De l’Alsace au Jura, en passant par la Bourgogne, la Champagne et le Beaujolais, les vendanges sont cette année plus tardives. Et moins généreuses. Gel de printemps, canicule de juin et juillet, déficit de pluie entraînant du stress hydrique, et grêle expliquent une récolte modeste surtout en comparaison avec 2018 qui avait battu des records de volumes. Mais les professionnels sont optimistes sur la qualité du millésime.
• L’Alsace sous le seuil du million d’hectolitres

Le vignoble d’Alsace où la vendange est en cours depuis le 4 septembre pour les crémants et, démarrera jeudi 12 pour les vins tranquilles pour s’étaler jusqu’au début d’octobre pour les Riesling et les vendanges tardives, donnera un des moins généreux millésimes de ces cinq derniers années. Il sera en dessous du million d’hectolitres, pronostique le le Comité Interprofessionnel des Vins d’Alsace (CIVA).
La canicule est la principale responsable de ce déficit de volume, les orages de grêle n’ayant qu’un impact très local, « sans conséquence dramatique ». Quant aux pluies d’orage, elles aussi localisées à certaines parties du vignoble (esentiellement dans le Haut-Rhin et Colmar), elles contribuent à une vendange très hétérogène avec des rendements de 16 à 50 hectolitres/ha selon les zones.
Maigre récolte donc, qui aura des conséquences sur le prix de la matière première selon les cépages mais aussi la destination. Selon l’Association des Viticulteurs d’Alsace, les coopératives dont les viticulteurs sont actionnaires maintiennent le prix d’achat des raisins. Les négociants, eux, proposeraient des baisses allant jusqu’à moins 20 %.
Cette tendance soulève des questionnements à moyen et long terme sur la situation économique de la filière. Les volumes commerclaisés diminuent d’année en année depuis 2010 sur tous les segments (AOC, Crémants et grands crus). Le marché français, premier consommateur, ralentit et n’est pas compensé par l’export, qui recule régulièrement à l’exception des crémants qui connaissent à nouveau une baisse des ventes à l’étranger après une augmentation significative en 2015. « Il faudra à l’avenir travailler sur des mécanismes de gestion des volumes mis en marché, acceptables pour tous les systèmes et tous les opérateurs », analyse le Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace (CIVA). Car « les marchés attendent un approvisionnement quantitatif et qualitatif le plus régulier possible. »
En attendant, le millésime 2019 s’annonce de bonne qualité, rassurent les professionnels.
Récolte 2018 : 1,180.000 million d’hectolitres
Rendement moyen 2018 : 77,6 hl/ha pour un maximum autorisé de 80 hl/ha.
Ventes 2017 : 942.980 hectolitres, en recul depuis 2015
Près d’un tiers (26%) sont des crémants.
Les deux tiers des vins d’Alsace sont vendus en France.
L'Alsace a été pionnière de l'oenotourisme. Les fêtes du vin font partie de cette façon de faire se rencontrer les spécialités du terroir, les producteurs et les consommateurs. Chaque village viticole a sa fête et elles se s'arrêtent pas à la fin de l'été. Elles reprennent après les vendanges avec le vin nouveau, et à l'approche de Noël, sur les marchés et dans les caveaux. La liste des principales fêtes du vin est accessible sur le site de La Route des Vins d'Alsace.
• En Bourgogne, le raisin n’est pas mûr partout

