Vue d'une des nombreuses terrasses installées place de la Libération.
Vue d'une des nombreuses terrasses installées place de la Libération.

CAFÉS RESTAURANTS. Les cafetiers et restaurateurs dijonnais attaquent devant le tribunal administratif le nouveau règlement municipal régissant l’usage et la tarification des terrasses de plein air ou fermées.

Ils s’estiment victimes d’un « diktat et d’un nouveau racket » de la part de Nathalie Koenders, l’adjointe au commerce.

Ils se considèrent comme des « vaches à lait » et en appellent à une renégociation du texte, arguant d’augmentations pratiquées jusqu’à 600%.

Cliquez sur les photos pour les agrandir.

Pour qui de l’extérieur considère encore la capitale bourguignonne comme une « Belle Endormie », une bourgade douce et paisible où il ne se passe presque jamais rien, il faudra changer de vocabulaire.

Il y a du Chabrol (*) dans l’air à propos du nouveau règlement tarifaire (droits d'occupation) concernant 281 terrasses de plein air ou fermées, avec son lot de haines recuites, de règlements de compte différés et de vengeances sourdes qui jaillissent à la surface.

Jugez-en ! Cafetiers et restaurateurs de Dijon, fédérés au sein de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) de Côte-d’Or que préside l’hôtelier-restaurateur Patrick Jacquier, partent en guerre contre la législation municipale, votée en juin 2012, mais applicable que depuis le début de l’année.

Ils qualifient les hausses de tarifs qui leur sont imposées « sans concertation », comme un nouveau « racket » de la municipalité dirigée par le sénateur-maire PS François Rebsamen.

Ils s’estiment victimes d’un véritable « diktat (**) » de la part de Nathalie Koenders, l’adjointe au commerce, à l’artisanat et à la démocratie locale, accusée « d’instaurer la pagaille », de vouloir pratiquer de « petits arrangements entre amis (***)» et lui demandent au final de se mêler ni plus ni moins de ses affaires.

À pareille charge verbale, exprimée hier 16 mai 2013,en conférence de presse, ils rajoutent des écrits sous la forme, entre autres, de sets de table où l’on peut lire qu’ils ne sont pas des « vaches à lait » comme des "boucs émissaires".

Enfin, les patrons d’estaminets, troquets et autres débits de boisson portent l’affaire au prétoire en déposant une requête auprès du tribunal administratif de Dijon afin de faire annuler l’honnie décision de l’édile.

Ils attaquent au nom de l’excès de pouvoir pour défaut d’argumentation et de rupture de l’égalité du citoyen devant l’impôt.

Ce set de table, à lire en détail, ornera bientôt les tables des cafés et restaurants dijonnais.
Ce set de table, à lire en détail, ornera bientôt les tables des cafés et restaurants dijonnais.

De quoi s’agit-il au juste ?

Pour bien comprendre l’affaire qui ébroue le landerneau dijonnais, donnons le point de vue des deux parties.

Accusée, la mairie de Dijon répond qu’elle a changé sa réglementation de 2003, concernant les terrasses, pour faire rentrer tout le monde dans la légalité.

L’aménagement d’une trentaine de terrasses en dur, parfois fermées, voire couvertes, et considérées de ce fait comme de véritables salles annexes, ne bénéficiait d’aucune autorisation.

« Plutôt que de les faire démonter, la mairie a souhaité que soit étudiée la manière dont elles pouvaient être régularisées. Le nouveau règlement autorise donc les terrasses aménagées. Autrement dit, nous rendons légal ce qui était illégal à 100% ! », indique dans un communiqué Nathalie Koenders.

Au nom de la règle de l’avantage retiré par l’occupant, avec sa notion de rentabilité, la ville de Dijon a découpé son territoire en cinq secteurs de facturation qui tiennent compte du bonus d’attractivité offert par la piétonisation des rues ou la proximité du tramway qui valorisent les fonds de commerce.

