Certains l’ont surnommée la « cathédrale ». Adossée à flan de colline, au sommet de Rorschwihr, un petit village de 400 habitants, près de Ribeauvillé en plein coeur du vignoble d’Alsace, la structure ne passe pas inaperçue. À la tête de l’exploitation familiale Rolly-Gassmann, Pierre Gassmann a investi 20 millions d’euros dans ce bâtiment de 15.000 m2.
C’est un projet pharaonique : un bâtiment de 15.000 m2 sur six niveaux, dont quatre enterrés à 28 mètres sous terre. Un chantier qui a duré plus de trois ans et qui a coûté environ 20 millions d’€. Dans le vignoble alsacien, le dernier investissement de cette envergure date de 2013 : la cave coopérative Bestheim, à Bennwihr, avait dépensé 20 millions d’€ dans un vendangeoir et une cuverie. Mais Bestheim pesait près de 50 millions d’€ de chiffre d’affaires pour une production annuelle de 15 millions de cols.
Ici, Pierre Gassmann, le vigneron de Rorschwihr qui a engagé cet investissement est un petit indépendant qui produit seulement 220.000 bouteilles par an. Il ne dévoile pas le chiffre de ses ventes mais affirme avoir investi plus de dix fois son chiffre d’affaires.
Aux yeux du dirigeant de l’exploitation familiale Rolly-Gassmann, le projet n'apparaît pas démesuré. Il lui permet de rationaliser la production car jusqu’à présent, l’exploitation était disséminée dans le village, dans sept bâtiments différents. « Mes parents avait déjà investi dix fois le chiffre d’affaires pour la construction de l’ancienne cave », se souvient t-il. « Et cela fait 40 ans qu’on souhaite construire un nouveau caveau, mais à chaque fois nous avons eu d’autres priorités. »
Désormais, une immense salle de dégustation de 800 m2 accueille les visiteurs qui peuvent profiter d’un panorama à 180 degrés sur le vignoble, les coteaux environnants et la plaine d’Alsace. « Par beau temps, on aperçoit les Alpes et la cathédrale de Strasbourg », se réjouit Pierre Gassmann.
Un stock de 1,6 million de bouteilles

La salle de dégustation abrite également une zone pour la préparation des commandes, un espace pour les enfants et une zone géologique pour expliquer aux clients les spécificités de chaque terroir et les aider à comprendre les 40 vins proposés par le domaine. Celui-ci s’étend sur 55 hectares, répartis sur trois villages : Rorschwihr, Rodern et Bergheim. « Nous vinifions chaque unité géologique à part », précise le viticulteur, qui tient à cette diversité.
La maison Rolly-Gassmann se distingue aussi par la maturité de ses vins. Elle serait la seule à avoir conservé cette tradition de les laisser vieillir pendant 50 à 60 ans avant de les mettre à la vente. Les terroirs du domaine sont propices à cette maturation. « Sur des sols calcaires, plus vous faites vieillir un vin, plus il se complexifie », explique Pierre Gassmann. Qui ajoute que les vins riches et opulents proviennent aussi d’une tradition catholique, propre au village de Rorschwihr.
Aussi fallait-il de la place pour stocker 1,6 million de bouteilles. Et l’espace offert par le nouveau bâtiment autorise une augmentation jusqu'à 2 millions de cols. « Nous sommes dans l’ère du numérique : les gens achètent et consomment tout de suite. Dans les nouvelles maisons, il n’existe plus de cave. Les restaurateurs ne stockent plus non plus. Alors, nous nous leur proposons des vins arrivés à maturité optimale », assure le dirigeant du domaine. Ces volumes importants qui dorment en cave permettent aussi d’alimenter régulièrement ses réseaux de distribution sans redouter les années de faibles rendements.
Un lieu de dégustation que le viticulteur a voulu exceptionnel

Le domaine Rolly-Gossmann vend 30% de sa production dans la restauration, 25% à l’export (Angleterre, Russie, Etats-Unis, Canada, Japon, Belgique, Italie, pays nordiques…), 8% dans le réseau des cavistes et le reste auprès des particuliers. Autre particularité : le tarif est le même pour tous les clients, qu’ils soient restaurateurs, importateurs ou particuliers.
« Car nous travaillons avec des gens passionnés de vins », proclame le dirigeant.
Son idée était donc de les accueillir dans un lieu un peu exceptionnel. « Le monde du paraître est important pour les nouvelles générations et nous souhaitions disposer d’un cadre de dégustation digne des vins de notre niveau », affirme-t-il.
Certes, mais les 20 millions d’€ investis, financés par emprunt et par une subvention d’Agrimer (l’établissement national des produits de l'agriculture et de la mer), font peser un risque financier sur le domaine. Et sous le rez-de-chaussée, les 3.000 m2 dédiés à l’installation d’un restaurant restent vides pour le moment, faute d’avoir trouvé un financeur. Le projet nécessiterait 2 millions supplémentaires.
Pierre Gassmann ne se montre pas inquiet. Alors que les ventes de vins d’Alsace ont baissé de 8% en 10 ans selon le Civa (Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace), lui, affirme vendre chaque année un peu plus. Il compte sur une prochaine hausse de 10% de ses ventes grâce au rachat de l’exploitation d’un petit cousin il y a 10 ans et dont les vins étaient jusque là vendus en vrac.
Le viticulteur vise aussi de nouveaux marchés à l’export, notamment en Chine, en Inde et au Brésil.
« Il y a aura quelques années difficiles, mais si ça tourne bien, le domaine ne sera pas endetté plus de 25 ans », concède-t-il. « Avec ce bâtiment, nous sommes tranquilles pour les 50 ans à venir. Nous avons construit une œuvre qui traversera le temps. »
Bien que la suite ne soit pas assurée à 100% : Pierre Gassmann a seulement un filleul tout juste inscrit au lycée agricole de Rouffach (Haut-Rhin) qui prépare aux métiers de la viticulture et de l’oenologie.


Non seulement ce n'est pas une horreur, mais ceux qui le prétendent devraient aller voir ce qu'a fait le Civa à Colmar avant de juger. Ici, c'est une bâtisse certes moderne, mais surtout un lieu exceptionnel qui s'intègre parfaitement à l'esprit du vignoble, avec un choix des matériaux traditionnels (pierres de parement extraites du sous-sol lors des excavations), une luminosité de l'espace et un aménagement du caveau qui tous ensemble conjugent beauté, fonctionnalités et confort pour l'accueil des visiteurs. Petite remarque : le "filleul" dont parle l'article et qui est censé s'intégrer dans l'exploitation du domaine n'est autre que le neveu de Pierre Gassmann, le fils de sa sœur.
Quelle horreur bétonnée qui défigure ce merveilleux paysage. C'est un pur scandale....
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