Le fabricant de montres automatiques a rapatrié de Madagascar, une partie de l’assemblage rendu économiquement possible grâce à une montée en gamme. Plus de la moitié des ventes sont désormais produites dans l’atelier d’Ernolsheim-lès-Saverne (Bas-Rhin).


Le patient travail de relocalisation des montres Pierre Lannier sur leur site historique d’Ernolsheim-lès-Saverne (Bas-Rhin) porte des fruits de plus en plus visibles. Sur le premier semestre 2021, la marque est devenue la première sur le marché français des montres à moins de 500 € – un segment qui concentre un peu plus de la moitié des ventes totales dans l’Hexagone  – selon la mesure de la société d’études Panel 5 spécialiste de l’horlogerie-bijouterie-joaillerie. « Une première depuis la création en 1993 de ce panel », souligne Pierre Burgun, le président du directoire de la société familiale.

Si les volumes de vente empruntent une pente positive, la progression la plus décisive sur le long terme a concerné le prix unitaire. « En dix ans, nous avons doublé le prix public moyen de nos montres pour le porter à 140 € et ainsi rejoindre le cœur de marché français », souligne le dirigeant. Cette montée a rendu économiquement possible le rapatriement de production en Alsace. Car il y a vingt ans, par l’effet de diverses causes « dont les 35 heures », Pierre Burgun n’avait trouvé d’autre issue, selon lui, que de concentrer la quasi-totalité de la fabrication à Madagascar.



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« En 2001, il restait trois personnes à l’atelier à Ernolsheim-lès-Saverne. Aujourd’hui, elles sont 15 », expose-t-il. En ajoutant le service après-vente, le compteur monte à 25, soit les mêmes effectifs que la grande île rouge de l’Océan Indien. Les services support, la création, le design ou encore amènent à un total au siège de 85 collaborateurs, pour un chiffre d’affaires de l’entreprise prévu à 17 millions d’€ cette année, en légère croissance par rapport à 2019. Sur 400.000 montres produites annuellement, 54 % le sont désormais depuis le siège bas-rhinois.


La réponse du marché ayant permis la progression décisive du « ticket moyen » porte pour l’essentiel un nom : mouvement automatique. Ce mécanisme de montres a été adopté par les consommateurs, or Pierre Lannier a su se positionner comme son acteur principal parmi les marques françaises et il lui procure les marges indispensables. « Il revient à 30 €, mais selon que vous vendiez votre montre à 100 ou à 300 €, ce n’est évidemment pas pareil », appuie Pierre Burgun.


Le made in France, pas une fin en soi

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L’atelier français d’assemblage de Pierre Lanier emploie désormais 15 personnes ; la création et les services support sont, eux, toujours restés sur les terres alsaciennes. © Mathieu Noyer
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Sur 400.000 montres que Pierre Lannier produit annuellement, 54 % le sont désormais depuis le siège bas-rhinois.

 

Attention cependant, prévient le dirigeant : « brandir le made in France ne suffit pas en soi sur notre marché. Il faut du design, de la créativité… » Autant d’apports dont se charge l’équipe de création de 7 personnes autour d’Arnaud Vincent. « On sort une centaine de nouveaux modèles par an, la rotation des produits dans notre gamme s’est accélérée », souligne celui-ci, depuis le bureau de son service qui donne directement sur les vaches du voisin : l’usine à la campagne, c’est ici !

Côté labels, les montres Pierre Lannier arborent ainsi le made in France. Aller plus loin, par l’étiquette Origine France garantie, ne leur est pas envisageable en revanche, car la partie de production bleu-blanc-rouge se concentre sur l’assemblage, au moyen d’une quinzaine d’interventions minutieuses assurées par les hommes… et surtout les femmes de l’atelier alsacien.
Les composants, eux, viennent d’Asie. « A moins de 2.000 € la montre, c’est tout simplement impossible de se fournir en France : toute la filière sur le cœur de marché a disparu », explique le président du directoire. Qui ne renonce pas au « rêve » de sa reconstitution au moins partielle, un jour ou l’autre.



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Mais le transport entre le bout du monde et Ernolsheim-lès-Saverne ne s’effectue pas dans un seul sens. Les montres Pierre Lannier s’exportent aussi, et… « notre premier marché étranger, c’est la Chine », relève avec fierté le dirigeant. La crise sanitaire amène cependant Pierre Burgun à une prudence quant à des ambitions de conquête mondiale. Elle a entraîné l’an dernier une chute de 60 % de l’export de la PME « alors qu’en France on a continué de progresser un peu, de 3 %. »

 
Au cumul, le chiffre d’affaires a reflué à 15,3 millions d’€. L’étranger a vu ainsi sa part tomber de 25 à 10 % avant de rebondir en partie en 2021 (à 15 %). « Nous avions connu des succès sur des marchés lointains : outre la Chine, le Japon, la Russie, le Mexique ou l’Amérique du Sud, mais au point de délaisser quelque peu des débouchés de proximité comme l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, l’Espagne ou la Grande-Bretagne. Nous y reviendrons davantage en 2022, avec l’atout de l’image France de nos produits. » Là aussi, le fabricant alsacien opère une forme de retour au bercail.

Une histoire de famille

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Pierre Burgun, président de Pierre Lannier : « A moins de 2.000 € la montre, c’est tout simplement impossible de se fournir en France. » © Mathieu Noyer

La création de l’entreprise Pierre Lannier en 1977 doit beaucoup à la maman de Pierre Burgun, rappelle ce dernier. « Elle ne voulait pas rester une femme au foyer, elle voulait travailler. Chemin faisant, cela a débouché sur l’importation de montres digitales. » Quant au père, « il était toujours tenté par une activité qui le rapprocherait de son goût pour les beaux-arts. » L’entreprise a alors démarré en mettant la dernière touche à des montres qui s’assemblaient encore dans le Doubs, avant de prendre son propre envol.
Quant à « Pierre Lannier », le dirigeant est habitué à la question, logique, du rapport avec la société. En soi il n’y en a aucun : le prénom partagé avec l’actuel dirigeant est pur hasard et le nom ne correspond à aucune personne en chair et en os. Le personnage est purement fictif mais l’ensemble sonnait bien français et plutôt chic pour séduire le consommateur, pensaient les fondateurs. Ils ont bien vu.
1 commentaire(s) pour cet article
  1. michel Froelicherdit :

    Bravo pour cette démarche...à poursuivre Je vous souhaite beaucoup de réussite Michel Froelicher

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