AGROALIMENTAIRE/CÔTE-D’OR. Rare bonbon à s’exporter en dehors des grandes marques, l’anis de Flavigny relève d’un savoir-faire artisanal que sa dirigeante Catherine Troubat commercialise comme une carte postale de la France.
Les ventes à l’étranger des Anis® de Flavigny ont bondi à 35% du chiffre d’affaires, grâce à une méthode rigoureuse remarquée par le trophée de bronze des Femmes de l’Économie de Bourgogne-Franche-Comté.
Un entrepôt tout neuf moyennant un investissement de 4 millions d’€ va prochainement fluidifier les expéditions.

A l’approche des imposants bâtiments de l’abbaye Saint-Pierre, dans le petit village de Flavigny-sur-Ozerain (300 habitants, Côte-d’Or), des effluves d’anis emplissent les narines. Quatre siècles en arrière, on aurait pu évoquer la même scène. Catherine Troubat, présidente des Anis® de Flavigny a remonté les traces (écrites) de la recette de ces petits bonbons ronds à l’anis jusqu’en 1951.
Les archives disent que ce joli village médiéval comptait huit fabricants d’anis au début du 19ème siècle. Et que déjà, les moines qui ont fondé l’abbaye sous Pépin Le Bref (et dont il subsiste une crypte mérovingienne superbement rénovée par l’entreprise) conservaient des graines d’anis vert dans du sucre pour préserver leurs vertus anti-infectieuses.
C’est cette histoire patrimoniale que la présidente des Anis® de Flavigny raconte aux quatre coins du monde pour séduire les amateurs de bonbons. Le premier ingrédient de cette dragée d’environ 1 gramme est une graine d’anis vert, qu’enrobe un sirop de sucre de betterave (ou de canne pour la gamme bio) dans une turbine en cuivre jusqu’à atteindre la grosseur voulue. Des huiles essentielles de fleurs et de plantes déclinent le bonbon de base dans différentes saveurs.
A ce savoir-faire traditionnel récompensé en avril dernier par le label Entreprise du Patrimoine Vivant qui lui permet de vendre « une carte postale de la France », s’ajoute une stratégie marketing qui décline invariablement la romance intemporelle entre un berger et une bergèree ; seul le graphisme est réactualisé au fil du temps.
Et cela marche. Alors que la majorité des entreprises de confiserie évoluent sur une offre de bonbons qui piquent et en jettent de toutes les couleurs, les Anis® de Flavigny sont restés sur une pastille douce qui n’a pas toujours été tendance, mais le redevient.
La “méthode Troubat”

Les ventes à l’étranger (1,051 million d’€ en 2016) représentent aujourd’hui 35% d’un chiffre d’affaires de 4 millions d’€. Elles étaient d’un peu plus de 350.000 € en 2001. Les bonbons à l’anis se retrouvent dans les magasins de 45 pays. L’Europe constitue le premier marché, suivi de l’Amérique du nord et plus récemment, le Japon et la Russie.
A Elodie Ludwig, son assistante export qu’elle a récemment intégrée à l’équipe de 33 personnes, Catherine Troubat a transmis « [sa] méthode » : pas de prospection tout azimuts, mais un choix de marchés prioritaires, puis une démarche sur le terrain avec le relais d’UbiFrance pour vérifier les chances d’implantation du produit.
« Avant d’essayer de convaincre des importateurs, nous nous informons sur les marges des acteurs de la chaîne du circuit de distribution, le montant des taxes douanières, de la TVA, et calculons à quel prix le consommateur peut le retrouver en magasin », explique la dirigeante.
Le relevé des prix de la concurrence et des goûts locaux des consommateurs précède un test du marché en exposant sur un salon professionnel. Car on le devine, les goûts varient selon les pays. Si les Français aiment l’anis nature, les Asiatiques l’assimilent au goût d’un médicament ; ils préfèrent la rose et le citron ; les Américains, eux, aiment la violette.

