FORMATION SUPÉRIEURE/YONNE. Ils sont quatre et se forment par alternance pour devenir ingénieurs en génie industriel, diplôme délivré par l’Université de Bourgogne en partenariat avec l’ITII d’Auxerre.
Ils témoignent de leur vie d’apprentis, entre l’école et l'entreprise, et de la qualité très spécifique de cette filière, imaginé en 1989 par un certain Bernard Decomps, professeur à l’École normale supérieure. Avec pour constat : une meilleure approche des réalités du terrain.

Corentin, Cédric, Jean-Christ et Erwin deviendront l’an prochain ingénieur par la voie de l’apprentissage, à l'issue de leur troisième année à l'ITII d'Auxerre (Yonne). Un cursus encore peu connu en France et qui est né dans l’Yonne, à Auxerre, grâce à Bernard Decomps. Ils justifient leur choix et expriment leur ressenti sur cette formation, surtout au sein de leur entreprise d’accueil.
• Corentin Chiminelli à 22 ans est intégré à l’entreprise icaunaise Davey-Bickford, spécialiste mondial des détonateurs et autres produits de pyrotechnie. Après un bac S, un DUT de génie mécanique et productique à Besançon et une licence en logistique de production (déjà en alternance), il poursuit aujourd’hui ses études comme élève-ingénieur à l’ITII d’Auxerre.
« J’ai un temps hésité avec l’UTBM de Belfort-Montbéliard qui est aussi une école de tout premier plan pour intégrer l’industrie. J’aime ce type de formation à l’ITII où j’ai l’impression, non seulement d’apprendre mais aussi de faire quelque chose d’utile. Je resterai chez Davey-Bickford en fonction des opportunités qui se présenteront et de l’intérêt que j’aurai pour le poste. Une grande entreprise de ce type me convient car elle peut proposer des projets intéressants à conduire et on peut aussi bouger. J’ai déjà eu l’occasion de passer en stage plusieurs semaines au Chili, pays qui est le premier client de l’entreprise. »

• Erwin Immerzeel, 21 ans, après un bac ES, a décroché un DUT en qualité logistique industrielle et organisation (QLIO). Il intègre, il y a deux ans l’ITII et suit sa dernière année avant diplôme. Son entreprise d’accueil n’est autre que le site Valeo de Sens, fabricant de feux arrière des véhicules automobiles.
« Dès ma seconde année d’IUT, j’ai voulu intégrer le monde du travail, aussi la formule de l’ITII me convient parfaitement. J’apprécie aussi d’être immergé au sein d’un grand groupe comme Valeo, car dans son évolution de carrière, on peut bouger. Mon stage s’est d’ailleurs déroulé dans une usine Valeo de Pologne. Ici, j’apprends dans le cadre d’un projet d’école et on ne me fera pas faire n’importe quoi. Je réfléchis, par ailleurs, à poursuivre mes études, peut-être par un cycle à l’IFAG d’Auxerre, qui est une école supérieure de management. »
• Cédric Lamblin, 27 ans, a commencé par obtenir un BEP, puis un bac pro logistique. Il travaille ensuite en intérim quatre ans comme cariste et décroche également un DUT en qualité logistique industrielle et organisation (QLIO). Il a été recruté par JTEK, équipementier automobile installé près de Dijon.
« J’apprécie la formule de l'enseignement par alternance car on n’est pas anonyme, ni à l’école ni dans l’entreprise. La force de l’ITII est de rechercher les candidats et de savoir les placer en entreprise. Je souhaite être définitivement embauché chez JTEK, qui me fait confiance et m’a offert un stage rêvé aux Etats-Unis. Mais j’ai aussi de l’intérêt pour le travail dans les PME. »

• Jean-Christ Okouda Ollende est aussi âgé de 27 ans. Marié et père d'un enfant, il a travaillé une année chez ArcelorMittal à Florange (Moselle). Titulaire d’une bac S, il possède aussi un DUT en génie industriel et maintenance, ainsi qu’une licence pro en conception mécanique (IUT de Metz). L’unité de Faurecia Cercy-la-Tour, dans la Nièvre, équipementier automobile en a fait un de ses collaborateurs.
« Je trouve un bon équilibre avec cette formation. Je suis, de plus, correctement payé et c’est important pour moi qui ai un enfant. Je souhaite à l’avenir diriger une équipe, car j’ai l’âme d’un manager et cela me plaît. Si Faurecia me propose un poste intéressant, je ne refuserai pas. Reste que la PME/PMI m’intéresse car on peut apprécier dans son ensemble l’activité de l’entreprise et y prendre des responsabilités importantes très vite. »
• Le point de vue des maîtres d’apprentissage
• Michel Maltaverne chez Faurecia, site de Cercy-la-Tour (Nièvre), spécialisé dans les armatures de sièges pour l’automobile (170 salariés et une cinquantaine d’intérimaire). Ce cadre logistique et responsable des contacts clients pour pièces de rechange accueille Jean-Christ Okouda Ollende.
« Cette formation par l’apprentissage est pour moi le type de formation idéale, en ce sens que l’apprenant est immédiatement confronté à la réalité du terrain. Si la troisième année, essentiellement passée en entreprise, permet d’avancer sur des projets, l'alternance école et entreprise des deux premières pourraient être revue. Car deux mois chez l’un et et deux chez l’autre, sont des périodes soit trop longues, soit trop courtes pour confier à l’apprenti ingénieur des missions poussées, voire spécifiques. »
• Nicolas Michelin, responsable méthodes et logistique chez l’équipementier japonais JTEKT (autour des 850 personnes), spécialiste des directions assistées et de transmissions automobiles à Chevigny-Saint-Sauveur (Côte-d’Or). Il accompagne de Cédric Lamblin.

