Après une période plus ou moins longue sous les drapeaux, on les retrouve dans la vie civile à exercer de nombreux métiers : plombier, technicien de maintenance, technicien réseaux, spécialiste du transport et de la logistique, soudeur, chaudronnier, infirmier, médecin ou encore électromécanicien et auxiliaire vétérinaire. Via son agence de reconversion Défense Mobilité, l’armée les accompagne dans leur démarche pour trouver un emploi. Mieux, elle les pouponne avec un accompagnement très personnalisé. Philippe Criaud, l’un des spécialistes de la reconversion de militaires, nous a permis d’évoquer le parcours de trois d’entre eux.
La « grande muette », qui au passage l’est de moins en moins, ne laisse pas ses troupes sur le carreau une fois qu’elles quittent ses rangs. Défense Mobilité, l'agence de reconversion de l'armée, se met à leur écoute 16 à 24 mois avant leur départ (*) pour recueillir leurs souhaits, monter un dossier de reconversion, puis assure un suivi jusqu’à trois années après.
Six directions régionales (700 personnes) avec une trentaine d’agences réalisent ce travail qui passe par la recherche d’entreprises et, au besoin, un temps de formation (jusqu’à 12 mois) ou une période d’adaptation en entreprise de trois à six mois entièrement payée par l’armée.
Ancien adjudant-chef, Philippe Criaud (54 ans) est l’un de ces accompagnateurs professionnels et confesse un attachement presque fusionnel pour les ressources humaines. Versé dans la cavalerie (les blindés), il se voit en fin de carrière confier une mission de reconversion (**) à Metz, puis à Dijon. Il rempile ensuite à la retraite – précisons qu’il faut pour la toucher, 19,5 années de service dans la fonction publique d’État au même poste.
Moins de 5% d’échec

« Mon métier consiste en premier lieu à identifier les compétences transférables, les différentes armes ayant de nombreuses spécialités appréciées, puis d’évaluer le savoir-être de la personne et son adaptabilité à l’entreprise pressentie », souligne ce chargé de prospection affecté à la Bourgogne et l’un 50 en France. Les anciens militaires sont très recherchés, surtout dans l’industrie, et ce d’autant plus quand de nombreux métiers sont en tension comme actuellement.
D’ailleurs le taux d’échec est inférieur à 5% selon Philippe Criaud. De son côté, le taux de retour à l’emploi est digne d’une école de commerce ou d’ingénieurs : jusqu’à 75%. « Les employeurs reconnaissent que la formation militaire, pour rigoriste qu’elle soit, donne au final des gens avec un savoir-être et un sens de l’adaptation développés », précise t-il.
(*) L’armée française se compose à 65% de contractuels qui y restent moins d’une dizaine d’années en moyenne.
(**) Un plan famille depuis 2018 renforce le soutien au conjoint par du cofinancement de formations professionnelles, de l’accompagnement à distance pour ceux vivant à l’étranger et un appui renforcé au rapprochement de conjoints fonctionnaires d’Etat, notamment les enseignants.
• Denis Edouard, responsable maintenance chez Tetra Pak Dijon
Même si sa spécialité en mécanique se situe assez loin des presses d’impression sur carton et autres machines à réaliser des emballages, le métier du groupe international suédo-suisse Tetra Pak, Denis Edouard assure y être très à l’aise. Recruté pour son sens aiguisé du management, cet ancien adjudant de l’Armée de l'air dirige une équipe de 16 personnes de l'usine de Dijon-Longvic.
Auparavant – et c’était son premier poste civil au sortir des rangs en 2016 –, cet homme de 47 ans travaillait chez l’Américain HS Aerospace, toujours près Dijon, affecté à la réparation de génératrices électriques d’avion. Philippe Criaud l’a épaulé pour trouver ce poste en référence à ses connaissances en aéronautique.
Et la liste de ses compétences est longue pour cet engagé à 24 ans dans les forces aériennes au grade sergent, après un service national en tant que sous-lieutenant. Après avoir fait son apprentissage à l'École de Formation des Sous-officiers de l'Armée de l'Air et de l'Espace (EFSOAAE) de Rochefort, Denis Édouard part pour Orange en escadron de chasse avec pour spécialité l’armement opérationnel. Autant dire qu’aucune erreur n’est permise. Il se voit ensuite muté à Dijon (feu la BA 102), toujours dans la même discipline.
Las d’avoir à déménager de nouveau, la base allant disparaître, Denis Edouard demeure un temps au dépôt de munitions, puis fait le grand saut dans le privé sans plus d’appréhension, confie l’ancien militaire qui possède une faculté d’adaptation pour le moins étonnante.
• Nicolas Lesquerbault et Anthony Cauzzo, conseillers à la sécurité pour le transport de marchandises dangereuses chez AGMS à Genlis

Les deux hommes poursuivent un parcours professionnel commun. Militaires plusieurs années ensemble dans le régiment du train d’Auxonne (Côte-d'Or) et à la base pétrolière interarmées de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), amis dans la vie, Nicolas Lesquerbault et Anthony Cauzzo travaillent aujourd’hui comme conseillers à la sécurité pour le transport de marchandises dangereuses dans l’entreprise AGMS, à Genlis (Côte-d’Or). On les sent heureux d'exercer un métier qui les passionne. Et d’autant plus qu’ils travaillent auprès d’Alain Goarant, le fondateur et dirigeant, lui aussi ancien militaire dans la marine.
Avant d’en arriver là, Nicolas Lesquerbault (41 ans), titulaire d’un BEP agricole en aménagement d’espaces verts, voulait intégrer les pompiers de Paris. Ce sera finalement l’Armée de terre comme ambulancier, puis la logistique et au gré des mutations, le poste d’instructeur pour le transport de marchandises dangereuses, prémonitoire s’il en est. Anthony Cauzzo (40 ans), titulaire d’un bac électrotechnique, s’engage pour être sous-officier et connaît des missions identiques dans la logistique et le transport de carburant.
Le premier reste 18 ans dans l’armée, le second un peu plus de 21 ans. Ils la quittent par lassitude du commandement et confessent une perte d’intérêt vis-à-vis de l’institution.
Leur rebond dans la vie civile découle de leurs connaissances en matière de transport de matières dangereuses. Pour être conseiller, ils valident, toujours militaires, l’examen de conseiller à la sécurité obligatoire pour exercer. L’opportunité se présente en 2016 pour Nicolas, car AGMS recherche ce précieux profil. En 24 heures, l’ancien adjudant dit oui et après deux mois seulement de période d’adaptation en entreprise, il est embauché.
Anthony, resté plus longtemps sous les drapeaux, bénéficie du départ d’un collaborateur pour intégrer AGMS en janvier dernier. « J’apprécie ces deux collaborateurs, ils sont précis, efficaces, anticipateurs et savent s’adapter », souligne Alain Goarant. Le métier des trois hommes est en effet très complexe car il s’agit de conseiller le bon mode de transport en balayant toutes les possibilités pour tous les types de matières dangereuses, du produit corrosif à celui radioactif. L’entreprise de 11 personnes s’occupe également des installations classées pour la protection de l’environnement. Son chiffre d'affaires frise le million d'€.