Pendant cette semaine de vacances scolaires commune aux régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, la rédaction de Traces Écrites News fait une pause et vous propose de revenir sur ce qui a fait l’actualité économique de ce début d’année. Numéro 1 de la série : L’Européenne de Condiments. Le numéro 2 de la moutarde en France bénéficie de l’engouement des consommateurs pour les produits condimentaires, mais risque, comme tous les fabricants, d’être pénalisé par la pénurie de graines de moutarde brunes.
ARTICLE PARU LE 24 JANVIER 2022. Michel Liardet, président de la société Européenne de Condiments (EDC), s’en félicite mais sans forfanterie. Cumulée sur ces dix dernières années, l’activité affiche une hausse de 70%. Le chiffre d’affaires s’établit, pour l’exercice arrêté au 30 juin 2021, à 57,6 millions d'€ (+3,15%), avec un effectif d’environ 150 personnes. Ce fabricant de moutarde, implanté à Couchey, au sud de Dijon, pointe à la place de numéro 2 des moutardiers français, revendiquant 25.000 tonnes produites derrière Amora-Maille, du groupe Unilever (40.000 tonnes).
Pour améliorer ses fabrications, dont celles sous la marque de son actionnaire Khüne, Européenne de Condiments crée un nouvel espace de stockage et adapte son outil de travail aux nouveaux types de moutardes aromatisées, aigre-douce et bio (clean label) qu’il faut produire de manière plus flexible, dans des cuves dotées d’un nettoyage automatique et des équipements plus performants, comme des remplisseuses et des étiqueteuses, ainsi qu’un système de supervision de la production. L’investissement global s’élèvera à près de 5,5 millions d’€ sur trois ans.
En France, la commercialisation se fait principalement en marques de distributeurs, auprès de grossistes et par camions-citerne chez les industriels. A l’export (23%), l’industriel exploite ses marques ancestrales : Téméraire et Bornier, Maître Moutardier, née en 1816 et très appréciée outre-Atlantique en raison d’études auprès d’un groupe de consommateurs.
Une ETI familiale à l’allemande

Au-delà de ce produit phare de Dijon, mais qui faute d’avoir été protégé n’est plus qu’une recette exploitable partout dans le monde, EDC vend de nombreuses gammes Khüne, sa maison-mère et se taille la part du lion sur certains produits. C’est le cas des cornichons aigres-doux qui lui procurent une croissance à deux chiffres depuis 10 ans et la placent second opérateur derrière Maille, mais devant Amora.
La filiale française assure aussi la distribution de vinaigres, d’ingrédients pour les salades comme des oignons frits, et de nombreuses sauces, élaborées dans l’usine de Berlin. Nouveauté en ce mois de février, EDC a confié à une entreprise française (gardée confidentielle) le soin de produire une gamme « premium » de sauces béarnaise, burger, poivre et pommes frites, à base de yaourt, très allégée (-30% de matière grasse).

ETI familiale d’outre-Rhin, Khüne, basée à Hambourg, emploie 1.800 personnes et réalise 550 millions d’€ de chiffre d’affaires. Sa production de moutarde atteint les 30.000 tonnes. L’entreprise dispose de trois grosses unités industrielles en Allemagne : Berlin, Straelen, près des Pays-Bas, et Schweinfurt, en Bavière.

Il n’y pas que la vigne qui est victime des aléas climatiques. En agriculture, la graine de moutarde aussi. Au point que le Canada, premier pays producteur mondial de cette plante de la famille des brassicacées, a vu sa production chuter de près de 30% en raison d’une importante et tenace sécheresse l’été dernier. Bilan des courses, le prix de la tonne a presque doublé, dépassant les 1.500 €.
Première région productrice de pâte de moutarde, la Bourgogne et tout spécialement la Côte-d’Or, qui fédère les trois plus gros fabricants dont Amora-Maille (Unilever), souffre également. La récolte locale de graines (brunes), sous l’effet combiné d’un début de printemps trop clément, suivi du gel, puis de pluies incessantes, sans pouvoir utiliser certains produits contre les insectes interdits en France, a été laminée.
Elle n’atteint plus de 4.000 tonnes, contre 12.000 en année normale, provoquant une autre pénurie et l’instauration d’allocations pour chacune des entreprises condimentaires (*).
La crise globale est telle que l’unité Amora-Maille de Chevigny-Saint-Sauveur mise dorénavant sur sa marque Maille et délaisse celle d’Amora, en supprimant pour cette dernière les gros contenants (1kg, 700 grammes…) La moutarde grand public qui a « l’amour du goût » pour reprendre l’un de ses slogans célèbres, serait-elle menacée de disparition au profit de celle plus élaborée et surtout rentable de Maille ?
« Nous n’en sommes pas encore là, mais c’est un risque éventuel à terme », souligne un spécialiste de l’agroalimentaire soucieux de son anonymat. En attendant l’effectif de plus de 200 salariés du site dijonnais, qui ne produit pas que de la moutarde, mais également des sauces salades, du vinaigre et des cornichons, espère une belle récolte de graines de moutarde en 2022. Contacté, Unilever France n’a pas souhaité répondre.
(*) La surface de culture en Bourgogne a par ailleurs été réduite, passant de 6.000 hectares à moins de 3.500.
Qui est Michel Liardet ?

Le président d’Européenne de Condiments (EDC) connaît bien l’agroalimentaire. Diplômé de l’EM Lyon, il intègre en début de carrière Quaker Oats, spécialiste des céréales du petit-déjeuner et des « pet food ». Commercial a ses débuts, Michel Liardet progresse chef de secteur, puis chef des ventes. Il quitte l’entreprise au bout de 5 années et demi pour rejoindre pendant deux ans, Canderel (groupe Merisant) au poste de directeur commercial France.
Bahlsen (biscuits sucrés et salés) le recrute ensuite et le conserve 11 ans dans ses effectifs où il accède à la direction générale des produits sucrés. Cet homme de 59 ans entre en 2006 chez EDC comme directeur général et devient président en 2013. Très impliqué pour l’entreprise (Medef 21), il siège notamment au conseil d’administration de l’Association Nationale des Industries Agroalimentaires (ANIA) et préside Fedalim, pôle qui fédère les fédérations et syndicats de l’industrie alimentaire (épicerie salée).
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