INNOVATION/VOSGES. Tissage de fibre optique ou encore de textiles techniques pour l’armée, recherche collaborative pour élaborer un produit 100% local, etc.
Le spécialiste du linge de maison haut de gamme Garnier-Thiébaut à Gérardmer (Vosges) lit son avenir dans l’innovation.
Son PDG, Paul De Montclos est l’artisan de la mobilisation nationale du réseau France Terre Textile les 30 septembre et 1er octobre.

Plus d’un millier de personnes vont mouiller le maillot les 30 septembre et 1er octobre dans le Grand-Est, mais aussi en Auvergne-Rhône-Alpes et dans le Nord pour défendre la filière textile française. Après deux manifestations en 2013 et 2015 cantonnées à la Lorraine et l’Alsace, les organisateurs de ce défi sportif ont mobilisé plus largement pour attirer l’attention sur le logo « France Terre textile ».
A l’origine de ce label qui garantit que trois-quarts des opérations sont réalisées dans l’hexagone, on trouve Paul de Montclos, président de Garnier-Thiébaut à Gérardmer (Vosges). Cette PME spécialisée dans le linge de maison haut de gamme a depuis de nombreuses années pris conscience de l’importance de parier sur le savoir-faire régional, mais aussi sur l’innovation.
L’entreprise de 220 salariés (40 millions d’€ de chiffre d’affaires) a récemment adapté ses procédés pour intégrer de la fibre optique ! Première concrétisation : le toit d’un banc d’extérieur capable de s’auto-éclairer via un film photovoltaïque souple. Ce prototype imaginé par le Nantais Armor group a associé les savoir-faire de cinq industriels majoritairement implantés dans l’Ouest.
Sur le plan technique, la fibre optique est « guipée », autrement dit entourée d’un fil de protection pour se prémunir des risques d’écrasement lors du tissage. Cette enveloppe a un autre avantage.
« La fibre s’apparente à un tuyau lumineux par lequel la lumière entre puis ressort. Cela implique un traitement par abrasion pour faire passer la lumière aux endroits souhaités. Pour ce faire, on supprime ponctuellement le guipage », livre le président de Garnier-Thiébaut.
Le dirigeant réfléchit d’ores et déjà à d’autres débouchés dans la décoration : logos sur des sièges dans l’automobile, parties basses de rideaux pour sécuriser les personnes âgées, etc.
Une matière première à base de cellulose cultivable localement

Mais pour réaliser des motifs lumineux, la manufacture devra franchir un cap supplémentaire en croisant les fibres optiques dans les sens de la trame et de la chaîne. En effet, celles-ci ne sont, pour le moment, qu’intégrées dans le sens de la trame à des fibres de coton.
La fibre optique n’est qu’un des volets de la stratégie de Garnier-Thiébaut qui consacre chaque année 4 à 5% de son chiffre d’affaires à l’innovation. « On met de moins en moins de nappes sur les tables, nous devons imaginer de nouveaux débouchés », alerte Paul De Montclos.
L’entreprise fondée en 1833 s’est distinguée il y a sept ans grâce à une nappe traitée aux nanoparticules qui ne tache pas. Elle collabore actuellement avec l’armée pour créer des textiles imperméables aux ondes électromagnétiques.
A Gérardmer, deux ingénieurs sont dédiés à l’innovation, auxquels s’ajoute un troisième en charge de la veille notamment sur les tissus connectés. Les trois stylistes de l’entreprise contribuent également au renouvellement de la marque.
Totalement intégrée depuis le tissage jusqu’à la distribution en passant par l’ennoblissement, la PME ambitionne de franchir un cap supplémentaire... Avec le Centre d’essai textile lorrain (Université de Lorraine), elle cherche une matière première cellulosique cultivable localement. Objectif : fabriquer à partir d’un fil fin et soyeux des produits 100% Grand-Est !
« Le chanvre a été cultivé dans la région, mais le savoir-faire de la filature s’est perdu. Même chose pour le lin, actuellement cultivé en Flandre belge et française, et envoyé en Europe de l'Est, voire en Asie pour être filé », poursuit le dirigeant.
En attendant, l’entreprise soigne sa marque synonyme de qualité et cherche à la diffuser davantage à l’export où elle réalise 45% de son chiffre d’affaires. Implantée aux Etats-Unis via une société commerciale qui emploie 50 personnes, la PME vosgienne va ouvrir prochainement une enseigne commerciale à Dubaï.

Qui est Paul De Montclos ?
Lors de son arrivée en 1995 à Gérardmer, Paul De Montclos avait pour mission de préparer la cession de Garnier-Thiébaut rachetée dix ans auparavant à la barre du tribunal par la holding familiale HDM finance (ex Tissages denantes). Le PDG n’a pas quitté les Vosges depuis.
Représentant la 12e génération d’une saga familiale dans le textile, il a adjoint une activité commerciale à l’activité industrielle afin de s’émanciper des distributeurs, recruté des stylistes, ouvert l’entreprise au marché du particulier (60% du chiffre d’affaires), et créé une activité de négoce pour compléter la gamme produite localement.
Quelle belle exemple de stratégie de développement ; assurer le quotidien avec des produits de qualité en B To C dans le respect de la culture d'entreprise et développer de nouvelles niches innovantes en B To B. Tout cela avec un engagement socioéconomique dans le secteur. BRAVO. Bernard Bouly.