CONNECTIQUE/MARNE. La fusée Ariane 5 et l’Airbus A350, le Rafale et Eurocopter, les sondes en orbite autour de Mars et le robot Discovery qui explore la planète rouge : le palmarès d’Axon’ Cable est impressionnant.

Mais l’aérospatiale n’est que la partie émergée de l’iceberg pour cette entreprise installée à Montmirail, dans la Marne.

Ses solutions de câblage et d’interconnectique pour l’électronique de pointe équipent également plus de la moitié des airbags d’automobiles en Europe, ou bien encore le cœur artificiel Carmat et l’accélérateur de particules qui a permis la découverte du boson de Higgs.

 

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Axon’ Cable fabrique des câbles plats ou ronds, standards ou haut de gamme, des cordons, des harnais, des connecteurs… ©Axon'Cable.

 

Connaissant le pedigree d’Axon’ Cable, sa très haute technicité et son aura internationale, c’est toujours un étonnement de découvrir son siège social planté en bordure de champ, à portée d’éoliennes, dans un bourg rural d’à peine 4 000 habitants situé à l’écart des grandes agglomérations.

 

« Le groupe suédois à l’origine de l’entreprise voulait être à la campagne, non loin de Paris », explique Sandrine Hermant, responsable des proejts et du marketing de cette entreprise installée à Montmirail, dans la Marne.

 

Fondée en 1965, la société n’est alors qu’un fabricant de câbles parmi d’autres. Le premier tournant intervient en 1980 avec la prise de contrôle de Volvo et la nomination d’un directeur France, Joseph Puzo. Le nom et la personnalité de celui-ci vont dès lors être indissociables de l’extraordinaire essor de l’entreprise.

 

Cinq ans après son arrivée, l’actuel P-DG rachète la société par le biais d’un rachat d'entreprise par ses salariés (RES) et la rebaptise Axon’ Cable (le mot “axone” désigne une fibre nerveuse et a été choisi par analogie avec un câble très fin).

 

Aujourd’hui, Axon’ a étendu son empire sur Terre, possédant des usines un peu partout dans le monde. D’une centaine de personnes au moment du rachat, l’effectif atteint désormais 1 800 salariés. Le chiffre d’affaires est grimpé à 117 millions d’€, dont 70 % réalisés à l’export ou dans les filiales implantées à l’étranger.

 

« Nous sommes devenus une multinationale de poche, comme on dit en Italie », s’amuse Joseph Puzo, lui-même originaire de ce pays. Une politique de délocalisation totalement assumée par le dirigeant : « Nous n’avons jamais autant embauché en France que depuis que nous ouvrons des filiales. Lorsque nous créons 100 emplois low cost hors des frontières, nous créons en parallèle 25 emplois qualifiés à Montmirail. Et puis c’est un plaisir de grossir : l’ambiance est bien meilleure lorsque la croissance est au rendez-vous. »

 

10 % pour la recherche et développement 

 

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Les produits deviennent de plus en plus sophistiqués et de plus en plus complexes pour s’adapter à des environnements sans cesse plus exigeants. ©Frédéric Marais/Agence Info.

 

La recherche et développement (R&D) du groupe,  qui représente 10 % du chiffre d’affaires, reste en effet basée au siège, de même que le contrôle qualité et la fabrication des premières séries, tandis que les usines implantées en Europe (Lettonie, Hongrie, Ecosse), en Asie (Inde, Chine), aux Etats-Unis et au Mexique, produisent essentiellement pour leurs marchés intérieurs. 

 

« Cette proximité rassure nos clients », souligne le P-DG, citant par exemple Airbus, Valeo ou Schneider. Le site de Montmirail détient un exemplaire de chacune des machines utilisées à l’étranger pour faciliter la mise en route de la production.

 

Axon’ a ouvert également un bureau commercial et/ou un bureau d’études en Chine, à Hong-Kong, au Japon, au Brésil, aux USA, au Canada, en Allemagne, en Espagne et en Grande-Bretagne. En France, outre Montmirail, où travaillent 700 personnes, la société possède des usines à Quimper (150 salariés) et à Ivry-sur-Seine (50 salariés).


Cette croissance exponentielle suit depuis l’origine la même ligne directrice : l’innovation. « Dans les années 1980, à l’époque du plan “téléphone” de Giscard d’Estaing, il y avait 1 000 PME qui faisaient du câble en France. Le seul moyen d’échapper à la concurrence était de proposer des produits plus complexes », explique Joseph Puzo.

 

Cette montée en gamme se fait d’abord en s’inspirant de ce qui se fait de mieux chez les autres. « Mais aujourd’hui on n’a plus de concurrents à copier, sourit le P-DG. Il faut inventer. » Au fil des ans, Axon’ se lance dans le cordon (câble plus connecteur) puis dans l’interconnectique et enfin la mécatronique.

  

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Axon’ a conçu la liaison entre le système électronique et le télescope du robot Curiosity.

Ariane 5, le déclencheur

 

Les produits deviennent de plus en plus sophistiqués et de plus en plus complexes pour s’adapter à des environnements sans cesse plus exigeants.

 

L’entreprise marnaise, passée du statut de PME à celle d’ETI (entreprise de taille intermédiaire), obtient son bâton de maréchal ou en tout cas une reconnaissance médiatique en 2012 grâce au rover Curiosity, le laboratoire roulant envoyé sur Mars par la Nasa. 

 

Axon’ a conçu la liaison entre le système électronique et le télescope du robot Curiosity. Celle-ci se compose d’un câble plat long de 25 cm terminé à chaque extrémité par un couple de connecteurs. On est bien sûr dans de la technologie de pointe.

