CHIMIE/DOUBS. Grand prix 2016 du ministère de l’Ecologie, la start-up qui a mis au point un lubrifiant non huileux suscite déjà l’intérêt des grands groupes faisant appel au découpage et à l’emboutissage.
La chimie propre d’AFULudine supprime la phase « tunnel de dégraissage » et toutes les étapes de nettoyage.
Ses fondateurs envisagent déjà une seconde levée de fonds et se penchent sérieusement sur la question de locaux adaptés à l’activité.

En attendant des locaux propres, AFULudine est hébergée par le laboratoire de chimie de l’Université de Franche-Comté, avenue de l’Observatoire, à Besançon. L’équipe de trois salariés occupe un petit bureau au 1er étage et, pour la production, une partie du laboratoire au rez-de-chaussée.
« Nous louons un petit carré où nous avons installé un pilote neuf qui nous a permis de tester notre lubrifiant, que nous pouvons produire à l’échelle industrielle depuis 2016 », explique Fabrice Lallemand, l’ancien directeur du département chimie de l’Université de Franche-Comté (UFC) et cofondateur d’AFULudine, une petite entreprise très prometteuse née en septembre 2016.
L’appareil de synthèse, fait de tuyaux, de tubes et de ballons, permet de fabriquer les poudres qui, mélangées à de l’eau et de l’alcool, deviendront le lubrifiant non huileux et révolutionnaire baptisé « AFU ».
C’est ce produit inédit qui avait justifié la création de la start-up, laquelle a levé 400.000 € il y a quelques semaines auprès d’Invest PME (Siparex) pour accélérer son développement.
L’innovation réside dans la molécule mise au point par Fabrice Lallemand, spécialiste des traitements de surface, Jean-Marie Melot, organicien et Xavier Croizard, tribologue (mécanique des frottements). Les deux premiers sont issus du laboratoire Utinam (institut de recherche de l’UFC réunissant astrophysiciens, physiciens et chimistes), le troisième de l’institut Femto-ST.
Les trois hommes travaillaient sur le sujet depuis 2008 et le lubrifiant - une solution de traitement de surface - est le fruit du croisement de leurs compétences.
« Par un jeu de hasard, nous avions découvert le potentiel de ce type de produit qui n’est pas une huile mais une solution à base d’eau et d’alcool, avec des molécules qui se fixent sur la surface », explique Fabrice Lallemand. « Puis nous avons travaillé sur une phase de composés qui respecte l’environnement, avec un objectif de zéro pictogramme dangereux. »
Parvenus à leurs fins, les trois associés ont déposé un brevet en 2014 en France, puis un brevet mondial en 2015. Le projet a été labellisé par l’Ademe et soutenu par Bpifrance.
Supprimer les grincements du tram de Besançon

Le brevet est co-détenu par l’Université de Franche-Comté et Aperam, la filiale d’ArcelorMittal rencontrée un peu par hasard et devenue partenaire industriel. Les deux propriétaires en ont confié la licence exclusive aux trois scientifiques à l’origine du brevet.
Le premier marché visé, énorme, est celui des découpeurs-emboutisseurs qui rêvent de supprimer le gras et toutes les étapes de nettoyage qu’il nécessite.
Déjà, le produit est utilisé pour la découpe de pièces de connecteurs de téléphonie mobile, d’extincteurs, de moules à madeleines, de pièces automobile, de matériel de pharmacie ou d’emboutissage de casseroles, etc.
« Notre produit remplace le lubrifiant, au même endroit, à la même étape », ajoute Fabrice Lallemand. Il a aussi servi à supprimer les grincements du tram de Besançon (le procédé est en cours d’autorisation pour être élargi) et a été testé pour des ciseaux de coiffeur…
« Nous étudierons un produit grand public plus tard, quand nous aurons plus de moyens. Avec 35.000 tonnes en France et 2,2 millions de tonnes dans le monde de lubrifiant utilisés chaque année pour la mise en forme des matériaux, notre marché est déjà important. »
AFULudine n’est pas encore rentable mais pourrait le devenir vite. Le chiffre d’affaires visé est d’un million d’€ en 2019, avec une équipe de 10 personnes. Des locaux propres deviennent indispensables, ne serait-ce que pour pouvoir embaucher.
L’idée retenue est celle d’une location sur la zone Innovyn, à proximité du site Solvay de Dole-Tavaux (Jura), classée Seveso (risque chimique). « Le classement Seveso n’est pas indispensable puisque notre produit est propre mais je me l’impose en tant que dirigeant d’une entreprise de chimie. Nous pourrions voir transiter 50.000 à 100.000 litres de produit par an, il nous faudra un lieu sécurisé. »
Prochaines étapes pour la start-up : choisir les pays pour le brevet mondial et préparer une seconde levée de fonds. Car déjà, sans aucune prospection commerciale, de grands groupes se montrent intéressés par le produit.
Qui est Fabrice Lallemand ?

Il a obtenu son doctorat en physique-chimie en 2003 à l’Université de Franche-Comté. Après une année passée en Belgique, Fabrice Lallemand était revenu à Besançon comme maître de conférence. Entre 2004 et 2006, il a assuré la vice-présidence de l’Université de Franche-Comté.
Devenu professeur des universités en 2010, il fait le choix de rester à Besançon pour poursuivre ses travaux sur le traitement de surface, l’un des secteurs d’activité majeurs dans le Doubs, en raison de la forte présence de l’industrie automobile. L’autre bassin de ce savoir-faire étant à Toulouse avec l’aérospatial.
Directeur du département chimie de l’université, il aurait pu choisir de revendre le brevet du lubrifiant mais son âme d’entrepreneur l’a poussé à créer AFULudine avec les deux autres scientifiques impliqués dans les recherches. « C’est un peu notre enfant et on a voulu aller jusqu’au bout », dit-il.
Photos fournies par l'entreprise.
Bonjour à tous, À la question précédente du 11 avril 2017 " pourquoi une telle solution n'a pas vu le jour avant " Les bases des lubrifiants industriels sauf erreur de ma part sont issues de la pétrochimie ... La main mise dans ce domaine, comme dans la motricité automobile explique sans doute cela !! Vive la recherche qui sort des sentiers de chasse gardée !!!!
Bonjour, Bravo à ce chercheur entrepreneur et ses collègues. Une solution écologique et économique vu la suppression des traitements de dégraissage, des équipements correspondants et des coûts d'élimination des déchets. Mais une question: pourquoi une telle solution n'a pas vu le jour avant? Certes la part de hasard est mentionnée. Mais la raison profonde est que la plupart des fabricants sont dans une démarche d'amélioration des produits et pas d'innovation. Ce sont des fabricants et ils fabriquent, certainement très bien, mais… quid de l'innovation. Ce raisonnement s'applique bien sûr à toutes les activités industrielles et explique la lenteur des évolutions, alors qu'il existe des solutions nouvelles, mais qui bousculent l'ordre établi. Je me demande à quelle vitesse (dans la mesure où les performances du produit sont avérées) il y aura substitution des produits. Un bon sujet de suivi pour les journalistes de Traces écrites, dont j'apprécie beaucoup le travail. Bonne journée
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