« Le tarif le plus élevé ne concerne que 6% des exploitants des terrasses et les deux tarifs des secteurs les plus éloignés du centre-ville ont été diminués de 10% pour soutenir les "cafés de quartier », indique l’adjointe.

« Mais qu'est ce qui fait aussi qu’une ville est attractive sinon les terrasses que nous finançons », rétorquent les cafetiers restaurateurs qui dénoncent également les frais d’installation dus par tout nouvel acquéreur d’un fonds de commerce intégrant une terrasse.

Terrasse de la place François Rude à Dijon qui n'acquittait que 22 € le mètre linéaire par an. Elle paiera dorénavant au m2 en fonction de la classification du quartier.
Terrasse de la place François Rude à Dijon qui n'acquittait que 22 € le mètre linéaire par an. Elle paiera dorénavant au m2 en fonction de la classification du quartier.

Bataille de chiffres

Là où les deux parties semblent d’accord tient à la facturation au m2, et non plus au mètre linéaire, autour des halles, par « souci d’équité ».

En résumé, les règles et les tarifs en vigueur dépendent désormais de la nature et de la situation géographique de la terrasse.

« C’est ainsi que la redevance peut varier entre 30 euros et 360 € le m2 par an, étant précisé que 75% des établissements ne voient pas l’augmentation dépasser les 45%, soit pour 204 commerçants une redevance annuelle qui passe en moyenne de 1067 euros à 1559 euros », certifie Nathalie Koenders.

« Faux et archi-faux », tonne Lionel Petitcolas, vice-président de l’UMIH Côte-d’Or, appuyé par Christophe Lemesnil, président des cafetiers.

À l’appui, les deux hommes commentent une fiche comparative de 10 établissements identifiés qui, pour certains, subiraient une hausse de 600%.

Par exemple, Le Smart, rue Claus Sluter et ses 44m2 de terrasse requalifiée en dur, passerait de 1753,84 € à 9680 € (+ 452%). De son côté, le bar La Jamaïque, place de la République, alourdirait sa facture de 165,5% (de 6510,72 à 17 280 €).

Ce à quoi la mairie oppose un tout autre calcul. Pour Le Smart, la redevance 2013 ne serait que de 8 800 € (+ 400%) avec le bénéfice d'une terrasse pouvant servir toute l'année.

Quant à La Jamaïque, établissement situé dans la zone la plus imposée, il payait 7 754,22 € en 2012 et acquittera en 2013, 19 530 €, soit une augmentation de 152%, pour 48 m2 de terrasse fermée et 25 m2 en plein air.

Pour conclure, moins vindicatif que ses collègues, Patrick Jacquier, président de l’UMIH, répète à l’envi que le but final de toutes ces actions soutenues par leur union nationale consiste à « renégocier la tarification ».

Plusieurs journalistes présents ont toutefois demandé si c’était vraiment la bonne méthode, tant sur la forme que sur le fond.

(*) : Claude Chabrol, scénariste et réalisateur de cinéma, campe admirablement bien les ambiances de province, notamment dans Poulet au vinaigre (1985) et Inspecteur Lavardin (1986), avec le très regretté Jean Poiret.

(**) : Diktat est un terme venant d'un mot allemand signifiant « chose dictée ».

(***) : Selon Lionel Petitcolas, une trentaine de tenanciers d’établissements auraient renégocié leurs droits d’occupation de gré à gré avec la mairie.

Crédit photos : mairie de Dijon.

1 commentaire(s) pour cet article
  1. GEDdit :

    Comme de bien entendu...ce sont ceux qui bossent très dur et animent la ville qui trinquent. Il faut arrêter de croire que les cafetiers restaurateurs profitent d'un m2 de trop, pris sur un espace public qui ne demande que ça. A t-on pris le temps de mesurer les retombées de ce m2 en terme d'emplois créés par la profession ? La mairie de Dijon, à l'instar de l'Etat cherche à faire rentrer des taxes... Il y a peut-être, dans les services, des économies à réaliser.

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