LOGICIELS/FRANCHE-COMTÉ. Ultra-rapide et sans équivalent, la version 7.2 de Mountains devrait permettre à l’entreprise bisontine de s’imposer sur le marché mondial des microscopes.
Paradoxalement, ce sont les travaux d’un mathématicien du 18ième siècle qui ont permis d’obtenir une telle rapidité de reconstruction 3D des surfaces.
De la matière grise, de la persévérance et une opération de croissance externe : Digital Surf est sur la bonne vague.


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On n’imagine pas le nombre d’implications fonctionnelles des surfaces. « Dans l’énergie, la sécurité, il peut y avoir des problèmes de rugosité qui se mesurent au micron », explique Christophe Mignot, le dirigeant fondateur de Digital Surf, une pépite des microtechniques bisontines devenue, aujourd’hui, un éditeur logiciel ultra-pointu d’analyse de surfaces.

Créée en 1989 par deux ingénieurs, Christophe Mignot et Bertrand Bellaton, Digital Surf s’était d’abord positionnée comme fabricant d’instrument de mesure et d’analyse des reliefs microscopiques. En 1996, elle regroupait tous ses algorithmes dans Mountains, un logiciel permettant d’utiliser ses instruments. En 2008, elle décide d’abandonner son premier métier et de se consacrer exclusivement à ce logiciel, dont la version 7.2 vient de sortir.

« Les aspects de surface sont fondamentaux dans beaucoup d’objets et on ne le soupçonne pas », poursuit le chef d’entreprise. La glisse des skis, les qualités antiadhésives des poêles mais aussi des injecteurs, des galettes de freinage pour locomotives, ou encore le relief de la peinture automobile, de l’épaisseur de l’encre des billets ou des timbres… Telles sont quelques-unes des applications que Mountains, le logiciel de Digital Surf, permet d’analyser et de mesurer.

Environ 85% des clients de l’entreprise bisontine sont des fabricants de profilomètres ou de microscopes, les 15% restant étant des utilisateurs : laboratoires de recherche publique ou privée (Total, Rolex, imprimerie nationale de la Banque de France et du timbre poste…), écoles d’ingénieurs, centres de métrologie.

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La croissance des ventes de Mountains est régulière, d’environ 13% par an. En 2015, plus de 30 fabricants le proposent sur leurs microscopes, plus de 10 000 logiciels (traduits en 10 langues) sont installés dans le monde et plus de 130 publications scientifiques l’ont cité en 2014. Quant au chiffre d’affaires, il devrait atteindre 3,2 millions d’€ pour l’exercice 2014-2015, dont 90% réalisé à l’export… en l’absence de fabricants de microscopes dans l’Hexagone.

 

Trois secondes pour reconstituer un relief

La version 7.2 de Mountains est ultra-rapide. Christophe Mignot, qui a toujours la passion des algorithmes, s’est souvenu des travaux d’un mathématicien français du 18ième siècle découverts pendant ses études et les a remis au goût du jour pour simplifier la reconstruction 3D.

« Ce qu’on fait est unique au monde », assure le dirigeant. « Nous avons un concurrent, mais qui est beaucoup plus lent. En puissance de calcul, on l’a pulvérisé. Avec cette nouvelle version, en 3 secondes, Mountains reconstitue le relief, on a fait un bond de facteur 100, et c’est plus facile aussi pour l’utilisateur. »

Les ventes de cette version bolide démarrent. Digital Surf vient de signer avec une grosse société japonaise de puces pour ordinateurs. En 2014, la petite entreprise bisontine avait passé un cap : de la vente quasi-exclusive aux laboratoires à la vente pour des lignes de production.

En 2014, elle avait aussi racheté un demi-concurrent : le Danois Image Metrology, un éditeur de logiciels à l’échelle nano – Digital Surf étant positionné sur l’échelle du micron –, qui est devenu une filiale pointue sur son marché et complète l’offre de l’éditeur bisontin.

 

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Dans le monde économique, Christophe Mignot a trois modèles : Steve Jobs pour l’innovation, Microsoft pour son hégémonie et Google pour l’organisation du travail. Trois modèles qu’il est en passe d’égaler… à sa modeste mesure. Mountains n’a pas d’équivalent sur le marché, il est le plus rapide au monde pour passer d’une image 2D en noir et blanc à une image 3D en couleurs. Voilà pour l’innovation à la Steve Jobs.

Pour la référence à Microsoft, la petite entreprise s’en approche : ayant adopté un langage commun à tous les microscopes, Mountains est déjà proposé par les plus grands fabricants (Zeiss, Leica, Olympus, Nikon…), et deux d’entre eux ont déjà signé des accords de partenariat avec elle. « Nous sommes en pôle position pour devenir le standard, et nous devrions y arriver », affirme, confiant, le chef d’entreprise.

Quant aux conditions de travail façon Google, Digital Surf n’y est pas tout à fait, mais les 30 salariés apprécient les travaux d’agrandissement et de réagencement des locaux de la rue Lavoisier, à Besançon, réalisés fin 2012. De l’espace, de la lumière, une vaste cuisine bien équipée, une grande terrasse pour prendre l’air aux beaux jours et, ce qui ne gâte rien, une politique RH souple et valorisante. Quoi de mieux pour attirer et retenir les cerveaux dont elle a besoin ?

 

mignotQui est Christophe Mignot ?

Depuis l’âge de douze ans, se souvient-il, Christophe Mignot a toujours voulu créer des produits et les vendre. « La vente, c’est l’acte de reconnaissance de ce qu’on a réalisé », dit-il. Ce bisontin a fait l’ICPI, une école d’ingénieurs de Lyon (aujourd’hui CPE, école supérieure de chimie, physique, électronique).

Diplômé et de retour à Besançon, où il comptait bien monter son entreprise, Christophe Mignot a conclu un marché avec son père qui, en bon enseignant-chercheur, lui a proposé d’exploiter ses travaux sur le passage de la 2D à la 3D en échange de l’utilisation de son laboratoire. « Ses travaux de recherche avaient déjà été publiés, ils étaient dans le domaine public. » C’est ainsi qu’est née Digital Surf, en 1989.

Christophe Mignot a été l’un des membres fondateurs du pôle de compétitivité des microtechniques, puis il est entré à l’APM (association du progrès du management), a participé à la création du réseau Entreprendre, et fut aussi administrateur de Micronora. « C’était intéressant pour moi de faire partie de réseaux. En tant que fils d’universitaire, je démarrais sans culture industrielle. »
Très actif, le dirigeant est impliqué dans de nombreuses activités externes, et cette vie bien remplie ne l’empêche pas de remettre les mains dans le cambouis en ramenant, chez lui, des travaux de recherche pour Digital Surf… qu’il transmet ensuite à ses équipes, s’ils s’avèrent exploitables pour sa petite entreprise.

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