Elle qui a été pendant six ans conseillère du Commerce extérieur de la France, Catherine Troubat sait de quoi elle parle : « Pour qu’elles durent longtemps, les ventes à l’export ont besoin de solides fondations ».
Le coût du stockage, de la traduction des documents commerciaux, de l’adaptation de l’étiquetage notamment avec les mentions obligatoires, les lois locales des contrats commerciaux, sont évaluées avant de choisir un importateur par ses compétences mais aussi, dit-elle, « au feeling ».
Sur le marché français, le positionnement du produit passe sur une diversification des circuits de distribution, sauf en grandes surfaces, à l'exception de la Bourgogne-Franche-Comté avec les enseignes qui jouent la carte des produits régionaux.
Un bâtiment en bois aux portes du village

Premier confiseur à installer après-guerre des distributeurs dans les gares et le métro, et plus récemment dans les kiosques d’aéroport et sur les aires d’autoroute, Les Anis® de Flavigny renouvellent leur clientèle avec de nouveaux circuits de distribution et, par un réactualisation des packagings. Les grands magasins et supérettes urbaines rejoignent les épiceries fines, jardineries et boutiques cadeaux.
Dernièrement, l’entreprise a sorti un paquet nomade de 40 grammes en carton proche de la taille d’un paquet de cigarettes. Il complète les conditionnements en boîte plastique avec le couvercle en métal (50 grammes de bonbons), les étuis de poche en carton, plus petits (18g) et le gros paquet d’un kilo. « L’idée était de proposer un produit pas cher pour les achats impulsifs ».

L’écrin de l’abbaye convenant bien à la boutique, au musée récemment installé et à l’atelier de fabrication ouvert tous les matins aux visiteurs, ce n’est plus le cas pour assurer la logistique.
Catherine Troubat attend le feu vert de l’architecte des Bâtiments de France pour construire un entrepôt de 500 m2 aux portes du village. L’aboutissement d’un combat de 14 années, soupire t-elle, en raison du classement du village.
L’architecte de Saulieu (Côte-d’Or) Claude Coreia, lui a dessiné un bâtiment discret, habillé en bois où l’atelier de conditionnement prendra ses aises aux côtés des zones d’expédition et de stockage des matières premières et des produits finis. L’investissement qui comprend aussi un verger d’arbres fruitiers frise les 4 millions d’€.
Qui est Catherine Troubat ?
C’est en 1923 que le nom de Troubat apparaît dans l’histoire des Anis de Flavigny, quand Jean - le grand-père de Catherine - acquiert la Fabrique Galimard qui avait repris l’activité des sept autres confiseries de ce village situé dans le nord de la Côte-d'Or, tout près du siège d'Alésia.
Après avoir étudié la publicité et le marketing à l’IUT de Besançon, puis préparé une maîtrise à l’université Villetaneuse Paris, Catherine Troubat exerce pendant quatre ans le métier de publicitaire à Dijon. En 1990, elle rejoint son père Nicolas à la fabrique comme « apprentie patronne » sur le terrain et complète sa formation théorique en suivant les cours du soir de la CCI de Dijon.
Aujourd’hui à la tête d’une équipe de 33 personnes, elle a fait passer l’entreprise aux 35 heures, implanté la vente des bonbons dans les jardineries ainsi que dans les kiosques d’aéroport, relooké les boîtes ovales, lancé les Petits Anis® (des bonbons moins gros) et une gamme certifiée biologique par Ecocert.
Catherine Troubat a également été conseillère du commerce extérieur de 2009 à 2015 et elle est membre active du réseau de fabricants de produits régionaux Vive la Bourgogne.
Elle est aussi conseillère municipale de Flavigny-sur-Ozerain et est impliquée dans la Fédération des Entrepreneurs et Entreprise de France, association de PME manufacturières qui mutualisent leurs relations avec la grande distribution et la restauration hors foyer.

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