1ère phase de process : les biodéchets arrivent dans une benne où ils basculent avant leur hygiénisation.
1ère phase de process : les biodéchets arrivent dans une benne où ils basculent avant leur hygiénisation.

RECYCLAGE. La bio méthanisation d’Alsace tient ses objectifs. Agrivalor, la société constituée à Ribeauvillé (Haut-Rhin) par trois agriculteurs pour développer ce procédé encore rare en France, respecte au bout de dix-huit mois son rythme de 30 000 tonnes traitées annuellement.

L'épisode du miel bleu de l'automne dernier (*) a incité les entrepreneurs à mieux protéger les déchets dans l'attente de leur traitement pour la fabrication du compost et du biogaz transformé en électricité et chaleur pour la communauté alentour.

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Noël Adam, Philippe Meinrad et René Van der Meijden, deux céréaliers et un éleveur, se sont lancés dans l’aventure avec deux objectifs : trouver des volumes complémentaires de compostage pour l’épandage de terres sans engrais chimique, et changer un peu l’image de l’agriculture, un point auquel ces trentenaires et quadras sont très sensibles.

Ils ont pris un sacré risque : leur investissement s’élève à 5,5 millions d’€, plus 2 millions d’€ d’aides.

Pour l’heure, l’audace paie.

Le plan de marche est respecté et les effectifs sont même passés à 8 au lieu d’une prévision initiale de 2 ou 3, pour un chiffre d’affaires d’1,8 million d’€.

L’installation de Ribeauvillé (Haut-Rhin) visait trois sources principales d’approvisionnement.

Selon Philippe Meinrad, « elles sont globalement au rendez-vous » : les déchets de l’agriculture et de la viticulture (marcs de raisins), les déchets alimentaires de grandes surfaces (les fruits et légumes avariés, les produits qui ont dépassé leur date limite de consommation…) et enfin, les biodéchets.

Ceux-ci proviennent de la restauration collective, mais il y a aussi le gisement  collecté chez l’habitant à l’instar des papiers-cartons ou des plastiques, un service que plusieurs collectivités pionnières du Haut-Rhin ont mis en place.

Agrivalor va aussi chercher de la matière en direct auprès d’industries agro-alimentaires.

« L’axe à encore développer est celui des grandes surfaces qui tarde davantage à décoller », estime Philippe Meinrad.

Dans cette spécialité, Agrivalor rencontre un compétiteur redoutable avec Sita, le géant du traitement des déchets, qui a implanté une installation dédiée à Strasbourg.

Philippe Meinrad, co-dirigeant d’Agrivalor, explique le process devant le poste informatique de surveillance.
Philippe Meinrad, co-dirigeant d’Agrivalor, explique le process devant le poste informatique de surveillance.

24 000 m3 d'épandage

Sur le plan technique, Agrivalor est encore en phase d’apprentissage, estiment ses dirigeants. « On s’aperçoit que c’est un métier à part qui ne se confond pas avec la méthanisation classique », constate Philippe Meinrad.

Cette humilité est renforcée par l’épisode du miel bleu qui a valu à l’installation une médiatisation non souhaitée : du miel a pris cette coloration pour le moins atypique dont on s’est aperçu, en remontant la filière, qu’elle résultait de résidus de confiserie de cette couleur que les abeilles venaient butiner.

L’orage passé, Philippe Meinrad prend l’épisode comme « un enseignement à tirer » sur le contrôle du process.

L’entreprise a investi dans un hall de stockage couvert, permettant de faire patienter les arrivages pendant deux ou trois jours ce qui laisse le temps de les vérifier… et devrait les maintenir hermétiques aux abeilles.

Le process en plusieurs étapes comprend des phases de broyage, et surtout une hygiénisation qui consiste à porter le contenu à 70 degrés pendant une heure pour éliminer les agents pathogènes, puis la digestion dans deux immenses cuves de 4 000 m3 qui donnent à l’installation un air de petite raffinerie.

Au final, Agrivalor est dimensionné pour épandre 24 000 m3 sur 550 hectares de terres.

Le biogaz produit est transformé en électricité et chaleur, source appréciable de revenus. La première à hauteur de 11 400 mégawattsheure par an, ce qui alimente 3 400 foyers grâce au raccordement au réseau.

« Avec des primes, nous parvenons à un prix de revente de 15 centimes le kilowattheure, ce qui reste inférieur aux 18-19 centimes en Allemagne », souligne Philippe Meinrad.

La puissance thermique d’1,3 mégawatts, quant à elle, sert dans un espace plus restreint, pour  chauffer le Casino Barrière, la ferme voisine, ainsi que trois maisons.

Les cuves de stockage des déchets, toujours avant l’hygiénisation.
Les cuves de stockage des déchets, toujours avant l’hygiénisation.

Agrivalor injectera-t-il un jour directement du  gaz directement dans le réseau ? L’hypothèse n’est pas exclue, car des technologies se mettent en place sur le sujet.

(*) L'incident du miel bleu, pour mémoire : vidéo francetvinfo.fr en cliquant ici.

Photos : Christian Robischon.  

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