
EXPLOSIFS. En cette année de commémoration du centenaire de la première guerre mondiale, le projet déjà ancien de destruction des munitions chimiques à une échelle industrielle refait surface.
La direction générale de l’armement a confié à Airbus Defence and Space le soin d’éliminer plusieurs centaines de tonnes d’obus déjà ramassés ou encore enfouis dans le sol du Nord et de l’Est de la France où se déroulèrent les nombreux combats.
L’enceinte du camp militaire de Mailly (Aube) abritera ce site hautement sécurisé. Début des opérations : mi-2016.
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Nom de code : Sécoia. Un acronyme très végétal pour une appellation plutôt mystérieuse : Site d’élimination des chargements d’objets identifiés anciens ! Il s’agit en l’espèce de munitions chimiques découvertes ou restant à découvrir sur les champs de bataille de la Grande Guerre, et contenant des agents toxiques tels que l’ypérite, le phosgène ou autres substances irritantes.
Jusqu’en 1994, ces obus et ces grenades à main d’origine française, allemande, anglaise et américaine étaient détruits en baie de Somme, avant que les pouvoirs publics ne renoncent à ce procédé pas très écologique.
Depuis, quelque 250 tonnes de munitions s’entassent au camp militaire de Suippes, dans la Marne, en attendant leur destruction.
L’idée de Sécoia remonte à 1997 et sa localisation est arrêtée depuis 2002, mais un changement de technologie puis de prestataire a retardé le projet.
La DGA (direction générale de l’armement), maître d’ouvrage, a finalement confié à Airbus Defence and Space (ex-Astrium) le soin de débarrasser le pays de cet encombrant héritage.
« Secoia aura une capacité de destruction maximale de 42 tonnes par an, explique le chef de projet Albert Dapra. Cela permettra de résorber le stock existant et les 20 tonnes retrouvées chaque année durant les seize premières années d’exploitation. »
Mais « il y en a pour plusieurs décennies », pronostique un Albert Dapra qui avoue son incapacité à faire une évaluation plus précise tant on ignore le nombre exact d’obus déversés par les belligérants sur le théâtre des opérations.
Selon les estimations, leur nombre se situerait entre 5 et 10 % d'un total de 44 millions de munitions, dont 5 % portant une charge chimique. « Il pourrait y avoir encore 100 000 ou 200 000 munitions enterrées, sachant que le stock de 250 tonnes entreposé à Suippes représente 17 000 munitions. »

Explosion en chambre
Le procédé finalement retenu pour leur destruction consistera à les faire exploser dans une chambre de détonation étanche et blindée à l’aide de charges explosives neuves semblables à celles que l’on utilise dans les mines et les carrières.
« Tout le process sera robotisé et automatisé, depuis le déchargement des camions jusqu’à la destruction finale, souligne le chef de projet. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, les hommes ne seront jamais en contact direct avec les minutions ».
Les différents déchets, solides, liquides et gazeux, seront récupérés à la source et envoyés pour traitement dans des filières spécialisées. L’activité de Sécoia aura un impact négligeable sur l’environnement, affirment ses responsables, et devrait être sans danger pour la population.
Airbus Defence and Space s’est entouré de pointures dans leur domaine pour la partie industrielle du projet, à l’image du Japonais Kobelco pour le procédé de destruction, Français Réel pour la manutention télé-opérée du site et Trédi pour le traitement des déchets.
Une quinzaine d’emplois
Les entreprises régionales du BTP n’ont pas été oubliées. Elles se partagent 25 millions d’€ pour la construction des bâtiments, soit un quart de l’enveloppe globale, qui s’élève à 100 millions.
Les terrassements ont été réalisés fin 2013 et le gros œuvre a commencé. Les infrastructures seront livrées mi-2015 et subiront une année de tests avant d’être opérationnelles.
Le coût de fonctionnement de Sécoia devrait quant à lui approcher 10 millions d’€ par an et l’exploitation du site se soldera par la création d’une quinzaine d’emplois civils, formés de personnels Airbus ou Trédi, non comptés les emplois indirects ou induits.
Outre les entrepreneurs locaux, le territoire dans son entier bénéficiera d’importantes retombées fiscales et a déjà profité des subventions du Fonds pour les restructurations de la défense (Fred) qui ont servi en particulier à aménager une piscine et deux écoles.

Suffisant peut-être pour amadouer des élus locaux et des riverains quelque peu inquiets à l’idée de voisiner avec une usine de destruction d’obus chimiques.
Le site en lui-même s’étendra sur 6 hectares en zone Zoulou, à la pointe sud du camp de Mailly, sur le finage (*) de la commune de Dampierre.
Sécurité oblige, les bâtiments techniques seront isolés de la zone administrative. L’accès au site sera comme il se doit très réglementé. Et le trafic routier généré par l’exploitation de Sécoia devrait rester limité à « deux ou trois camions par semaine » pour acheminer les munitions jusqu’au centre.
(*) Limites d'un territoire villageois. Images : projet Sécoia.
Monsieur, Pourquoi l'usine Secoia n'est-elle toujours pas en service en 2022? Merci pour votre réponse, cordialement Nicolas Laisné