Afyren Neoxy a inauguré ce 29 septembre son usine de fabrication d’acides organiques à partir de résidus de l’industrie sucrière, sur la plateforme de Carling-Saint-Avold (Moselle). La bioraffinerie qui emploie 70 salariés et a représenté un investissement de 80 millions d'euros livrera ses premiers lots à la fin de cette année. Ces substituts aux dérivés de la pétrochimie incarnent la transition de long terme de la plateforme chimique lorraine, malgré la relance de sa centrale au charbon en ce moment.


L’arôme des chips au vinaigre viendra bientôt d'une molécule naturelle, et non plus de dérivés du pétrole. Si l’anecdote peut prêter à sourire, elle témoigne d’une révolution industrielle beaucoup plus sérieuse, celle à laquelle contribue Afyren Neoxy. Cette société a inauguré, ce 29 septembre à Carling-Saint-Avold (Moselle), l’usine de bioraffinerie à laquelle elle a consacré un investissement de 80 millions d’€.

Elle va commercialiser, d’ici à la fin de l’année, les premiers lots de sept acides organiques biosourcés. Ces produits se substitueront à leurs homologues issus de la pétrochimie, dans la cosmétique, les alimentations humaine et animale, les lubrifiants moteurs ou encore la pharmaceutique. Parmi eux, l’acide acétique est utilisé notamment en agroalimentaire pour obtenir le fameux goût vinaigre !

« Notre technologie présente l’avantage d'être propre, car elle repose sur la fermentation de résidus de l’industrie sucrière (mélasse et pulpe de betteraves) en présence de micro-organismes non modifiés génétiquement. Le jus ainsi obtenu est distillé en vue d’obtenir nos sept acides organiques », détaille Nicolas Sordet, directeur général d’Afyren. Vertueuse, l’usine de 70 salariés veut l'être également par son circuit d’eau en boucle fermée et la valorisation de ses résidus riches en potassium, un engrais utilisable dans l’agriculture biologique. 

 

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Les quatre cuves de fermentation de 6.000 mètres cubes chacune et les hautes colonnes de distillation sont sorties de terre en l’espace de trois ans sur la plateforme de Carling-Saint-Avold. Un temps record, encore plus dans le contexte de crise sanitaire. Ses tuyauteries en inox flambantes neuves incarnent le renouveau du site de 600 hectares né dans les années 1950 avec la carbochimie et converti dans les années 1970 à la pétrochimie.

La « pousse » a été favorisée par l’investissement du fonds SPI (Sociétés de projets industriels) de la banque publique d’investissement Bpifrance, actionnaire minoritaire d’Afyren Neoxy aux côtés du clermontois Afyren, majoritaire. « Notre fonds a été créé en 2014 pour porter des projets d’industrialisation à fort potentiel de croissance contribuant à la transition écologique et énergétique », rappelle Éric Lecomte, directeur adjoint de SPI. Les industriels de la plateforme réunis sous la bannière de l’association Chemesis ont eux aussi créé un terreau favorable à la venue d’Afyren, tout comme les collectivités territoriales. 

 

Une implantation non loin des betteraves

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De gauche à droite, Jean Saint-Donat, président d’Afyren Neoxy, Nicolas Sordet, cofondateur d’Afyren
et Éric Lecomte, directeur adjoint du fonds SPI, lors de l'inauguration ce 29 septembre. © Philippe Bohlinger


« Nous sommes compétitifs, car notre procédé est capable de produire sept acides organiques différents, alors que nous concurrents ont besoin d’une usine à chaque fois pour en synthétiser un »
, précise Jérémy Pessiot, directeur de l’innovation d’Afyren. Par ailleurs, les produits d’Afyren Neoxy laisseraient une empreinte carbone cinq fois moindre par rapport aux pétro-sourcés.

L'entreprise d'innovation clermontoise (elle tire son chiffre d'affaires 2021 de 3,04 millions d'€ de licences et autres contrats avec sa filiale Neoxy et a enregistré une perte nette de 3,6 millions d'€ l'an dernier mais peut se reposer sur une trésorerie nette de 56 millions d'€ à fin juin 2022)  a implanté son usine à l'intersection d'importantes zones de production betteravière (Alsace, Aube, Picardie et Bade-Wurtemberg, énumère-t-elle) et au cœur d’un vaste bassin de consommation transfrontalier de ses produits, constitué de la France, de l'Allemagne, de la Suisse et du Bénélux.

Soucieuse de limiter les transports de ses substances, elle prévoit de mettre en service ses deux prochaines usines au cœur de deux autres marchés majeurs, l’Amérique du Nord et l’Asie. Si l’entreprise cotée en Bourse ne donne pas davantage de précision sur les pays d’implantation, elle table sur une capacité de 28.000 tonnes par an pour son prochain site attendu en 2024. 

 

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Carling-Saint-Avold, quant à elle, affiche une capacité annuelle de 16.000 tonnes. Le site devrait générer un chiffre d’affaires de 35 millions d’€ en rythme de croisière. Un premier pas, mais très porteur d'avenir, face aux enjeux de transition climatique. 

 

Relance de la centrale au charbon 

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À proximité de la nouvelle usine incarnant l'avenir de la chimie verte, le parc à charbon de la centrale thermique
de Carling-Saint-Avold se remplit à nouveau. © Philippe Bohlinger
À quelques centaines de mètres de la bioraffinerie Afyren Neoxy, la centrale thermique au charbon de Saint-Avold prépare son redémarrage début octobre 2022. La plateforme de stockage se couvre petit à petit de minerai noir en provenance de Colombie, d’Afrique du Sud et des Etats-Unis. La fermeture définitive de l'installation de 600 mégawatts exploitée par GazelEnergie, filiale de l'énergéticien EPH propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, avait été planifiée au 31 mars 2022. Elle a été repoussée à 2023 à la demande du gouvernement afin de sécuriser les approvisionnements en électricité cet hiver en France. Ainsi, 70 anciens salariés de GazelEnergie et plus d’une centaine de sous-traitants ont retrouvé, depuis un mois, le chemin de la centrale au charbon, la dernière en activité en France avec celle de Cordemais (Loire-Atlantique). L’énergéticien n’en prépare pas moins l’avenir puisqu’il attend l'arrivée sur place d’une autre start-up de la chimie verte, Circa, et que lui-même planche sur des projets de centrale biomasse et de production d’hydrogène vert.

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