Détenteur d’une technique de rupture de la métallurgie des poudres, le frittage Flash, Sintermat se prépare à franchir l’échelle industrielle en s’installant dans des locaux plus vastes à Montbard et en procédant à une augmentation de capital. L’outillage industriel offre un énorme débouché potentiel à ses matériaux augmentés et fabriqués à partir de déchets de production.
Cinq ans après avoir créé Sintermat, résultat de ses longues recherches sur les matériaux augmentés dans les laboratoires de l’Université de Bourgogne, Foad Naimi passe à la phase industrielle. L’entreprise installée à Montbard (Côte-d'Or), dans les anciens locaux peu commodes du constructeur de machines-outils SCMB Bliss, va déménager dans l’année, tout près de cette commune, pour se préparer à compléter son parc de machines de frittage constitué en 2019 pour un million d’€. Cette nouvelle étape passe aussi par une nouvelle levée de fonds dont le montant demeure confidentiel.
Cinq années mais aussi dix brevets plus tard, le docteur en chimie des matériaux a fait les preuves d’une technique de rupture de la métallurgie des poudres promise à un avenir assuré au point d’attirer le ministère des Armées dans son capital en 2018 : le frittage Flash ou frittage SPS (Spark Plasma Sintering). Le procédé consiste à presser à chaud des poudres et de les agglomérer sous l’effet d’un puissant et bref courant électrique.
« Grâce à ce procédé, la densification des poudres peut atteindre des vitesses 10 à 100 fois plus élevées que celles des techniques de frittage traditionnelles », précise Foad Naimi. On obtient ainsi des pièces aux caractéristiques améliorées : plus résistantes, de haute densité ou plus légères. Classiquement, il s’agit de poudres d’acier ou de céramique, mais là où réside l’innovation de la jeune entreprise tient dans la diversité des matériaux utilisés : du bois, des végétaux, du cuir, de la pierre etc..
De sa boîte d’échantillons, Emmanuelle Guibelin, chargée du marketing et de la communication révèle des surprises comme cette pièce rigide et colorée faite avec des épluchures de clémentine ! « La seule limite est notre imagination » aime à dire le président-fondateur qui a aussi fait des essais sur du marc de café, des coquilles d’huître, des fibres textiles, de la spiruline, du sel …
L’outillage industriel, un gros potentiel


Une idée ne venant jamais seule, Foad Naimi a basé le processus de développement de sa technologie sur le recyclage. Sa matière première, ce sont des déchets industriels, des chutes de production, des invendus, des pièces avec défaut. Une stratégie qui lui a valu de recevoir dernièrement un trophée Eco-Innovez organisé par l’Agence Economique Régionale (AER), valorisant des initiatives d’éco-conception.
Le chef d’entreprise puise sa motivation dans l'épuisement des ressources naturelles et leurs conditions d’exploitation contestables dans certains coins de la planète, et l'économie circulaire qui consiste à recycler à l'infini ou presque des matières transformées. Dernièrement, les quatre ingénieurs et doctorants de l’entreprise ont réalisé avec succès un matériau valorisant des polymères thermoplastiques (PET), sans dégradation, et sans utilisation d’additifs et de produits chimiques.
Il met aussi en avant la sobriété de son procédé : 20% à 30% moins d’énergie que les techniques de frittage isostatique à chaud et pressage à chaud, et « ni liant ni additif. »
Le spectre des marchés est aussi large que celui de la matière première. La défense est un client « historique » qui utilise des matériaux augmentés pour obtenir des blindages spécifiques. Le luxe, en particulier l’horlogerie, est intéressé par l'originalité de matériaux inédits et par des emballages singuliers ou biodégradables.
L’outillage industriel constitue un gros potentiel à explorer : dernièrement, Sintermat a mis au point un carbure de tungstène sans cobalt aux propriétés inédites qui augmentent la durée de vie des outillages très sollicités dans des procédés comme l’étirage à chaud, à froid, ou l’emboutissage, … Enfin l’aéronautique en quête de composants plus en plus légers afin de réduire les émissions de CO2 des avions, est un marché prometteur pour lequel l'entreprise réalise actuellement des prototypes afin de pouvoir s’engager dans la voie de la certification.
La nouvelle phase de développement a conduit Foad Naimi, actionnaire majoritaire, à s’entourer de nouvelles compétences. Yann Cramer, membre du comité stratégique de l’entreprise et directeur Innovation de Shell Global Commercial jusqu’en 2017, l’a rejoint comme directeur général adjoint, et Arnaud Delehouzé comme responsable de la production. Prochainement, un troisième commercial complètera le duo actuel. L'effectif est aujourd'hui de 17 salariés. Avec ces nouvelles perspectives, Sintermat compte réaliser cette année son premier « vrai » chiffre d’affaires.

et, photo du bas, réalisation d'une surface réfléchissante. © Traces Ecrites
En savoir plus sur l'activité de la métallurgie en Côte-d'Or en cliquant sur le logo