FERROVIAIRE. Au son du fier hymne du Kazakhstan, la locomotive KZ8A a effectué ses premiers mètres publics ce mardi 2 octobre 2012 dans l’enceinte Alstom Transport à Belfort (Territoire de Belfort).
Le site avait organisé de façon très cérémonieuse la présentation, à son client les chemins de fer kazakhs (KTZ), du premier exemplaire qui quitte Belfort, ce vendredi, pour rejoindre le Kazakhstan.
Le jeu en vaut la chandelle : ce monstre haut de plusieurs mètres et de 200 tonnes procure au site belfortain une vitrine technologique et la clé d’entrée dans l’un des marchés ferroviaires les plus prometteurs au monde.
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Ce premier exemplaire part ce vendredi 5 octobre de Belfort pour rejoindre le Kazakhstan, successivement par la route jusqu’à Strasbourg, par le Rhin jusqu’à Anvers (Belgique), par la mer jusqu’à Saint-Petersbourg (Russie), puis par rail.
Alstom Belfort en construira 9 autres dans ses ateliers, ainsi que 15 modèles en kit. Puis, 175 modèles seront produits dans l’usine située à Astana, la nouvelle capitale de ce pays de 16 millions d’habitants bâtie en pleine steppe.
Ce site, qui emploiera à terme 650 salariés, sera inauguré en décembre prochain. Il a nécessité un investissement de 49 millions d’€, dont 36 millions d’immobilier pour édifier 31 000 m2 couverts et 13 millions d’équipements industriels.
Le contrat kazakh d’1,3 milliard d’€, signé en mars 2011 par une joint-venture entre Alstom, le russe TMH et Kazakhstan Temlir Zholi (KTZ), les chemins de fer kazahks, inclut aussi 95 locomotives pour le trafic passagers, dont les dix premières seront réalisées à Belfort en 2014.
Il va occuper 120 des 600 salariés de Belfort, ainsi qu’une centaine d’employés d’autres sites dont Ornans (Doubs) qui fabrique les moteurs et Le Creusot (Saône-et-Loire) chargé des bogies.
Conçue en 19 mois, ce qui constitue indéniablement une performance exceptionnelle, la locomotive de fret KZ8A répond à la triple contrainte d’un transport de gros poids, sur une très longue distance en milliers de kilomètres (1400 à 2000 km) et dans des conditions climatiques continentales extrêmes. Car la température varie localement de moins 50° à plus 40° durant l’année et elle connaît aussi de fortes oscillations dans une même journée.
«C’est un défi qui nous a obligés à bien écouter le client, à bien comprendre le marché, sans chercher à plaquer un modèle pré-établi, d’autant plus qu’il a fallu décrocher la certification Gost russe qui a ses spécificités», souligne Jean-Marc Guillemin, directeur du projet à Belfort.
Pour citer quelques caractéristiques, la KZ8A est équipée d’un système de préchauffage alimenté par le caténaire pour démarrer à très basse température. Ses entrées d’air ont été placées sur le toit et non sur les côtés pour que la neige ne pénètre pas dans le compartiment machine.
Les joints ont été minutieusement sélectionnés afin de ne pas laisser passer la moindre bribe d’air, la matière plastique a été préférée à l’acier dans la mesure du possible et l’isolation atteint un niveau inégalé.
L’aménagement intérieur présente aussi un niveau de confort qui permet au conducteur de passer au mieux les nombreuses heures dans sa cabine.
Dans ce pays riche en ressources naturelles où transport de marchandises rime avec chemin de fer (il capte 90 % du trafic), il faut savoir véhiculer du lourd : les charges vont jusqu’à 9 000 tonnes.
Les dimensions et la puissance (8 800 kilowatts) ont donc été conçues pour cette exigence. La locomotive pourra circuler aisément jusqu’à près de 90 à 100 km/h quand elle sera lestée de ce poids.
Quant au Kazakhstan, à défaut d’offrir un modèle de démocratie, il constitue un Eldorado de l’équipement ferroviaire : il prévoit de construire 1 600 kilomètres de voies et d’en moderniser 2 700 autres.
«L’Asie Centrale est la région à la plus forte croissance dans le monde dans nos métiers, chaque Etat cherche à se positionner comme le pivot de la connexion ferrée entre Europe et Asie», souligne Bernard Gonnet, directeur pour Alstom Transports de la région CEI (Russie et les anciennes républiques soviétiques).
Le marché ferroviaire kazakh est estimé à 1,546 milliard d’€ pour la période 2012-2014 et 2,093 milliards pour 2015-2017, selon l’Unife, la fédération internationale du secteur.
«Nous sommes présents dans ses trois composantes principales : le matériel roulant, les infrastructures et la maintenance», ajoute Bernard Gonnet. Autant dire qu’Alstom n’entend pas en rester au contrat en cours.
Sa nouvelle usine d’Astana peut produire 100 à 120 «sections» par an, soit l’équivalent de 50 à 60 méga-locomotives KZ8A.
Chez Alstom, un train en cache toujours un autre
Le constructeur ferroviaire comtois, qui emploie 600 salariés sur Belfort et investit cette année 12 millions d’€, bénéficie d’un plan de charge jusqu’à début 2014.
Cette prouesse industrielle et commerciale, qui serait de nature à réjouir tout ministre du Redressement Productif, s’explique par les nombreux autres contrats ferroviaires engrangés.
Alstom Transport va ainsi assembler 55 rames du futur TGV Euroduplex, non sans avoir auparavant conçu et fabriqué les 110 motrices pour les tracter.
24 motrices Duplex du futur TGV marocain sortiront aussi progressivement des chaînes de production belfortaine. Ce contrat s’élève à 400 millions d’€.
Imaginé aussi par ses différents bureaux d’études, la nouvelle génération de locomotives Prima II, destinée principalement au fret, mais pouvant aussi être utilisée pour des trains de voyageurs, atteint aujourd’hui son stade final de validation et d’homologation.
Enfin, Alstom Transport Belfort développe toute la chaîne de traction d’une locomotive de fret et d’une locomotive passagers russe, en collaboration avec son partenaire local TMH.
Crédit photo : Alstom Transport et Traces Ecrites.