La ville éponyme de Haute-Marne accueillera en septembre prochain la toute nouvelle fromagerie Chevillon, actuellement en cours de construction. Elle représente avec un investissement de 7 millions d’€, le plus gros des chantiers engagés par le groupe bourguignon Delin qui exploite quatre autres fromageries et une laiterie. L’ancien site sera conservé dans son jus pour faire face à des pics récurrents de production.
ARTICLE DÉJA PUBLIÉ LE 13 MARS 2021. Chaque mardi depuis octobre 2020, Philippe Delin se rend à Chevillon, commune de Haute-Marne, pour rejoindre Fabrice Fairis, co-gérant de la fromagerie, baptisée Les Fromagers de Chevillon, que le groupe fromager bourguignon a rachetée en 2005. Ensemble les deux hommes, qui se sont connus en BTS à l’Ecole Nationale Laitière de Mamirolle (Doubs), participent à une réunion de chantier avec Edith Nguyen, l’ingénieure bâtiment de Ceres Ingénierie, société lyonnaise qui pilote la réalisation d’un nouveau site. « Nous sommes actuellement sur 800 m2 et nous allons passer à plus de 2.000 m2 pour la production », indique Philippe Delin. La fromagerie bénéficiera aussi dans une construction à part, d’un magasin de 200 m2, mais conservera l’ancienne fromagerie pour répondre à des pics de commandes, surtout en fin d’année.
L’investissement global s’élève à 7 millions d’€ et commencera à être opérationnel en septembre prochain. Ce n’est pas la première fois que le fromager travaille avec ce concepteur rhône-alpin d’usines agroalimentaires. Ce dernier a déjà signé la reconstruction de la fromagerie mère de Gilly-les-Cîteaux, ainsi que l’extension de celle de Nuits-Saint-Georges, toutes deux situées en Côte-d’Or.

Les Fromagers de Chevillon fabriquent, à hauteur de 350 tonnes annuelles, plusieurs produits : le Chevillon, fromage doux et crémeux inspiré de la recette du Brillat-Savarin, le Grès Champenois et le Domaine de Vallage, un brie triple crème pour l’exportation. La nouvelle unité atteindra une capacité de 1.000 tonnes, autorisant un bond du chiffre d’affaires de 2,2 millions à plus de 10 millions. Avec un effectif doublé à plus de 20 personnes.
20% de progression en 2020
Cette opération n’est pas la seule d’ampleur engagée par Philippe Delin (49 ans) qui préside un groupe exploitant quatre autres fromageries et une laiterie, dédiée au yaourts et fromages blancs. A Gilly-les-Cîteaux, la société mère va investir 5 millions d’€ dans une ligne de lait longue conservation, dit UHT, pour upérisation à haute température, dotée d’un stérilisateur et d’une conditionneuse de briques recyclables. Ici sont produits une gamme de Brillat IGP, Philippe Delin étant d’ailleurs le président du groupement des fabricants de ce fromage unique au monde (*).
Le programme d’investissement comprend aussi pour 1,4 million, une automatisation de l’aromatisation des billes apéritives, par quatre unités au lieu de une. A quoi s’ajoute la construction d’un magasin de 300 m2 pour 1 million d'€. « Il fallait voir l’explosion de nos ventes directes et l’engorgement que nous avons vécu en décembre ; je ne veux plus revivre cela », s’étonne encore le dirigeant.
A Montbéliard (Doubs), la fromagerie (2,6 millions d’€ de chiffre d’affaires), reprise en juin 2019, met l’accent sur le Morbier, fromage trop souvent oublié au profit du Comté, mais encore d’un prix abordable et à fort potentiel de développement. Elle fabrique aussi une autre pâte pressée non cuite sous la forme d’une raclette au lait cru aromatisée à la truffe et revendique quatre spécialités locales : le Trufignon, le Montbéliardais, l’Audincourtois et le Mandubien.

Une réflexion est en cours pour reconstruire la fromagerie de Montbéliard, fin 2021 ou début 2022, moyennant selon les choix opérés, le règlement d’une facture entre 5 et 10 millions d’€. Tout comme pour la Fromagerie de Juchy (Seine-et-Marne), rachetée en 2016 et spécialisée dans le Brillat au lait cru et le Brie de Melun (AOP). « Là encore, nous pourrions booster notre activité d’1,1 million d’€ avec une nouvelle unité car comme presque partout ailleurs, nous sommes au maximum de nos capacités et parfois nous ne pouvons plus suivre. »
(*) Mis au point en 1890 par la famille Dubuc près de Forges-les-Eaux (Seine-Maritime) et commercialisé ensuite par Henri Androuët, qui choisit ce nom de baptême en hommage à Jean-Anthelme Brillat-Savarin, gastronome du XVIIIe siècle qui condamnait tout repas sans fromage. Philippe Delin a bataillé 10 ans pour enfin décrocher une indication géographique protégée (IGP) en 2017.


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Il faut passer une journée complète avec Philippe Delin pour comprendre que les 35 heures lui sont familières en trois jours. Tout commence par une promenade quotidienne d’une heure avec son chien tout blanc des Pyrénées. Là, il s’organise un « brainstorming » avec lui-même et imagine l’avenir. La suite de la journée dure 12 heures, dont beaucoup passées en voiture, son second bureau. « Je suis à un stade, avec 30 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé, en hausse de 20%, où je dois structurer plus fortement mon groupe. »
Car si le groupe fromager a souffert au premier semestre en raison de la crise sanitaire, il s’en sort très bien, exportant 40% de ses productions. La clé du succès : l’innovation. Le Brillat-Savarin fourré au bleu d’Auvergne ou le même à la truffe d’été d’Italie, marinée dans de l’huile d’olive, c’est lui. Les billes apéritives aromatisées, à l’exemple de ses fromages frais, au poivre, son de moutarde, fruits, tomates séchées, c'est touhjours du Delin.
« Cerise sur le gâteau de fromage », un produit à pâte molle baptisé Côte-d'Or, qui respecte la marque du conseil départemental avec 100% d'ingrédient locaux, porte également sa signature. Et que dire demain, d'un fromage au caviar et d'un camembert à la truffe...