Le site sidérurgique de British Steel à Hayange (Moselle) s’est mis en ordre de marche pour le Brexit dont la nouvelle date butoir a été repoussée au 12 avril. Les demi-produits également appelés « blooms » nécessaires à sa production de rails sont majoritairement importés du Royaume-Uni.
Les rails de grande longueur en attente de leur départ s’étirent patiemment sur leurs wagons sous l’effet des premiers rayons de mars. Leurs 108 mètres de longueur se déforment de manière spectaculaire au gré de la courbe qui marque la voie à la sortie des ateliers de British Steel à Hayange (Moselle). En toile de fond se dressent les hauts-fourneaux dont ArcelorMittal a annoncé, en décembre dernier, la fermeture définitive. Le site de production de rails, propriété du fonds d’investissement londonien Greybull Capital, emploie 470 personnes en CDI et demeure l’un des plus anciens sites encore en activité dans la célèbre vallée de la Fensch. Il est entré en activité en 1892.
A l’approche de quelques semaines du Brexit, dernièrement repoussé au 12 avril, le groupe accueille sereinement la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne. La direction dit avoir trouvé un compromis « acceptable » pour poursuivre son activité. Car les demi-produits sidérurgiques également appelés « blooms » utilisés pour fabriquer ses rails à Hayange proviennent depuis 2003 d’outre-manche. Chaque année, environ 300.000 tonnes de barres d’acier traversent le tunnel sous la Manche.
« Nous figurons parmi les premiers clients d'Eurotunnel. Nos blooms circulent de nuit sous La Manche six jours sur sept », explique Pascal Sécordel, directeur technique de British Steel. « Les blooms devraient être dédouanés en Angleterre avant expédition à Hayange. Un suivi unitaire serait alors réalisé lors du déchargement sur notre parc. C’est un compromis acceptable pour continuer notre activité sur le plan industriel dans le respect de la règlementation », livre t-il.
Dans ce contexte, la direction se veut rassurante sur l’avenir du site. Elle annonce des carnets de commandes « corrects » avec une vision à « presque un an ». Toutefois, les salariés mosellans ont eu des sueurs froides en septembre dernier. Le groupe avait annoncé son intention de supprimer 400 emplois en Europe. A Hayange, ce plan devrait se limiter à des départs à la retraite non remplacés et une baisse du recours aux intérimaires, assure-t-on. « Nous envisageons d’investir dans une 3e ligne de parachèvement en 2020 si les marchés se confirment », expose Pascal Sécordel.
Du train jaune aux convois miniers

Hayange fabrique des rails au profil standard dit « Vignole », mais aussi des profils à gorge pour les tramways ou encore des rails spéciaux pour les aiguillages, la RATP, le métro de Montréal. « Les profilés que nous fabriquons peuvent afficher une masse minimale de 36 Kg par mètre à l'image du train jaune touristique dans les Pyrénées catalanes. Ils peuvent aller jusqu'à 86 Kg par mètre pour les transports de fret sur voies minières », expose Pascal Sécordel.
Les profilés voyagent dans le monde entier à l’exception de la Chine, de la Russie, du Japon et de l’Australie. Toutefois, l’essentiel du chiffre d’affaires de 270 millions d’€ est réalisé en Europe.
Construite par la famille de Wendel, l’aciérie demeure l’un des sites sidérurgiques les plus anciens encore en activité dans la célèbre vallée de la Fensch. Il est entré en activité en 1892. Ces dernières décennies, il a connu une valse de propriétaires : Arcelor, Corus Rail, Tata Steel, etc. En 2016, il est repris sous le nom de British Steel par le fonds d’investissement londonien Greybull Capital géré par les franco-britanniques Nathaniel et Marc Meyohas. Les deux frères ont repris la division acier long (rails et armatures pour le bâtiment) du groupe Tata Steel et les 4.500 emplois des neuf unités de production situées dans la Nord de l’Angleterre et en France, celui d’Hayange.
Les Anglais ont mis à profit les lourds investissements réalisés sur place par le précédent actionnaire au début des années 2010 : 50 millions d’€ pour augmenter la longueur des rails de 80 à 108 mètres et 12 millions d’€ dans une ligne de traitement thermique pour renforcer leur structure.
Le groupe britannique est par ailleurs l’un des candidats à la reprise de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord), une offre examinée hier 27 mars devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg.

Ingénieur formé d’abord à l’Université de Lorraine, puis à l’INSA de Lyon, il a débuté sa carrière à Hagondange (Moselle) dans l’ancienne usine Ascoforge, aujourd’hui propriété du groupe Farinia.