L’interdiction des sacs en plastique dans la distribution alimentaire a porté la croissance de Tenthorey à Eloyes (Vosges) au cours des cinq dernières années. Le fabricant de sacs en toile ou « tote bags » pourrait se ménager de nouvelles marges de croissance grâce à la loi Climat et résilience. Le texte actuellement en discussion par les parlementaires entend imposer aux enseignes un pourcentage de surface réservée au vrac à partir de 2030.
L’innovation de Tenthorey a douze ans mais revient sur le devant de l’actualité avec la loi Climat et résilience, adoptée par le Parlement en première lecture le 4 mai et qui sera débattue en juin au Sénat. A l’époque, l’entreprise basée à Eloyes (Vosges) avait imaginé pour le groupe Carrefour un sac réutilisable en tissu, anticipant l’évolution de la règlementation sur l’usage des sacs plastiques. Banco. Les fameux « tote bags » ont depuis envahi notre quotidien. La PME de 47 salariés les a déclinés dernièrement en coton bio certifié Gots (Global organic textile standard) pour l’enseigne de la grande distribution.
« Nous en sommes à la seizième version ! Nous avons lancé ce concept de sac en toile à deux anses il y a douze ans, mais c’est en 2016, lorsque l’interdiction des sacs plastiques à usage unique est devenue une réalité que nos ventes ont explosé. Notre production a été multipliée par six », se remémore Yves Dubief, président de Tenthorey. Parallèlement, la société fondée en 1906 a créé sa propre marque de sacs publicitaires Sac Citoyen.
De ses ateliers sortent chaque mois 400.000 mètres de tissus majoritairement écrus, pour les tote bags, mais aussi les stores extérieurs, toiles de levée pour les boulangers, les loisirs créatifs et, plus étonnant, les vêtements folkloriques bavarois… Quant à la confection proprement dite des sacs, elle est assurée par un sous-traitant tunisien.
Les tote bags représentent 40% d’un chiffre d’affaires de 9,9 millions d’€ en 2020. « Ce marché est aujourd’hui arrivé à maturité, mais la loi Climat et résilience pourrait nous ouvrir de nouvelles opportunités », poursuit Yves Dubief. L’article 11 du texte adopté le 4 mai à l’Assemblée nationale prévoit en effet d’imposer aux enseignes de plus de 400 m², que 20% de leur surface soit réservée à la vente en vrac d'ici à 2030. Une pratique voulue par les consommateurs qui pourrait encourager l’usage de pochons en toile.
Dans les habitacles des véhicules électriques

Représentant la troisième génération de dirigeants familiaux, Yves Dubief a appris que « pour survivre, l’industrie textile doit apporter une solution à une problématique. » Illustration de ce credo, l’entreprise planche depuis deux ans en recherche et développement sur un revêtement en matériau biosource, des tableaux de bord et des portières des véhicules électriques. Elle est actuellement en discussion avec un sous-traitant automobile de rang 1.
« Les designers des habitacles recherchent des matières qui soient en adéquation avec les valeurs de la mobilité électrique. Leur cahier des charges est extrêmement pointu. Les tissus biosourcés ne doivent pas se déformer, la teinture doit avoir une tenue irréprochable, le visuel doit correspondre à leurs attentes », détaille l'industriel.
Interrogé sur l'engouement des consommateurs pour des matières plus écologiques, le dirigeant rappelle que son entreprise produit des tissus en lin depuis quinze ans : « Notre lin est cultivé en France sur les côtes de la Manche et filé par l’usine polonaise du groupe français Safilin ». La construction d’une filature de lin par son fournisseur dans le nord de la France ne laisse pas le dirigeant indifférent, mais il identifie des problématiques de coût.
« Lorsqu’on s’appelle Lacoste ou Petit Bateau, l’enjeu du Made in France revêt une importance stratégique. En revanche, une entreprise qui produit des tissus techniques pour les procédés de boulangerie par exemple, ne se soucie guère que le fil soit produit en France ou en Pologne. La Pologne reste un pays de l’Union Européenne avec une règlementation sociale harmonisée. L’essentiel selon moi, c’est de se différencier par rapport aux fabricants asiatiques », analyse-t-il.
Quant au tissu de chanvre qui trouve aussi sa place sur le marché des textiles biologiques, le dirigeant de Tenthorey, par ailleurs président de l’Union des industriels du textile (UIT), estime que l’enjeu se situe au niveau du développement des procédés de filature, afin d’obtenir un fil qui se tisse correctement à partir de cette fibre rigide et cassante. Dans la région, les débouchés de matière premières existent avec par la coopérative La Chanvrière de l’Aube.
Lancé il y a dix ans par les industriels vosgiens, le label « Vosges terre textile » constitue un bon compromis entre le made in France et les achats de matière première hors de l'hexagone. Décliné partout en France, il garantit que les trois-quart des opérations de fabrication sont réalisées sur le territoire.