Les vacances d’été arrivées, l’actualité des entreprises ralentit. Pour rester connecté, la rédaction de Traces Ecrites News vous propose de revenir sur les faits les plus marquants de ces derniers mois. Aujourd'hui : Alélor, spécialisée dans la fabrication de moutarde et de raifort et dans la commercialisation de pickles, est moins dépendante de l’importation des graines de moutarde que la majorité de ses confrères. Elle fait face par conséquent à une forte demande.
ARTICLE DÉJÀ PUBLIÉ LE 22 JUIN 2022. Au rayon moutarde des supermarchés, c’est le grand vide, mais dans le Grand Est, il reste souvent quelques pots estampillés Alélor. Alors que les fabricants nationaux font face à une grave pénurie de graines de moutarde en raison de la sécheresse au Canada – fournisseur de 80% de la production mondiale –, qui a amputé de moitié la récolte en 2021, Alélor résiste.
L’usine de Mietesheim (Bas-Rhin) continue de tourner, grâce à un approvisionnement local. Depuis 2006, le moutardier a réintroduit une filière de culture de sénevé (la plante de moutarde) en Alsace. Aujourd’hui, 15 agriculteurs sur une surface de 75 hectares assurent les deux tiers de son approvisionnement.
Le président de l’entreprise, Alain Trautmann, aimerait aller plus loin afin de devenir autonome à 100%. Cinq agriculteurs supplémentaires lui permettraient d’atteindre cet objectif, estime t-il. Mais il reste prudent : « Si la récolte est mauvaise en raison de la météo, il faut pouvoir se fournir ailleurs. » Le fabricant est aussi conscient que cette culture est moins rémunératrice pour les agriculteurs que celles du maïs, du blé et du colza.
La culture de sénevé était pourtant répandue en Alsace au début du XXe siècle. « Dans les années 1900, il y avait une centaine de micro-moutarderies dans la région, surtout du côté de Geispolsheim et de Reichstett (en périphérie de Strasbourg, Ndlr)», raconte Alain Trautmann. Fabriquée à partir d’une espèce à graines blanches, elle donne une moutarde douce, contrairement aux graines brunes, cultivées majoritairement au Canada et dans les pays de l’Est qui donnent la moutarde forte comme celle de Dijon et sont impactées par le conflit ukrainien, dans la mesure où l’Ukraine et la Russie assurent 15% de la production mondiale.
Un investissement de 1 million d’€ pour agrandir l’usine

Grâce à sa stratégie d’approvisionnement local, la PME bas-rhinoise ne souffre pas de la pénurie actuelle de matières premières. Elle fait même face à un afflux de commandes, et doit gérer des problèmes d’organisation, de logistique et de capacité. Depuis début avril, la fabrication est passée d’un rythme de 1x8 à presque 2x8 (6h-18h du lundi au vendredi) et les équipes de production et de conditionnement (20 salariés au total) ont été renforcées de 8 postes, dont la moitié d’intérimaires.
L’usine produit à flux tendu et n’a pas le temps de regarnir son stock, malgré un doublement du volume de production, d’un millier de tonnes annuelles à 2.000 tonnes cette année. Le chiffre d’affaires de 4 millions d’€ en 2021 devrait augmenter à 5 millions cette année.
Pour faire face à la croissance, Alélor a investi 80.000 € dans une nouvelle machine de remplissage de tubes et prévoit l’acquisition d’une nouvelle conditionneuse de pots. Une extension de 800 à 1.000 m2 est à l’étude. Cet investissement d’un million d’€ pourrait être opérationnel en 2024-2025.
De plus, un nouveau magasin d’usine ouvrira en octobre prochain– en plus de celui de Mietesheim – dans la halle du marché-gare de Strasbourg. Il offrira 600 références de condiments et d'épices, ces dernières en partenariat avec l’entreprise voisine Colin.
Même dans ces points de vente directe, Alélor reconnaît qu’il a dû répercuter la hausse des matières premières sur ses produits. « Entre fin 2021 et fin juin, la graine de moutarde est passée de 1.000 à environ 4.000 € la tonne, soit 300% d'augmentation », indique le gérant. Les prix du verre et des capsules en métal ont aussi augmenté de 50%. Résultat : le pot de moutarde coûte 20 à 25 centimes plus cher. Sachant que les Français consomment environ un kilo de moutarde par an (3 pots), cela ne devrait pas trop grever leur pouvoir d’achat…

La mise à l’arrêt des géants du secteur profite à la petite PME familiale. Sollicitée par toutes les enseignes de la grande distribution, Alélor, contraction de Alsace et Lorraine, est restée fidèle aux enseignes situées dans les deux anciennes régions, qui lui achètent la moitié de sa production. Désormais, elle fournit les régions limitrophes comme le Territoire de Belfort. Alélor vient également de signer un contrat avec l’enseigne Cora qui possède 61 hypermarchés dans toute la France. Un réseau que la PME juge « abordable » en termes de volumes, contrairement aux enseignes des grands groupes comme Auchan, Intermarché, Leclerc, etc. « La stratégie est de placer la marque Alélor aux portes de Paris », annonce Alain Trautmann.