Le poste source de Vendeuvre-sur-Barse, centre névralgique de l’expérimentation.
Le poste source de Vendeuvre-sur-Barse, centre névralgique de l’expérimentation.

INNOVATION. La production croissante d’électricité générée par le souffle du vent ou les rayons du soleil pose des difficultés techniques aux producteurs, transporteurs et fournisseurs de courant.

En effet, le réseau électrique n’a pas été conçu à l’origine pour transporter une énergie intermittente et décentralisée.

Une expérimentation est en cours dans l’Aube visant à adapter le réseau à la production d’énergie renouvelable d’origine éolienne grâce notamment aux TIC.

Le projet Venteea - c’est son nom - n’a pas atterri là par hasard : la Champagne-Ardenne est la région où l’on dénombre le plus d’aérogénérateurs.

Cliquez sur les photos pour les agrandir.

« Voir l’énergie naturelle transformer l’exploitation de l’électricité dans l’Aube » : si l’acronyme Venteea semble un peu forcé, il a au moins le mérite d’être évocateur. C’est bien de vent dont il s’agit ici. Celui qui fait tourner les pales des éoliennes pour produire une énergie totalement inépuisable.

En quelques années, l’Aube et la Champagne-Ardenne se sont couvertes de mâts pour devenir la région de France la plus richement dotée en parcs éoliens. Elle génère aujourd’hui un peu plus de 10 % de la production nationale.

« On a été confronté un peu plus tôt que les autres à l’arrivée massive des énergies renouvelables sur le réseau », relève Didier Colin, le chef de projet Venteea, manière de justifier le choix du site.

Nul hasard non plus à ce que l’expérimentation ait lieu à Vendeuvre-sur-Barse, dans l’Aube : cette zone rurale est très représentative du contexte français.

Un parc éolien de 18 mégawatt (MW) est raccordé à son poste source, autrement dit au poste électrique qui transforme la haute tension en moyenne tension. Ce poste source est le centre névralgique de Venteea. Celui de Vendeuvre-sur-Barse fournit en électricité environ 3 000 clients.

 Coordonnateur du projet Venteea, Didier Colin, fait partie d’ERDF.

Coordonnateur du projet Venteea, Didier Colin, fait partie d’ERDF.

Risques d’instabilité

Mais revenons à la problématique posée par les énergies renouvelables. Auparavant, le schéma était simple : « Le réseau fonctionnait dans un seul sens, explique Didier Colin, le sens descendant : les électrons partaient du site de production (une centrale nucléaire, hydraulique ou thermique) pour aller chez le consommateur. Aujourd’hui, avec la dissémination des sites de production, les flux sont bidirectionnels».

« C’est un peu comme si le courant d’une rivière s’inversait en fonction des changements de vent ou d’ensoleillement », ajoute t-il.

Le chef de projet Venteea insiste sur le fait que « plus on va raccorder d’éolien et de photovoltaïque, plus on va avoir des risques d’instabilité du réseau », le vent et le soleil produisant une énergie fluctuante. Or, le consommateur final ne doit s’apercevoir de rien : la tension doit rester exactement la même à sa prise de courant.

Pour atteindre cet objectif, il faut ajouter une « couche d’intelligence » au réseau, comme disent les spécialistes.

Les Anglo-Saxons parlent de smart grid. Plusieurs outils et équipements ont été ou vont être installés dans l’Aube à cet effet.

L’information, nerf de la guerre

Sans trop entrer dans la technique, il s’agit en premier lieu de maintenir la tension à un niveau constant, en mesurant celle-ci non plus seulement au poste source mais en différents points du réseau, et en la régulant automatiquement grâce à un nouveau type de transformateur.

L’échange d’informations est la pierre angulaire du projet.

Venteea déploie par conséquent des capteurs chargés de détecter les défauts, et ce dans toutes les directions.

« Aujourd’hui, cela fonctionne un peu comme la ligne Maginot : on regarde d’un seul côté, image Didier Colin. Désormais, il nous faut regarder dans les deux sens. »

Communication encore, avec la mise en place d’un système facilitant le dialogue entre le producteur et le distributeur. « L’idée est de mieux prévoir et piloter la production, en fonction par exemple du vent qu’il y aura le lendemain. »

Enfin, le projet aubois s’attaque au talon d’Achille de l’électricité, le problème de son stockage, que l’on ne sait pas encore résoudre à grande échelle, dans le but d’équilibrer production et consommation.

Une batterie de 2 MW, assurant 30 minutes de consommation, va être installée à cette fin à Vendeuvre.

 Le parc éolien de la vallée de l’Arce sert de support au projet Venteea.

Le parc éolien de la vallée de l’Arce sert de support au projet Venteea.

23 millions d’€

D’une durée de trois ans, l’expérimentation Venteea s’achèvera fin 2015.

Elle mobilisera 23,4 millions d’€ (dont une partie puisée dans la cagnotte des Investissements d’avenir, sous le contrôle de l’Ademe) et une dizaine de partenaires industriels et scientifiques de haut niveau : ERDF (le distributeur, qui est aussi le pilote de Venteea), Enel Green Power France (le fournisseur, propriétaire du parc éolien), RTE (l’opérateur du réseau), EDF R&D, General Electric, Saft, Schneider Electric, Made SA, l’Ecole Centrale de Lille, le laboratoire L2EP et l’Université de technologie de Troyes étant bien sûr le régional de l’étape.

Si elles s’avèrent concluantes, les solutions mises en œuvre dans l’Aube auront vocation à être appliquées dans le reste de la France.

On estime que 90 % des 2 200 postes sources pourraient être aménagés. Avec d’importantes économies à la clé, puisqu’il ne sera pas nécessaire de construire de nouvelles structures. Ce qui diminuera d’autant les coûts de raccordement de l’éolien.

Photos fournies par ERDF.

Commentez !

Combien font "5 plus 1" ?