 

Mais c’est Ariane 5, le lanceur de l’Agence spatiale européenne, qui a servi de tremplin à l’entreprise. « On nous a donné 100 % de la commande, alors même que notre harnais de transmission de données n’était pas encore totalement au point », se souvient le P-DG. 

 
L’aérospatiale représente à ce jour 30 % du chiffre d’affaires de la société, l’automobile 25 %, le médical 10 %, les centres de recherche (CEA, Cern, Iter…), 10 % également, les 25 % restants recouvrant divers autres secteurs : la défense, l’aéronautique, la recherche pétrolière, l’industrie, l’électronique grand public…

 

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Axon’ continue à explorer de nouvelles pistes, comme la domomédecine (médecine à distance couplant la domotique aux TIC). Après la télémédecine du travail, matérialisée par un cabinet installé au siège pour les salariés de l’entreprise et ceux de ses voisins, la société s’est attelée à un projet de détection de la mort subite, un problème qui ne touche pas seulement les nourrissons.

 

« Il s’agit de réaliser des centaines de milliers d’électrocardiogrammes afin de trouver l’algorithme qui permettra de dépister les sujets à risque », explique Joseph Puzo, toujours enthousiaste à l’idée de faire avancer la science. Des milliers de collégiens marnais ont et vont servir de “cobayes” à cette expérience. « La Bourgogne Franche-Comté sont aussi intéressées par notre projet », souligne le dirigeant.

 

Un fab lab pour les salariés

 

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Le groupe emploie 1 800 personnes en tout, dont la moitié en France et la moitié à l’étranger. ©FAxon'Cable.

 

« Ce qui me passionne en ce moment, c’est l’usine du futur, l’industrie 4.0, celle de la quatrième révolution industrielle - après la vapeur, l’électricité et le transistor -, celle des robots et du numérique », révèle le P-DG. 


Convaincu de l’avenir de la fabrication additive, ce dernier a commencé à équiper ses différents sites en imprimantes 3D. Il a même ouvert un Fab Lab Café où les salariés peuvent venir fabriquer librement leurs objets personnels. Une façon de les habituer en douceur à ce nouvel outil de travail.


Cette culture de l’innovation passe aussi par l’organisation, deux fois par an, d’un grand séminaire au château de Montmirail, propriété de l’entreprise. Le premier plutôt centré sur la R&D et les bureaux d’études, le second plutôt axé sur le lancement et la commercialisation des nouveaux produits. « Cela permet de construire une stratégie dans le consensus », observe le patron marnais.

 

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Joseph Puzo croit beaucoup aux vertus de la pédagogie. Il accueille tous les ans pendant une semaine une classe de 3e (et même deux l’an prochain), histoire peut-être de susciter quelques vocations. Car comme toutes les entreprises situées loin des grands centres urbains et handicapées par leur isolement, Axon’ peine à recruter malgré sa prestigieuse carte de visite et ses alléchantes perspectives de carrière aux quatre coins du globe.


Aussi, le P-DG a-t-il pris le parti de n’embaucher que des débutants, afin de les former à sa manière, avant qu’ils n’aient été formatés par leurs précédents employeurs.

 

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©Frédéric Marais/Agence Info.

 

Son vivier : les IUT et les écoles d’ingénieurs dont les élèves viennent ici faire un stage de six mois. Tous ces jeunes gens sont hébergés dans une quarantaine de chambres appartenant à la société. « C’est une façon de sélectionner les candidats. Ceux qui restent sont très liés à l’entreprise. »

  

Axon’ incite aussi ses recrues, après un an passé au bureau d’études de la maison mère, à partir deux ans en VIE (Volontariat international en entreprise) dans l’une des filiales du groupe. « C’est ainsi que l’on forme des ingénieurs débrouillards », observe avec malice Joseph Puzo.

 

La méthode est payante, puisqu’un tiers des intéressés demeure sur place et qu’un autre tiers revient en France dans l’entreprise, la “perte” se limitant donc à un tiers des effectifs.

 

Un vrai investissement dans l’humain pour une entreprise également très portée sur le mécénat. Plusieurs œuvres d’art ornent d’ailleurs les ateliers et les bureaux de Montmirail, comme ont pu le constater les 1 600 curieux (4 000 sur l’ensemble des sites à travers le monde !) qui se sont précipités aux portes ouvertes organisées en septembre 2015 pour fêter les 50 ans de l’entreprise.

 

Une réussite de plus à mettre à l’actif d’Axon’ Cable et de son emblématique patron, Joseph Puzo.

 

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©Frédéric Marais/Agence Info.

 Qui est Joseph Puzo ?

Sous ses airs de papy gâteau, Joseph Puzo est un grand capitaine d’industrie doublé d’un homme absolument charmant. Il est né il y a 68 ans en Italie. 

 

Arrivé en France à l’âge de 6 ans, plus précisément à Mirecourt dans les Vosges, il est ingénieur en électronique et possède un MBA en gestion des entreprises. Après avoir travaillé chez IBM puis chez Omega en Suisse, où il crée un nouveau système d’affichage pour gares et aéroports, il rejoint la câblerie de Montmirail en 1980 en qualité de directeur. 

 

Joseph Puzo rachète l’entreprise en 1985 avec l’équipe d’encadrement et la rebaptise Axon’ Cable. Sa famille et lui possèdent aujourd’hui 90 % du capital.

 

Appelée à lui succéder, sa fille aînée, Christelle Olivié, occupe le poste de directeur général depuis 2007. Membre de l’Académie des technologies, Joseph Puzo a présidé le pôle de compétitivité Materalia entre 2011 et 2014.

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