Basée à Fèves (Moselle), la PME de fabrication de composants de haute précision pour l’aérospatial et la défense AML Microtechnique Lorraine lance, pour ses cinquante ans, une technologie inédite. Le traitement de surface adapté à l’impression métallique 3D qu'elle a mis au point est confié à sa toute jeune filiale AML Innovation.


Le spécialiste de l’aérospatial et de la défense AML Microtechnique Lorraine ajuste sa trajectoire industrielle. En ce mois de septembre, à l’occasion de ses cinquante printemps, l’entreprise familiale basée à Fèves (Moselle), au nord de Metz, lance commercialement sa filiale AML Innovation qui, espère-t-elle, la propulsera jusqu’au centenaire, voire au-delà. Cette start-up est dédiée aux besoins du marché émergent de l’impression métallique 3D.

Elle suscite un investissement de 2,7 millions d’€ soutenu par France Relance. Son innovation développée en partenariat avec l’Université de Lorraine a pu passer en phase industrielle avec l’appui des fonds régionaux Groupe ILP et Ader Investissement, de plusieurs fonds privés et de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne.

 

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Tout est parti de la difficulté d’établir des plans de rentabilité à trois ou cinq ans en raison de la crise du Covid-19, puis de l’explosion des coûts énergétiques. Régis Limbach, président d’AML Microtechnique Lorraine a souhaité revenir alors aux fondamentaux. « Quels sont les atouts de notre entreprise pour résister aux aléas conjoncturels sur le long terme ? », s’est interrogé le dirigeant de la société de 70 personnes (chiffre d’affaires de 9 millions d’€ en 2021).

Sa réponse tient en deux mots : capacité d’innovation. Cette aptitude a déjà permis par le passé à AML de se bâtir une solide réputation dans l’usinage de haute précision et l’assemblage d'éléments mécaniques en aluminium, des composants dits « hyperfréquences » destinés aux communications spatiales ou terrestres ou à la détection et au brouillage des ultra-hautes-fréquences. Dans les ateliers, le visiteur peut d’ailleurs croiser des parties de l’avion de combat Eurofighter Typhoon : pièce de structure du radar, calculateur de moteur, etc. 

La nouvelle brique rajoutée au savoir-faire de l’entreprise par AML Innovation tient dans une technologie de rupture destinée au revêtement des pièces métalliques imprimées en 3D. Baptisée LiCS Coating (Liquid Chemical Suspension Coating), elle a été mise au point en 2018 en partenariat avec l’École européenne d’ingénieurs en génie des matériaux (EEIGM) de Nancy, rattachée à l'Université de Lorraine.

 

Quand la poudre se substitue aux bains chimiques

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Jean-Yves Milojevic, directeur d’AML Innovation, présente la nouvelle unité de traitement de surface et d’assemblage sous vide. © Philippe Bohlinger


L’unité mise en service à Fèves combine le traitement de surface interne et externe et l’assemblage sous vide par brasage. « Le marché de la fabrication additive métallique est le plus dynamique au monde ! Dans quelques années, il devrait peser une cinquantaine de milliards d'€ de chiffre d’affaires. AML a choisi de se positionner sur le traitement de surface des pièces usinées et imprimées en 3D. Notre technologie apporte une réponse aux axes actuels d’amélioration de la fabrication additive, à savoir la rugosité, les aspects dimensionnels, les particules détachables ou encore l’hétérogénéité des matières », expose Jean-Yves Milojevic, directeur d’AML Innovation.

La start-up met par ailleurs en avant le caractère éco-responsable de son procédé basé sur la technologie de poudre permettant de déposer la quantité de métal juste nécessaire, et non sur une succession de bains chimiques. Une réponse adaptée à la réglementation européenne Reach qui interdit les combinaisons chimiques toxiques dans les traitements de surface, explique-t-elle.

 

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Ce transfert de technologie a pu être accéléré grâce à une commande passée à Thalès par le ministère des Armées. Le géant français de l’aérospatial, de la défense et de la sécurité a qualifié AML Innovation en mai dernier en vue de fabriquer une première gamme sur trois ans. « Les problématiques d’environnement étaient énormes. La pièce concernée en titane devait supporter plus de 300°C, mais pour véhiculer des ondes hyperfréquences à ces températures, le métal devait être conducteur. Nous avons résolu cette équation en appliquant un revêtement de surface en argent », résume le directeur.

La technologie LiCS Coating pourrait également être utilisée dans la conception de micro-lanceurs réutilisables pour les fusées, un projet soutenu par l’État français. AML imagine encore d’autres développements dans des applications à fortes contraintes comme la santé, le nucléaire ou encore l’hydrogène.

 

ADN familial

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De gauche à droite, Alfred Limbach, Estelle Rossel et Régis Limbach. © Philippe Bohlinger

Le virage pris en 2022 par AML Microtechnique Lorraine avec la création de sa filiale AML Innovation n’est pas sans rappeler celui qui a été engagé dans les années 1980 par Alfred Limbach, fondateur de l’entreprise. Le dirigeant qui a depuis transmis les rênes à son fils Régis et sa fille Estelle Rossel, responsable administrative et financière, n’oubliera jamais sa rencontre avec de hauts responsables de l’avionneur Dassault. Elle a abouti à réorienter l’activité de la société de la sidérurgie déclinante vers le secteur plus pointu de l’aéronautique. La PME a su convaincre des donneurs d’ordre comme Thalès, Liebherr ou encore Rolls Royce. Par la suite, la création d’une filiale au Maroc (40 personnes) lui a permis de gérer les problématiques de hausse des cours de l’euro par rapport au dollar. Le site livre les pièces primaires à l’usine de Fèves où elles sont brasées puis assemblées. 

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