 2015, en raison d’une récolte européenne supérieure, avait été meilleure : + 8% en volume et + 10% en valeur.
Cinq pays concentrent 80% du marché mondial : France, Etats-Unis, Italie, Espagne, Australie. Réunis par une fédération professionnelle (Les Tonneliers de France) qui comptent 50 des 70 entreprises du territoire, le secteur emploie près de 1.600 personnes.
Trois écoles forment à un CAP de tonnelier, dont en Bourgogne - Franche-Comté les Compagnons du Devoir du Tour de France. Trois syndicats, selon les principales zones de production : Bordelais, Charentes et Bourgogne animent la fédération.
Celui de Bourgogne (22 adhérents et 650 salariés) que préside Jean-Marie Rousseau, revendique une production de 180.000 fûts en 2016 pour 140 millions d’€ de chiffre d’affaires.




