
ENVIRONNEMENT. L’affichage environnemental, à savoir le fait de mesurer puis de communiquer au public l’impact sur l’environnement d’un produit de sa naissance à sa mort, a-t-il lieu d’être généralisé ?
La question n’a pas encore été tranchée par le gouvernement.
Pour l’aider à prendre une décision, une série d’expérimentations volontaires a été lancée dans la foulée de la loi Grenelle II de juillet 2010.
L’une d’elles a rassemblé 31 entreprises de l’ameublement d’une part, du textile d’une part, des régions Alsace, Bourgogne et Lorraine, sous la houlette de l’Afnor et de l’Ademe.
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Elle a débouché en fin d’année dernière sur deux documents de retour d’expériences, un par filière. D’où il ressort que l’idée a du bon mais qu’elle ne manque pas d’obstacles sur sa route.
A l’exception du groupe Mobilier européen (les enseignes Atlas et Fly contrôlées par la famille mulhousienne Rapp) et de la Société alsacienne de meubles, elle aussi plus connue sous ses marques-phares Cuisines Schmidt et Cuisinella, les entreprises participantes ne dépassent pas un effectif de 250 personnes.
« Le thème de l’affichage environnemental des produits, intéressant en premier lieu les groupes et la grande distribution, il y avait le risque que les PME passent à côté. D’où notre expérimentation», expose Pascal Thomas, délégué régional Afnor Alsace-Bourgogne-Lorraine.
Aidée par un centre d’expertise (le pôle textile Alsace et l’institut technologique FCBA du bois-ameublement), chaque filière a retenu respectivement quatre et cinq indicateurs.
Le tronc commun a été formé par les émissions de gaz à effet de serre, l’eutrophisation du milieu aquatique (diminution de la teneur en oxygène induite par l’apport excessif de substances comme l’azote et le phosphore) et l’épuisement des ressources naturelles, à savoir la quantité de matière d’origine non renouvelable (pétrole, fer, charbon…) utilisée pour la fabrication, exprimée en kilogrammes équivalent d’antimoine, élément chimique métallique présent en quantité limitée dans la nature.
Le textile a ajouté la consommation d’eau tandis que l’ameublement a porté son regard sur l’acidification (exprimée en équivalent dioxyde de soufre) et la production d’oxydants photochimiques, polluants dont le principal est l’ozone.
Il s’agissait alors pour chaque entreprise de mesurer cet impact sur un produit ou ensemble de produits baptisé « unité fonctionnelle » selon la méthodologie de l’analyse du cycle de vie encadrée par une norme de la famille de l’Iso 14000.
L’énoncé de ce préalable le laisse deviner, la mesure de l’impact n’a pas été une affaire facile et de fait, une majorité des entreprises n’est pas arrivée – encore ? – jusqu’au but ultime consistant à proposer un affichage environnemental.
L’impact environnemental comme un critère d’achat
Dans le guide de restitution, l’Afnor et l’Ademe ont eu l’honnêteté de ne pas éclipser les difficultés. Elles tiennent à des points de méthode : mode de calcul, compréhension de tel ou tel indicateur, pertinence de tel référentiel.
Elles résultent aussi de la collecte des données auprès des fournisseurs qui mettent plus ou moins de bonne volonté à comprendre l’enjeu de transmettre certaines informations.
Quant au plus important en définitive, l’effet sur le consommateur pour que l’impact environnemental devienne un critère d’achat majeur, il reste embryonnaire.
« Nous nous interrogeons sur la réelle compréhension de l’affichage par le consommateur », rapporte la corderie Meyer-Sansboeuf de Guebwiller (Haut-Rhin).
« L’enquête consommateur a confirmé que nos clients sont peu sensibles à l’affichage environnemental, il n’influence pas leur acte d’achat », renchérit Le Coq Sportif à Entzheim (Bas-Rhin).
L’ameublement met en avant un effet inattendu et qu’on pourrait presque qualifier de pervers : « La matière première étant la plus contributrice dans le calcul des indicateurs, bien plus que le transport et le process de fabrication, le résultat final ne valorise pas les efforts pour optimiser les process et pour s’approvisionner localement. L’affichage sera meilleur pour un produit de basse qualité fabriqué à l’étranger que pour un produit qualitatif, le panneau de particules aura un meilleur résultat que la façade en bois massif local ».
Ces conclusions sont autant de remontées utiles vers le national pour définir au mieux l’affichage environnemental qui attend son éventuelle généralisation depuis plusieurs années déjà.
Elles ne doivent pas occulter les éléments positifs, qui ne manquent pas : valorisation des circuits courts, anticipation de règlementation, réduction des impacts environnementaux, participation à des débats techniques à fort enjeux pour son métier, etc.

Plus généralement, « l’expérimentation a créé des courants d’affaires entre les entreprises, elle a stimulé leurs échanges sur des questions techniques. Et elle les a fait progresser dans leur démarche environnementale », relèvent Pascal Thomas et Florence Huc à l’Ademe Alsace.
Pour Alsatextiles (9 salariés à Riedisheim près de Mulhouse), « l’expérimentation a donné l’occasion de valoriser notre démarche d’éco-conception, de nous interroger sur notre performance environnementale lors de l’étape de production, sur le choix des matières premières et leur traçabilité. Elle s’est transformée en véritable projet d’entreprise ».