« On aime ces jeunes, volontaires et qui cherchent à évoluer. Nous avions deux apprentis de l’ITII, sachant que Cédric suit sa troisième année et que son collègue vient d’obtenir son diplôme et a été embauché chez nous. On les voit évoluer au fil du temps et s’adapter à la culture de l’entreprise d’accueil. Contrairement à une école d’ingénieur plus classique, la confrontation régulière à la réalité du terrain leur permet d’être très vite opérationnels. C’est un plus qui ne se retrouve pas forcément s’il intègre, par exemple un centre de recherche, car le condensé délivré en période scolaire peut se montrer limité. »
• Alain Lebfèvre, responsable de production chez Valeo à Sens (Yonne), spécialisé dans les feux arrière des véhicules automobiles avec un effectif supérieur à 500 salariés. Il pilote Erwin Immerzeel dans son cursus.
« C’est un réel plaisir de voir un jeune comme Erwin évoluer au fur et à mesure de son parcours sur notre site. Nous l’avons même envoyé faire un stage à l’étranger, chez Valeo Pologne. La formation est intéressante, mais montre certaines limites pour l’entreprise qui peut avoir besoin de l'étudiant lorsqu'il est à l'école, car le besoin ne se programme pas. En outre, si je peux bien le « coacher » pour tout ce qui concerne le rapport à rendre cette troisième année sur l’industrialisation, le rapport scientifique est plus compliqué pour moi. »
• Hervé Theuriot, responsable logistique amont et aval chez Davey Bickfort à Héry (Yonne). L’entreprise fabrique et distribue des détonateurs électroniques de haute technologie, des détonateurs conventionnels (électrique et non-électrique) et d’autres produits pyrotechniques de spécialité (plus de 400 salariés). Elle forme Corentin Chiminelli.
« C’est un cursus pragmatique qui colle à la réalité. Le rythme entre les périodes académiques et celles sur notre site me va bien. Elles sont assez proches pour que l’élève ingénieur puisse ne pas décrocher de l’apprentissage du métier. Je sais de quoi je parle, car suis moi-même un ancien de l’ITII d’Auxerre. Et nous croyons tellement à cette formation par alternance que Corentin n’est pas seul. Deux autres collègues à lui, en troisième année également, travaillent chez nous. »
• L’ITII Bourgogne

Premier du genre créé en France en 1991, l’ITII Bourgogne dispense deux cursus d’ingénieurs par l’apprentissage en trois ans. La formation sur Auxerre concerne le génie industriel, soit la maîtrise de toutes les phases de production et leur environnement comme la logistique amont et aval.
A Nevers, avec un accueil à l’Institut supérieur de l’automobile et des transport (ISAT), la formation porte sur la conception mécanique. Les deux filières accueillent 100 élèves ingénieurs : 105 sur le campus d’Auxerre et 95 sur celui de l’ISAT de Nevers.
• L’origine des ITII
En 1980, la France forme environ 12.000 ingénieurs par an, mais une polémique s’engage sur la nécessité ou non de multiplier le flux d’ingénieurs diplômés par 2, 3 voire 5. Parallèlement, grâce à une loi de 1987, la voie de l’apprentissage s’ouvre progressivement aux formations supérieures.

En 1989, Bernard Decomps, professeur à l’École normale supérieure de Cachan, préside un groupe de travail sur les besoins en ingénieurs et rend ses conclusions :nombreux techniciens salariés en recherche d’évolution de niveau de formation, besoins en ingénieurs opérationnels ayant une meilleure approche des réalités de terrain, en particulier pour s’investir dans les petites et moyennes entreprises (PME), carence en ingénieurs diplômés pour encadrer le développement de l’économie des territoires et accompagner les mutations industrielles.
Le besoin d’ingénieurs de terrain, formés par la voie de la formation professionnelle continue ou en formation initiale, en partenariat avec l’entreprise, est alors clairement identifié. Le choix de créer de nouvelles formation d'ingénieurs (N.F.I.) est alors prise. Il se concrétisera avec l’ouverture de la première structure française de ce type en Bourgogne - à Auxerre (Yonne) - avec la création de l'ITII en 1991. (source : Wikipédia)
Un peu d'histoire : La création de ces "Nouvelles Formations d'Ingénieurs" s'est heurté à l'opposition de la Commission des Titres d'Ingénieurs, laquelle estimait qu'une formation d'ingénieur par apprentissage ne pouvait être du même niveau académique que celle dispensée par la voie traditionnelle dans les "grandes écoles". C'est grâce à Jean-Pierre SOISSON, considéré comme « ministre d'ouverture » dans le gouvernement de Michel ROCARD de 1988 à 1991 au Ministère du Travail que ces formations ont vu le jour, et pas seulement dans l'industrie, même si c'est surtout l'UIMM et un certain Dominique DE CALAN, dont étaient très proches Michel PISANI et Jean-Jacques LENNE à l'UIMM Yonne, oeuvraient à leur création. Un juste retour des choses,non ?