En Bourgogne, il n’y a plus de ban des vendanges depuis 2008, ce calendrier qui fixe les dates d’ouverture des vendanges et obligent les viticulteurs qui veulent démarrer plus tôt à demander une dérogation. Aussi, rencontre t-on des vendangeurs depuis la fin août, dans les vignes à crémant, depuis la rentrée scolaire dans quelques vignobles de vins tranquilles en Côte de Beaune, Mâconnais et Chablisien. Les sécateurs vont tous entrer en action la semaine prochaine, sauf dans les Hautes Côtes de Beaune et de Nuits qui attendront la fin du mois de septembre.
À ce jour, le raisin n’est pas mûr partout, le vignoble ayant souffert d’un déficit pluviométrique depuis le début de l’année, évalué à 30%. « Alors que les températures baissent et doivent remonter cette fin de semaine, les viticulteurs ont tout intérêt à attendre que les vignes achèvent leur cycle végétatif », commente t-on au Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB).
Les premières analyses assurent d’une bonne qualité avec « des raisins sains, un bon équilibre sucre/acidité et une bonne tenue aromatique ».
En revanche, en Bourgogne aussi, le volume sera en-deçà de la moyenne annuelle de 1,4 million d’hectolitres, en raison des gels du printemps. « On av pas vu autant de millerandage [ non formation des grains qui sont restées petits ] depuis longtemps ", assure une technicienne du BIVB.
La situation ne devrait pas trop pénaliser la filière dans son ensemble qui a fait une vendange 2018, bientôt sur le marché, d’un volume record. La précédente campagne avait déjà montré un beau dynamisme à l’export et, contrairement à d’autres vignobles, un maintien des ventes en France ( 115,8 millions d’€ sur les 8 premiers mois de 2018).
Rendement 2019 : de 68 hectolitres l’hectare pour les vins blancs à 40 pour les grands crus rouges.
Ventes à l’export toujours en progression : sur les 6 premiers mois de 2019, + 5,8 %, avec un chiffre d’affaires (+ 44,6 millions d’euros, 2019/2018) qui continue de croître + 10 % à 487 millions d’euros.
Les producteurs de bourgognes entament une tournée jusqu’à la fin de l’année dans tout l’hexagone sous l’égide du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne. « Rencontres avec les bourgognes », liste les lieux où les producteurs font déguster leurs vins au public : foires et salons, marchés et en Bourgogne, portes-ouvertes des domaines. Renseignements sur le site Rencontres avec les bourgognes.
• La Champagne baisse ses rendements pour contenir sa réserve

La semaine prochaine, tout le vignoble de Champagne sera en vendanges : elles ont commencé le 2 dans quelques crus de l’Aube, mais la majorité démarrent dans la semaine. Les gelées de printemps, entre début avril et début mai, ont touché 5.000 hectares dont un millier détruit à 100%, soit 3% de l’aire.
Mais ce ne sont pas les incidents météorologiques qui entraînent une baisse de la récolte.
Particularité du champagne : on fixe le rendement d’année en année, en fonction du volume de la réserve et des perspectives de commercialisation. Pour la récolte 2019, les vignerons et maisons de Champagne ont fixé un rendement commercialisable de 10.200 kg par hectare, en baisse d’environ 500 kg par rapport à la vendange 2018.
Les raisons ? Les professionnels estiment que la réserve constituée les années antérieures, pour compenser d’éventuelles récoltes déficitaires, est « proche du maximum autorisé grâce à une année 2018 exceptionnelle » : quatre ans de stocks, soit plus d'un milliard de bouteilles.
En outre, le vin de Champagne se vend moins bien, en France et en Grande Bretagne, ses deux principaux marchés : en France, en raison « d’un encadrement législatif accru des promotions en grande distribution » (moins de bas prix) et en Grande-Bretagne, à cause du Brexit. Cette baisse ne sera pas compensée par l’export. Le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC) estime que « le dynamisme de la plupart des pays tiers ne compensera sans doute pas entièrement la baisse des volumes sur le marché français. »
Ventes : 302 millions de bouteilles en 2018 (en recul de 1,8%par rapport à 2017) contre près de 320 millions en 2010.
48,7 % du champagne (en volume) vendu en France
En 2018, le chiffre d’affaires atteint un nouveau record à 4,9 milliards d’euros après celui de 2017 (+0,3%), en partie grâce à l’export (2,9 milliards d’€) Le Champagne brut non millésimé reste la cuvée la plus expédiée en 2018. Se développent depuis plusieurs années, le Champagne rosé avec un chiffre d’affaires, lui aussi record, de 355,5 millions d’€ (+3,6%).
Les vignerons indépendants ouvrent leurs portes le week-end des 14 et 15 septembre. La filière organise aussi une opération « vendangeurs d’un jour ». L’amateur choisit son domaine sur le site des Vignerons indépendants et s’inscrit sur celui de l’office de tourisme de Reims
• Le Beaujolais nettement moins généreux aussi

