Après une première tranche d’investissement de 6 millions d'€ pour la construction d’un nouveau centre logistique et d’une nouvelle usine, le spécialiste de la chaussure de sécurité, basé dans le Val de Moder, fait une pause dans ses projets en raison de la conjoncture économique et de l’inflation des coûts.

Le nouvel étage de la fusée attendra. Le spécialiste des chaussures de sécurité Lemaître fait une pause dans le mouvement d'investissements qui s'est déclenché depuis six ans sous la houlette du groupe indien de cuir Rahman Industries, propriétaire depuis 2009 de l'entreprise née au XIXème siècle et convertie à sa spécialité actuelle depuis 1974.

En 2016, Lemaître Sécurité avait en effet investi 2 millions d’€ dans un nouveau centre logistique à Uberach, à quelques kilomètres du siège social de La Walck (Bas-Rhin), dans le Val de Moder. Cet entrepôt présente une capacité de stockage de 250.000 à 300.000 paires de chaussures. Trois ans plus tard, un bâtiment industriel a vu le jour juste à côté. Cette nouvelle usine de 2.500 m2, opérationnelle depuis septembre 2020, a représenté un investissement de 4 millions d’€.

 

PVFmars

 

« La modernisation des anciens ateliers de fabrication du site de La Walck, situés en plein cœur du village, n’était guère compatible avec les exigences RSE (responsable sociétale des entreprises) de Lemaître Sécurité, telles que nous les affirmons depuis 2015 », explique Cyril Bucher, le dirigeant de Lemaître Sécurité.

Cette série de développements devait être complétée par un agrandissement permettant le transfert de tous les services du siège social, qui abrite encore le laboratoire d’essais. Mais ce projet est reporté à 2025 voire 2030. Un nouvel équipement de production, un troisième carrousel d’injection, devait également être mis en place en 2023. Mais au vu de l’inflation des coûts, l’investissement initial d’un million d'€, sera finalement limité à 200.000 €, pour commencer.

 

Un premier semestre 2023 « très perturbé »

lemaitre
Le ralentissement attendu d'activité l'an prochain devrait rester sans conséquence sur l'emploi. © Julie Giorgi


Car aujourd’hui, Lemaître Sécurité subit les effets de plusieurs crises : tension sur l’énergie, hausse de plus de 40% du prix des matières premières, manque de main-d’œuvre… Auxquelles s’ajoutent les difficultés à l’export : dévaluation de 15% de l’euro face au dollar et guerre en Ukraine.

L’entreprise, qui affiche un chiffre d’affaires d’environ 40 millions d’€ avec ses quatre filiales européennes (Allemagne, Belgique, Espagne, Tchéquie), réalise 40% de ce total à l’export dans plus de 80 pays. Or, avec l’Allemagne et l’Espagne, l’Europe de l’Est constitue un débouché majeur : 8 millions d’€ en temps normal, dont 1,5 million en Ukraine et en Russie. En 2023, l’activité dans les pays de l’Est devrait tomber à 5 à 6 millions d'€.

 

parcmulhousesalonbe

 

Et la société s’attend à une baisse globale en 2023. Cyril Bucher a élaboré trois scénarios : stabilité, recul de 5% ou chute de 35%... « Nos marges vont baisser. Cette sortie de crise sera plus longue que celle liée au Covid. Nous devons être prévoyants», avertit le dirigeant, qui entrevoit un premier semestre 2023 « très perturbé ».

Mais il n’est pas question de destruction d’emplois. Les deux sites alsaciens à Uberach et La Walch emploient 120 salariés. L’entreprise a même conclu les négociations annuelles obligatoires avec des hausses de salaires comprises entre 5 et 6 % pour 2023.

 

La stratégie : export et montée en gamme

lemaitre bucher
Cyril Bucher, le dirigeant de LemaÏtre Sécurité, mise sur la montée en gamme comme relais de croissance pour le fabricant de chaussures de sécurité. © Julie Giorgi

 

Lemaître Sécurité réalise des économies sur d’autres postes, notamment l'énergie, grâce à son nouveau bâtiment industriel. Un système double-flux récupère la chaleur des compresseurs et la redistribue dans l’usine, permettant de chauffer l’usine avec le complément du gaz naturel. L’éclairage est assuré par des lampes LED basse consommation. « Nous avons presque divisé par deux notre consommation d’énergie avec ce nouveau bâtiment par rapport à l’ancien », assure le dirigeant.

Et parmi les relais de croissance, Cyril Bucher compte sur l’export et la montée en gamme de ses produits. Avec deux marques, Safetix, plus économique (un tiers des volumes, mais seulement un cinquième du chiffre d’affaires), et Lemaître, la marque premium. « Celle-ci représente toujours 80% des ventes nationales en valeur. Nous considérons que sur le marché de la chaussure de sécurité premium, il y a encore beaucoup à faire et que les clients sont de plus en plus demandeurs de produits techniques et durables, de services de proximité et d’engagement RSE », affirme-t-il.

 

ui-investissement-062021

 

À l’étranger, Lemaître Sécurité a investi un nouveau marché depuis trois ans, celui des pays nordiques, pour lequel l’entreprise a conçu une chaussure haut de gamme équipée d’un système de laçage à molette et une semelle technique adaptée aux conditions climatiques difficiles.

Quant à la nouvelle gamme « Trainer » qui sera mise sur le marché en 2023, elle est éco-conçue : au moins un quart du poids de la chaussure est composée d’éléments recyclés, réutilisés ou biosourcés et au moins cinq composants sont recyclés (lacets, tige, semelle intérieure, extérieure, etc.). La PME réutilise aussi les cartons d’emballage, revalorise les chaussures avec des défauts de production et a entamé un projet de R&D avec un institut allemand pour recycler le polyuréthane des bavures de semelles, qui était jeté jusqu’à présent. « Demain, le projet sera de recycler les chaussures entières », anticipe le dirigeant. La démarche de conception « éco-responsable » est également devenue stratégique pour l’avenir de l'entreprise plus que centenaire. 

Commentez !

Combien font "2 plus 3" ?