AUTOMOBILE. L’usine dijonnaise (Côte-d’Or) de l’équipementier automobile japonais, spécialisée dans les systèmes de direction à assistance électrique, souffre.
Pire, elle perd de l’argent mais continue pourtant d’investir et conserve plus d’un tiers de son personnel par le biais du chômage technique et de sessions de formation.
La situation devrait s’éclaircir à l’horizon 2013 avec un carnet de commandes auprès des constructeurs automobiles qui se garnit.
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Une fois n’est pas coutume, en nous penchant sur le cas de JTEKT Dijon, nous étions partis pour verser dans le catastrophisme, ajoutant notre pierre au flot de mauvaises nouvelles économiques en tout genre.
Il n’en sera fort heureusement rien.
Car si l’usine de l’équipementier japonais, spécialisée dans les systèmes de direction automobile à assistance électrique, souffre d’une conjoncture très difficile, elle ne compte ni licencier ni pire encore fermer, et mise sur un retournement de situation en 2013 grâce à un carnet de commandes qui se remplit petit à petit.
«Nous devrions retrouver un volume d’activité normal au second semestre 2012, synonyme de plein emploi, et espérons des embauches l’année suivante», indique Bernard Depit, délégué syndical CFE-CGC et secrétaire du comité d’entreprise.
L’homme a du métier et en a vu d’autres. Entré en 1978 dans l’entreprise alors qu’elle s’appelle Automobiles Peugeot depuis 1958, il travaille sur le site historique du boulevard Voltaire à Dijon (*). «On parlait depuis le début des années 80 déjà de fermer», se souvient le représentant du personnel.
En 2000, le groupe japonais Koyo Seiko rachète à PSA cette unité, ainsi qu’une autre à Saint-Étienne (Loire), et cherche un nouveau lieu d’implantation pour se doter d’un outil industriel plus performant.
Grâce au coup de pouce de la communauté de l’agglomération du Grand Dijon qui offre pour l’euro symbolique, 14 hectares de terrains et les aménage à ses frais moyennant un investissement de 4,57 millions d’€, il choisit de rester sur place en construisant une nouvelle usine de 23 000 m2 sur la commune limitrophe de Chevigny-Saint-Sauveur.
Elle entre en fonctionnement à partir de 2002 et se spécialise dans la technologie des directions électriques, celle du boulevard Voltaire poursuivant toujours la fabrication des directions hydrauliques.
Un programme de formation de 90 000 heures
À la faveur d’une modification de l’actionnariat, avec l’entrée au capital du groupe Toyota, elles changent de dénomination au 1er janvier 2006 pour s’appeler JTEKT Automotive Dijon Saint-Étienne (JADS).
La crise de 2008 provoque un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) touchant 110 personnes sur Dijon, essentiellement par départs négociés. «Nous subissons depuis cette époque une baisse de charge de l’ordre de 30 à 40%», explique Bernard Depit.
2009 voit un nouveau PSE se mettre en place mais d’une moins grande ampleur. Car la direction du groupe choisit de conserver dans ses effectifs environ 250 personnes transférées progressivement du boulevard Voltaire qui cesse toute activité à partir janvier 2011.
«Il faut savoir gré à l’actionnaire de faire face à une réduction temporaire d’activité en limitant au maximum les effets sociaux», souligne Yannick Lacour, porte-parole de la direction de JTEKT Europe.
Pour occuper ces personnels, l’entreprise joue pour partie sur le chômage technique et un vaste programme de formation de 90 000 heures, axé sur une nouvelle technologie de directions électriques.
Judicieuse précaution, car son horizon s’éclaircira dans les deux ans avec l’arrivée de commandes en provenance de Daimler-Mercedes-Benz (Classes B et A) et de PSA Peugeot-Citroën (remplaçante de la 207), notamment.
JTEKT Automotive Dijon Saint-Étienne (JADS) réalise un chiffre d’affaires de 219 millions d’€, contre 273 millions en 2010. Elle emploie 733 salariés à Dijon et 160 sur le site de Saint-Étienne pour la fabrication de composants : pignons, boîtiers, tubes…
JTEKT Europe exploite 18 usines et 2 centres de R&D. Elle atteint les 855,5 millions d’€ d’activité avec 7 500 personnes.
Au niveau mondial, JTEKT (32 500 salariés et 8,5 milliards d’€ de chiffre d’affaires) possède 49 unités industrielles, 4 centres de R&D et 9 centres techniques.
Crédit photo: JTEKT et Traces Écrites
(*) Celui qui fut fondé à la fin du 19ième siècle par Charles Terrot, aujourd’hui très convoité en raison de son emplacement.
De ces ateliers sont sorties les fameuses motos (environ 600 000 exemplaires), mais aussi des bicyclettes, des poussettes, des machines à écrire ainsi que des petites voitures.
À déguster sans modération cette double remontée de bretelles à la japonaise, formulée lors d'une réunion qui s'est tenue le 9 juin 2011 à Irigny, près de Lyon, siège du groupe JTEKT Europe.
«Bonjour, je m'appelle Motoyasu Nakamura. Depuis le 1er juin 2011, j'ai pris la succession de Tomizo Nakaya en tant que Président du groupe JTEKT Europe.
Je souhaite aujourd'hui vous faire passer un message à propos du groupe JTEKT Europe. Je souhaiterais tout d'abord vous remercier pour vos efforts quotidiens sur le développement, les ventes, la production et les autres activités afin d'améliorer nos résultats. Si on regarde les volumes du marché européen de l'automobile, on s'aperçoit qu'ils s'améliorent.
