Ingénieur optique, Gregory Haye avait des fourmis dans les jambes et s’est reconverti dans la production d’huile essentielle de résineux il y a trois ans. La production de la distillerie Aromacomtois est vendue sur le lieu de production et dans plus d’une centaine de points de vente, uniquement en Bourgogne-Franche-Comté.
Son huile essentielle de sapin blanc titille les narines dès l’entrée de la boutique installée, tout comme la distillerie, dans l’ancienne poste d’Amancey (Doubs), un gros village du premier plateau jurassien. Ici, Gregory Haye, le gérant d’Aromacomtois est allé au bout de sa démarche : du local, des circuits courts, de la nature. Rondins et billes de bois, vieux skis et luge antique forment le décor.
Et, au mur, deux peintures naïves commandées à l’artiste franc-comtois Denis Bauquier en deux versions, été et hiver, d’un paysage typiquement jurassien – dont la photo est imprimée sur les boîtes de bonbons maison.
Quant aux produits portant tous la mention Nature et Progrès, la plupart sont des déclinaisons de la star des lieux : l’huile essentielle de sapin blanc. Des savons, des gommes, des huiles de massage, parfums d’ambiance, sirops et même une bière brassée aux Rousses par Jurassic Brewery. « C’est le plus proche brasseur en bio et nous avons les mêmes valeurs. Je lui fournis l’huile essentielle », explique Gregory Haye qui quitte parfois la forêt pour s’essayer à d’autres plantes.
Créée en 2017 par cet ancien ingénieur ayant ressenti l’appel de la forêt, la distillerie Aromacomtois est spécialisée dans la production d’huiles essentielles d’épicéa, pin sylvestre mélèze ou sapin douglas. Le distillateur qui s’est promis de « vivre localement » en trouve à pleines brassées autour d’Amancey, dans un rayon de 20 kilomètres. « Je récolte sur les domaines public et privé. Les bûcherons m’appellent, on regarde la parcelle ensemble et si elle est accessible, je reviens. Ils me mettent les branches de côté en prenant soin de ne pas rouler dessus. Je coupe le dernier mètre, là où la branche est la plus fournie, et j’en fais des fagots de 10 ou 15 kilos. »


Après la récolte vient la distillation. Environ 35 fagots (soit 450 kilos) sont broyés dans un panier, puis poussés dans l’alambic. « Il s’agit d’une extraction par entraînement à la vapeur douce », explique le gérant de la distillerie dont la production 2019 a atteint 80 litres pour 31 tonnes récoltées. Quand le temps est calme, il produit un litre par jour de distillation, mais le double quand la forêt subit une agression climatique – canicule, grand froid, inondation –, le sapin produisant des huiles essentielles pour se défendre des parasites et du climat.
120 points de vente régionaux

Si son huile essentielle de sapin a, dit-il, un arôme plus subtil qu’ailleurs, c’est dû tout autant à ce soin porté au choix de la matière première qu’à la forme de l’alambic, conçu et réalisé avec l’un de ses deux associés : Pierre Gavignon, responsable de la société alsacienne de fabrication d’autoclaves Steritech, à Saverne. « Cet alambic, c’est une pièce unique, avec une cuve couchée, alors que 99% des cuves sont verticales. Le rendement est de 20 à 30% inférieur mais l’huile plus douce et plus ronde. » Le troisième associé est Olivier Tissot, pharmacien à Ornans, diplômé en phytothérapie et en aromathérapie, qui apporte sa caution scientifique.
L’huile essentielle de sapin blanc possède des vertus assainissantes, décongestionnantes, tonifiantes, anti-inflammatoires, antalgiques, rééquilibrantes... Un vrai trésor qui commence aussi à intéresser des chefs cuisiniers. Vendue dans la boutique d’Amancey, la production d’Aromacomtois se trouve aussi dans 120 points de vente régionaux : épiceries de village, rayons d’aromathérapie ou magasins bio. « J’ai été contacté par d’autres enseignes ailleurs en France mais j’ai dit non. Je veux privilégier le local. »

Formé à l’agriculture puis à l’aromathérapie, à Montmorot (Jura) puis Gerardmer (Vosges), Grégory Haye, 46 ans, n’a plus le temps de préparer de longues courses mais il travaille souvent dehors, ce qui le comble. Il habite le village d’Amancey – où ses trois enfants sont scolarisés et où son épouse a pu ouvrir un cabinet de soins énergétiques – et ne vise rien d’autre « qu’un salaire décent » pour lui et Sandrine, salariée à mi-temps qui l’aide à la vente et aux préparations des commandes.