VIN/COTE-D’OR. Pilotée par Frédéric Drouhin, avec l’appui inconditionnel de sa sœur et de ses deux frères, la prestigieuse maison de vin bourguignonne qui porte son nom, franchit un cap important.
Logistique, conditionnement et traçabilité font l’objet à Beaune d’un investissement de 5,5 millions d'€ sur les trois prochaines années. A terme, le domaine à Chablis, dans l’Yonne, aura un outil de vinification pour un chèque de 4 millions. Mais, l’entreprise viticole est aussi américaine, avec dans l’Oregon pas moins de 100 hectares de vignoble, et à New-York, une filiale commerciale de 40 personnes.

Au jeu des sept familles, chez les Drouhin, demandez plutôt Frédéric, le PDG ou Véronique, l’œnologue et la vinificatrice, car dans cette fratrie de quatre personnes, Philippe a les pieds ancrés dans les vignes, soit pas moins de 80 hectares de vignoble bourguignon cultivé en biodynamie et majoritairement en premiers et grands crus, auxquels s’ajoute 100 hectares aux Etats-Unis, dans l’État nord-ouest d’Oregon. Quant à Laurent, il œuvre outre-Atlantique à parcourir le continent nord-américain pour défendre bec et ongles la signature viticole maison.
Alors Frédéric, le cadet et président du directoire, explique le futur de l’entreprise Joseph Drouhin, du nom de l’arrière grand-père (*), qui réalise un chiffre d’affaires de 40 millions d’€, dont 80% à l'exportation, et emploie 73 personnes. Il passe par un programme d’investissement sur trois ans, chiffré à 5,5 millions d’€ et consacré à son site de vinification beaunois d’En Chavet.
« Nous l’étendons de 2.000 m2 pour un coût de 3 millions en le dotant d’un bâtiment logistique afin d’anticiper et mieux traiter les commandes de nos clients qui ne veulent plus de stock chez eux, ou le strict minimum », explique le dirigeant. Parmi les 90 références distribuées dans 90 pays, Drouhin maîtrise les plus demandées, selon les périodes de l’année, les destinations, les acheteurs directs et les importateurs.
5.000 visiteurs
« Nous ferons en conséquence un peu d’anticipation pour mieux gérer la saisonnalité de nos flux. » A cette fin, le négociant-viticulteur intègre un logiciel dit Warhouse Management System (WCS). Tout devrait être opérationnel pour les prochaines vendanges de septembre.

L’an prochain, l’opérateur viticole changera pour un million d’€ son groupe de tirage, entendez une nouvelle ligne de conditionnement aux fonctions multiples : palettisation, dépalettisation, rinçage, remplissage et bouchage.
Ensuite, il s’agira en 2020 de revoir tout le système d’étiquetage, d’encaissage et de marquage, moyennant un budget d’1,5 million. « Et, à une échéance qui n’est pas encore fixée, nous nous équiperons d’une cuverie à Chablis pour vinifier nos 40 hectares et nos achats locaux de raisins, soit un investissement supplémentaire d’environ 4 millions d’€ », précise Frédéric Drouhin.

Voilà pour le Drouhin 4.0, voyons maintenant le Drouhin un rien vintage avec son magnifique domaine souterrain, constitué d’un hectare de caves voûtées, juste au dessus de la rue d’Enfer - cela ne s’invente pas - au cœur du vieux Beaune. Un mur gallo-romain, vestige de l’ancien castrum, y subsiste toujours. Ce lieu de mémoire se visite pendant 45 minutes à 1h30 selon la personnalisation voulue, en français ou en anglais.
Moyennant 38 €, l’offre d’oenotourisme comprend également la dégustation de six vins, dont 4 premiers crus et un parcours magique où l’on remonte les siècles, des caves de la collégiale en passant par celles du parlement de Bourgogne, pour arriver au cellier des rois de France.
Drouhin l’Américain
C’est ici que se déroule, chaque année, une paulée privée avec 56 convives chanceux de n’apprécier que des flacons exceptionnels. C’est ici qu’intervient aussi très régulièrement Véronique Drouhin-Boss, œnologue et vinificatrice respectée de toute la profession. « Nous accueillons 5.000 personnes par an et on pourrait multiplier ce chiffre par trois, mais ce serait alors un tourisme de masse aux antipodes de notre souhait », argumente-t-elle.

Si vous franchissez l’Atlantique, puis les Etats-Unis, pour arriver à l’extrême ouest sur la Côte Pacifique entre l’État de Washington et la Californie, vous trouverez souvent Véronique dans son domaine d’Oregon, baptisé Roserock. Elle y peaufine des vins issus des cépages traditionnels bourguignons : le Pinot noir et le Chardonnay.
« Nous ne sommes pas arrivés en disant : on va vous montrer comment faire du vin, mais pour se faire accepter des vignerons locaux, nous avons travaillé avec eux et les avons épaulés au besoin, d’où l’acceptation sans faille de Drouhin sur place », assure-t-elle avec une petite pointe de fierté.
D’autant qu’elle vient de créer, en dehors de ses propres productions vendues entre 35 et 100 $, un vin sur un segment de prix très abordable (18 $), baptisé Cloudline, en référence à cette mer de nuages qui recouvre parfois les terres viticoles.

Le chiffre d’affaires réalisé outre-Atlantique avec les vignobles, les produits de négoce et l’activité commerciale de la filiale Dreyfus Ashby (40 personnes), basée à New-York qui distribue pas moins de 30 marques viticoles issues d’entreprises toutes familiales, demeure confidentiel. Il faut bien que cette maison séculaire préserve quelques mystères.


(*) Originaire de Chablis dans l’Yonne, Joseph Drouhin, arrière grand-père du président du directeur Frédéric Drouhin, s’installe à 22 ans à Beaune et fonde en 1880 sa maison de négoce. Il a un fils Maurice qui lui succède et entreprend d’avoir son propre domaine viticole. Il fait notamment l'acquisition de parcelles dans des crus d'exception comme le Clos des Mouches à Beaune et le Clos de Vougeot.
Robert Drouhin, neveu de Maurice, donne à partir de 1957, sa dimension actuelle au domaine, avec des acquisitions notamment à Chablis, dont il anticipe le potentiel et est précurseur, autant que visionnaire, en allant s’installer dans l’Oregon pour y produire des vins à partir des cépages propres à la Bourgogne : Pinot noir et Chardonnay.
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