Dans le Beaujolais, les premiers coups de sécateurs ont été donnés lundi 9 septembre par 15 à 20.000 vendangeurs répartis sur près de 16.000 hectares de vignoble, entre Mâcon et Lyon. La grêle a durement sévi à la mi-août, en particulier dans région des Pierres Dorées où les pertes peuvent localement atteindre 50%.
Comme ailleurs, la récolte sera beaucoup moins importante, surtout à comparer avec 2018, qui figure, selon l’interprofession Inter Beaujolais qui vient d’élire un nouveau président, Dominique Piron, « dans les annales des millésimes d’anthologie, tout comme 2017, 2015 & 2009. »
Quant à la qualité, elle n’inquiète pas les viticulteurs, la météo clémente de début septembre étant favorable à la véraison.
Production annuelle moyenne : 800.000 hectolitres
40% des ventes se font à l’export
Progression de l’export de 18 % en volume et de 12 % en valeur, à la fin février 2019
Les trois plus gros marchés : les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni.
La 3ème édition du salon ambulant Vinexpo Explorer convie les 29 et 30 septembre les acheteurs vin du monde entier : quelques 70 importateurs, distributeurs, cavistes, acheteurs CHR, grande distribution, ou encore Duty Free des principaux marchés export, et pour la France, le e-commerce.
• Le Jura prévoit une demi-récolte sur certaines appellations

Plus petit vignoble des AOC de l’Est (2.000 hectares), le Jura est, selon les professionnels, en situation de vendre bien plus qu’il ne récolte. « Il y a un engouement sur les blancs, en particulier les vins de niche, savagnins et vins jaunes », affirme Fanny Delay, nouvelle directrice du Comité Interprofessionnel des Vins du Jura (CIVJ).
Pour ce faire, la profession a entamé un travail sur le foncier afin d’étendre l’aire d’appellation. Une cartographie des 105 villages d’appellation a été réalisée et le travail se poursuit sur le potentiel, village par village.
La vendange 2019 qui a démarré le 9 septembre, après les crémants le 2, et avant les savagnin(s), dernier à rentrer dans la danse fin septembre, ne sera pas aussi généreuse que celle l’année passée, qualifiée de « pléthorique ». Loin de là. Elle est estimée à 50.000 hectolitres, la moyenne sur 10 ans s’établissant à 76.000.
Les crémants qui avaient produit 36.000 hectolitres en 2018 devraient difficilement atteindre 10 à 12.000 hectolitres. Les poulsard principalement plantés dans la région d’Arbois ne devraient guère dépasser les rendements de 2017, vendange catastrophique, avec 43.000 hectolitres. Le gel du printemps puis la canicule qui a brûlé les raisins en sont les raisons..
Concernant la qualité, « tous les facteurs sont réunis », commente le CIVJ.
Récolte 2018 : 118 000 hectolitres
Ventes campagne 2017-2018
Export : plus de 17 % des ventes (+ 29% pour la campagne 2017-2018)
Vin vedette du vignoble du Jura (avec le vin de paille), le vin jaune a sa fête annuelle, la Percée du Vin Jaune, dont la 23ème édition aura lieu les 1er et 2 février 2020 à Ruffey-sur-Seille. S’y déroule une vente aux enchères, moins connue que celle des Hospices de Beaune. L’an dernier, 292 lots dont quelques millésimes très anciens, ont été vendus.
Le vin Jaune est élaboré à partir du cépage Savagnin sur 4 AOC : Arbois, Côtes du Jura, Château-Chalon et l’Etoile. Une fois la fermentation achevée, il est conservé 6 ans et 3 mois en fût de chêne. Lors de ce vieillissement, un voile de levures se forme à la surface du vin et le préserve du contact direct avec l’air. Il est mis en bouteille dans une bouteille unique : le clavelin, une contenance singulière de 62 cl, soit ce qu’il reste d’un litre de vin après plus de six ans en tonneau.