Toutefois nous n'avons toujours pas retrouvé le volume d'activité d'avant la crise de 2008. De plus, à cause des tremblements de terre et du tsunami qui ont récemment frappé le Japon le contexte dans lequel évolue JTEKT Europe est désormais très difficile.
Malgré cela, une réorganisation est nécessaire afin de consolider la structure qui nous permettra de réaliser des bénéfices, pour la société et pour nos employés. C'est notre devoir.
C'est la deuxième fois que je viens en France en tant qu’expatrié. La première fois était il y a environ 10 ans, lorsque nous nous appellions encore Koyo. Les usines japonaises de la division "systèmes de direction" avaient alors du mal à équilibrer les résultats. Même l'usine de Nara, qui est aujourd'hui considérée comme notre meilleure usine, était dans le rouge.
Pourtant à cette époque, les usines de Dijon et d'Irigny étaient capables d'obtenir des résultats positifs et leurs comptes de résultats étaient les meilleurs de la division.
Mais désormais, les usines françaises de JTEKT Europe ont d'importants résultats négatifs et font face à une situation difficile. En conséquence, nous devons réorganiser JTEKT Europe à tout prix.
Afin d'améliorer la situation, je vous demande de bien réfléchir à ce que vous avez besoin de faire et à ce vous devez demander aux membres de votre équipe puis de le réaliser. Il est important de mettre en place des plans d'actions à moyen et à long terme, mais il est également primordial de lancer des actions à court terme.
Ces deux dernières semaines, M. Nagai a visité tous les sites du Groupe JTEKT Europe et la plupart d'entre eux se sont engagés à obtenir des résultats positifs (..). Même si je sais que pour diverses raisons, il est difficile d'obtenir des résultats positifs (..), je vous demande à toutes et à tous de faire le nécessaire pour obtenir des résultats positifs (..).
Afin d'y arriver nous devons tous trouver plusieurs idées et les mettre en place. Je suis conscient que les résultats du groupe sont en train de s'améliorer, mais ce n'est pas suffisant quand je regarde nos résultats.
Nous devons tous réfléchir à notre fonction et à notre métier afin de prendre les initiatives nécessaires pour palier le manque d'efficacité et résorber les gaspillages. De même, nous devons arrêter de nous trouver des excuses. (..) J'ai le sentiment que vous accusez souvent une tierce partie sans réfléchir à votre propre responsabilité.
Si nous nous attaquons à tous les problèmes comme s'ils étaient les nôtres et de manière plus sérieuse, je suis sûr que nous pouvons trouver des solutions ou des plans d'actions. Il y a 10 ans, à l'époque de KSE, nous avions l'habitude de dire : «No excuse, just do it!» «Aucune excuse, il faut le faire !»
Je vous demande donc de revenir aux bases et de travailler ensemble. Je suis persuadé que nous pouvons ainsi atteindre nos objectifs. Lorsque nous avons mis en place un bon plan d'action, il ne faut pas perdre du temps sur nos divergences internes. Ce n'est pas fructueux. Je vous demande d'arrêter de critiquer ou d'accuser le travail des autres. Vous devez d'abord faire votre propre travail correctement.
Pour finir, cette année est une année de challenge pour le développement de JTEKT Europe. En prenant des décisions plus rapidement et en obtenant de bons résultats, je suis persuadé que le groupe JEU pourra réussir à prospérer.
Merci.»
«Bonjour,
Je suis Mazakazu Nagai et je suis de retour chez JTEKT Europe en tant que chairman depuis le 1er juin. L'un de mes principaux objectifs pour JTEKT est la reconstruction de son organisation managériale.
Je sais que ce sera très difficile, mais nous devons le faire.
Mais avant tout, je souhaite que vous compreniez ce qu'il y a de plus important pour une entreprise. C'est de faire des bénéfices. JTEKT Europe enregistre des résultats négatifs depuis 2007.
Ce qui signifie que, si JTEKT Europe n'obtient pas des résultats positifs, JTEKT Europe n'a aucune raison d'être. Pourquoi ? Parce qu'on emprunte l'autoroute pour venir travailler. Parce que, pendant le week-end, on passe de bons moments au parc avec sa famille.
Qui paie les frais d'entretiens des autoroutes et des parcs ? Ce sont les impôts payés par les entreprises locales qui couvrent ces frais. Or JTEKT Europe ne paie plus d'impôts depuis plusieurs années. C'est pourquoi, en tant qu'entreprise, nous n'avons plus de raison d'exister.
Je souhaite rajouter une dernière chose. Comme l'a dit M. Nakamura, je pense que les personnes de JTEKT Europe disent trop souvent "Ce n'est pas de ma faute !". Ce n'est qu'une excuse.
Quand nous essayons d'améliorer la qualité de notre travail et notre efficacité parce que nous faisons face à un problème, nous n'arriverons pas à atteindre notre objectif si tout le monde dit «ce n'est pas ma faute !».
Au contraire, si tout le monde se dit «J'ai fait une erreur, donc je la corrige et je fais en sorte que cela ne se reproduise plus», je pense que nous pouvons mettre en place de bonnes actions préventives. C'est pourquoi, nous le top management, ne devons pas nous focaliser sur qui est la personne responsable du problème. Nous devons nous focaliser et nous occuper de la cause racine du problème.
Je souhaite travailler avec vous sur notre réussite. Merci de prendre en compte les demandes de M. Nakamura comme si elles venaient de moi-même.
Merci beaucoup.»