EMPLOI/ALSACE. Le décrochage entre l’Alsace et l’Allemagne frontalière, il en est question presque tous les jours dans les cénacles économiques de la région. Personne ne le nie et les raisons sont connues : différentiel de croissance et de qualification professionnelle.

Mais moins de monde sait exprimer l’écart avec précision. Dans le cas de l’espace entre le Sud-Alsace et la région de Fribourg-en-Brisgau, ceux qui liront la récente étude « Evolutions de l’emploi », co-produite par la Maison de l’emploi et de la formation (MEF) du Pays de la région mulhousienne et l’agence d’urbanisme de la région mulhousienne (AURM), pourront désormais en parler autrement qu’au doigt mouillé.

 

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La zone géographique étudiée par la maison de l’emploi de Mulhouse. © MEF Mulhouse.

 

Réalisé avec l’agence pour l’emploi (Arbeitsagentur) de Freiburg, le document fourmille de chiffres. Partant de début 2009, ils s’arrêtent certes à fin 2013, le temps de compiler les statistiques et plus encore de les coordonner à partir de grilles différentes. Mais on imagine difficilement une inversion de courbe depuis.


Pour n’en citer que quelques-uns, le secteur marchand côté français a perdu 7,7 % de ses effectifs durant les cinq ans considérés, pendant que la partie allemande en a gagné 12,7 %.

 

Qu’il s’agisse de l’industrie, de la construction ou du commerce, toutes les composantes ont diminué en Sud-Alsace et toutes ont progressé à Fribourg.

 

Concernant la première, la baisse est de 4 900 emplois d’un côté et la hausse de 10 400 de l’autre. Dans le détail des activités industrielles, on observe quelques exceptions à la hausse allemande (la fabrication d’équipements électroniques) et à la diminution sud-alsacienne, comme l’agro-alimentaire et la production/distribution d’électricité.

 

Mais les croissances de ces dernières sont modérées et ne sauraient masquer le recul généralisé dans les biens d’équipement et les biens intermédiaires.

 

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© MEF Mulhouse

 

Du coup, on assiste à un croisement des courbes, au niveau des chiffres absolus. Début 2009, le Sud-Alsace comptait 25 000 actifs de plus que le bassin de Fribourg dans le secteur marchand. Le nombre est devenu égal en 2012 et depuis fin 2013, la partie allemande dépasse la française de 3 000 unités. Ceci pour une population totale inférieure de près de 100 000 habitants.

 

La traduction est donc encore plus flagrante en terme de taux de chômage. Celui-ci atteint 11 % à fin 2014 dans le bassin de Mulhouse, contre 4 % chez le voisin. Pour les jeunes, c’est 20 % d’un côté et… 2,1 % de l’autre, record d’Allemagne.


Le lot de consolation, celui qui atténue quelque peu la noirceur du tableau, vient du secteur non-marchand. Selon l’étude, il a progressé le long des deux rives du Rhin entre 2009 et 2013  : + 2 100 postes sur la française (+ 8,9 %) mais + 6 000 sur l’allemande (+ 12,6 %).


Fribourg-Mulhouse tous les jours, un budget voiture de 10 000 € par an

 

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Erika Tschann et Alexandra Walonislow, auteures de l’étude.

 

L’étude mulhousienne comprend un second volet, consacré aux jeunes frontaliers haut-rhinois en Allemagne et en Suisse. L’analyse de leur profil apporte quelques éclairages intéressants.

 

Sur les non-diplômés, par exemple, bien moins nombreux qu’on ne l’imagine. « Ils ne sont que 5 % côté suisse. La proportion monte à 15 % en Allemagne, mais c’est probablement lié à la comptabilisation de ceux qui entrent en apprentissage », souligne Erika Tschann, chargée de missions pour le transfrontalier à la MEF.


L’effet du recul du bilinguisme n’est pas occulté. S’y ajoute le handicap de mobilité, moins souvent mis en avant.

 

« Travailler à Fribourg depuis Mulhouse implique un budget voiture de 10 000 € par an », souligne Alexandra Walonislow, directrice déléguée de la Maison de l’emploi. Autrement dit, des liaisons train plus intenses qu’aujourd’hui pourraient être utiles…


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De façon générale, c’est un appel à ouvrir un vaste chantier que l’étude lance aux élus, dans ses conclusions sur les moyens de développer le travail transfrontalier.

 

Apprentissage, élévation du niveau de qualification, formation à l’allemand, offre de transports collectifs, offre de logements au bord du Rhin : « Le sujet touche toute une série de politiques », soulève Alexandra Walonislow.

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