La poterie Hausswirth fait partie des douze entreprises bénéficiaires de l’Indication Géographique « poteries d’Alsace » validées par l’INPI en mars dernier. Ce samedi 14 mai, Pascal Faure, directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), remettra le diplôme d'indication géographique à Pierre Siegfried, président de l'association des Potiers d'Alsace, lors du salon des potiers sur le parvis de la Collectivité Européenne d'Alsace à Strasbourg.
Située au cœur du village de Soufflenheim, dans le Nord Alsace, la poterie Hausswirth est un dédale de pièces et d’ateliers sur plusieurs étages où les terrines, les plats, les moules à kougelhopf et autres pièces de vaisselle prennent forme au fil de plusieurs semaines. La première étape de la fabrication commence au sous-sol pour la réception et la préparation de la matière première : l’argile.
Deux à trois fois par an, Christian Hausswirth va chercher l’argile dans la forêt de Haguenau (Bas-Rhin). Depuis 1160, une charte de Frédéric Ier Barberousse aurait accordé aux potiers le droit d’extraire gratuitement et à perpétuité l’argile nécessaire à leur artisanat. Ce droit perdure, mais dans le village, ils ne sont plus que quatre potiers à utiliser cette argile brute, les autres préfèrant l’argile en poudre.
Car avant de pouvoir utiliser cette argile locale, il lui faut passer dans un tamis qui retient les restes de bois, de feuilles, cailloux, etc., puis dans un autre plus fin, et enfin dans une machine qui extrait l’air de cette matière. C’est seulement après toutes ces étapes que l’argile, préparé en rouleaux, est prêt à être travaillé.
Changement d’étage pour procéder au façonnage des pièces : soit par tournage pour les pièces rondes, soit par moulage. L’entreprise utilise des moules en plâtre qu’elle fabrique elle-même. « Il faut toute une matinée pour préparer le moule et la machine qui permet le pressage, donc chaque semaine, nous faisons une nouvelle série », explique Christian Hausswirth.
Après un temps de séchage, les pièces sont ébarbées, c’est-à-dire que les bords sont éliminés. Et deux jours après, elles sont engobées par trempage. L’engobe est un revêtement mince à base d'argile colorée qui donne la couleur de la pièce. Après cette coloration, les poteries sèchent entre 3 et 6 semaines.
Ce séchage lent leur offre une meilleure solidité. Vient ensuite l’étape de la décoration réalisée à la main, au pinceau ou la poire, puis de l’émaillage. La dernière étape est la cuisson à 1050°C pendant 12h. La poterie Hausswirth réalise une cuisson par jour car entre le préchauffage du four et le refroidissement, il faut compter 24h. Certaines pièces délicates sont cuites deux fois.
Une extension et des embauches en cours

Quand elles sont terminées, les pièces se retrouvent dans la boutique attenante à l’atelier ou dans l’un des 40 magasins de souvenirs avec qui travaille Christian Hausswirth, qui a repris l’affaire à la suite de son oncle en 2018. Répartis dans toute l’Alsace, dans les Vosges et jusqu’à Belfort, certains magasins passent des commandes toutes les deux semaines.
En 2021, l’entreprise qui emploie 9 salariés à temps plein a réalisé un chiffre d’affaires de 700.000 €, contre 500.000 en 2020. « Nos clients vendent de plus en plus, car ils ont moins de réclamations avec nos produits qu’avec d’autres. Mais du coup, on n’arrive pas à suivre ! » avoue le gérant.
Pour être en capacité de produire plus, un projet d’extension de l’atelier est en cours. Le permis de construire vient d’être déposé. Aux 350 m2 existants, la poterie de Soufflenheim va ajouter 250 m2. Un investissement d’environ 300.000 €. Le gérant souhaite également s’équiper d’un deuxième four pour remplacer à terme l’actuel vieillissant : un investissement de l’ordre de 73.000 €. L’extension de l’atelier s’accompagnera de l’embauche de deux ou trois salariés.
Depuis quelques mois déjà, la poterie souhaiterait recruter une nouvelle décoratrice, mais les profils recherchés sont rares. L’entreprise vend également aux restaurateurs, aux boulangers et aux particuliers en direct sur son stand du marché de Noël de Strasbourg, où elle est présente depuis 25 ans. Elle compte aussi quelques clients au Japon et un client restaurateur en Corée du Sud.
La poterie Hausswirth fait partie des douze entreprises bénéficiaires de l’indication géographique « Les poteries d'Alsace Soufflenheim/Betschdorf », homologuée par l’INPI le 11 mars dernier. Le cahier des charges de cette homologation stipule que l’intégralité des étapes de la production des produits doivent être réalisées sur l’aire géographique de l’Indication Géographique « poteries d’Alsace », qui couvre 97 communes dans le nord du département du Bas-Rhin.
Mais le process de fabrication n’est pas contraignant. L’étape du moulage des pièces par exemple, peut être réalisé par des procédés automatisés. « Certains industriels ont aussi l’indication géographique », déplore Christian Hausswirth. Pour autant, lui ne vend pas plus cher que ses concurrents non-artisans, il réalise juste moins de marge, explique t-il.


L’art de la poterie à Soufflenheim (Bas-Rhin) est présent dès l’âge de bronze. La matière première, l’argile, se trouvant dans la forêt environnante, sa présence a permis le développement de l’artisanat de la poterie. Le premier document mentionnant les potiers de Soufflenheim serait une charte de Frédéric Ier Barberousse datée des environs de 1160 ; elle aurait disparu pendant la guerre de Trente Ans. Cette charte aurait accordé aux potiers le droit d’extraire gratuitement et à perpétuité l’argile nécessaire à leur artisanat.
C’est à la fin du XVIIIe siècle que les potiers de Soufflenheim vont connaître un âge d’or. Cela s’explique notamment par le changement des pratiques culinaires (abandon de la cuisson directe dans la cheminée au profit de fourneaux). D’après un recensement réalisé en 1837, il y avait à Soufflenheim, 55 ateliers de poterie employant plus de 600 personnes.
Le XXe siècle marque un changement considérable. L’apparition de matériaux nouveaux tels que le plastique, l’aluminium, le verre moulé..., impose aux potiers d’adapter leur production et leur mode de distribution. Depuis, les potiers, de moins en moins nombreux, se doivent d’innover pour s’adapter aux nouveaux usages et aux nouvelles pratiques, tout en conservant la tradition et en pérennisant leur savoir-faire.
Source : Cahier des charges IG Poteries d’Alsace, INPI.