Le hangar gros porteur de Jet Aviation qui a réduit ses effectifs de près de la moitié depuis son implantation en 2008.
Le hangar gros porteurs de Jet Aviation qui a réduit ses effectifs de près de la moitié depuis son implantation en 2008.

DROIT DU TRAVAIL. Plébiscité par la plupart des entreprises suisses implantées sur l'Euroairport de Bâle-Mulhouse, l'accord qui vise à accorder à leurs salariés des garanties de protection équivalentes au droit français, a du mal à se mettre en place.

Un an après sa signature, les exemples concrets manquent : pour mettre en pratique, les entreprises attendent un mode d’emploi qu’élaborent de concert les administrations françaises et suisses.

Il n'a pas n'a pas empêché l'érosion des emplois, même si il n'y a pas forcément de cause à effet.

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Signé le 22 mars 2012 par Xavier Bertrand, alors ministre du Travail français et par son homologue suisse des Affaires étrangères Didier Burkhalter,  « l’accord de méthode » maintient l’application du droit du travail suisse au sein des entreprises helvétiques de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, bien que celui-ci se situe intégralement en territoire français.

Toutefois, il est conforme aux règles de temps de travail et de licenciement du droit français.

Le texte vise à donner un fondement juridique à cet usage qui reposait essentiellement sur la coutume, sans figurer explicitement dans la convention de 1949 qui régit le fonctionnement de l’Euroairport. Cette situation de fait a été remise en cause par un arrêt de 2010 de la Cour de cassation dans une affaire de licenciement de salariés français d’une entreprise helvétique, où la haute juridiction a ordonné l’application du droit français, plus protecteur.

L’accord de méthode vise à accorder aux salariés sous contrat de travail suisse des garanties de protection équivalentes au droit français.

Sur les 70 entreprises suisses de l’Euroairport, environ 50 lui ont déjà marqué leur adhésion en le contresignant, dont les plus importantes en taille, soulignent la direction de l’aéroport et les  chambres de commerce et d’industrie (CCI) des deux cantons de Bâle.

 « L’accord clarifie la situation juridique à un niveau qui nous satisfait, même s’il n’apporte pas une sécurité à 100 % », commente Martin Dätwyler, directeur adjoint de la CCI bâloise, porte-parole des entreprises.

Invitées à le décliner par des accords internes, les entreprises ne sont pas encore passées à la pratique : elle suppose la remise d’un document-guide des administrations françaises et suisses du Travail. Il est attendu « dans quelques semaines », annonce Martin Dätwyler.

Ce mode d’emploi  comportera par exemple un modèle d’avenant au contrat de travail et la procédure de médiation en cas de licenciement que l’accord souhaite privilégier comme mode de règlement à l’amiable des conflits

Les opposants à l’accord pointent une incertitude juridique persistante et une régression sociale.

« Ce court et vague texte de six articles n’a pas une valeur juridique qui lui garantisse de s’imposer en cas de litige aux prud’hommes », estime Sabine Gies, secrétaire générale de la CFDT Alsace.

« C’est un accord sans contrepartie des employeurs, qui prend pour argent comptant des affirmations gratuites comme le haut niveau de protection sociale des salariés en Suisse – ça, il faudra me le prouver  », poursuit Sabine Gies qui voit aussi une porte ouverte à un abus d’heures supplémentaires avec la référence implicite aux 48 heures hebdomadaires de l’Union européenne sans en encadrer la durée.

« On ne sait plus aujourd’hui quelle procédure de licenciement s’applique à un frontalier de l’Euroairport », affirme Jean-Luc Johanneck, président du Comité de défense des travailleurs frontaliers du Haut-Rhin.

Des activités de maintenance en difficulté

L’accord introduit des notions inédites et pour tout dire un peu mystérieuses juridiquement comme  « l'inclusion dans les salaires de l’équivalent d’une provision au titre de l’indemnisation obligatoire du licenciement ». D’autres paragraphes sont tout à l’avenant, ce qui fait conclure aux contempteurs de l’accord qu’il va rogner le pouvoir d’achat des frontaliers sous prétexte de salaires élevés.

Les entreprises suisses avaient menacé de se délocaliser faute d’accord : simple coup de bluff selon Jean-Luc Johanneck, vraie menace à terme selon Martin Dätwyler.

Or depuis la signature, leurs effectifs ont diminué de 500 personnes, pour passer de 5 200 à 4 700, sur un total de salariés de 5 800 à l’Euroairport. « L’objectif de maintien de l’emploi n’est clairement pas atteint », conclut M. Johanneck.

La nouvelle halle de fret sortira de terre fin 2014.
La nouvelle halle de fret sortira de terre fin 2014.

Le président de l’Euroairport affirme que la baisse d’effectifs est sans rapport avec l’accord, mais liée à la crise du secteur de la maintenance aéronautique.

« La coïncidence de temps est malheureuse, mais le monde économique a ses réalités  qu’on ne peut nier. Sur le long terme, l’accord a redonné la confiance aux employeurs suisses d’investir sur l’Euroairport » estime répond  Jean-Pierre Lavielle, son président.

Ces derniers temps, la maintenance aéronautique a connu de sérieuses réductions d’effectifs, en particulier avec la fermeture de Lufthansa Technik et un plan social chez Jet Aviation.

De la confiance retrouvée, Jean-Pierre Lavielle et Martin Dätwyler veulent pour preuve la construction d’une nouvelle halle de fret. Les entreprises candidates avaient fait de l’accord une condition de leur implantation dans ce nouveau bâtiment. Il sortira de terre en fin d’année prochaine et doit créer 200 emplois à court terme.

 Crédit photos : Euroairport

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