Les bateaux-mouches de Strasbourg sont restés au port pendant plus de deux mois, crise sanitaire oblige. La perte d’activité est importante, et la reprise reste lente. Mais Batorama maintient un plan d’investissement ambitieux de renouvellement de sa flotte pour passer à zéro émission de carbone d’ici à 2026.


Ils figurent parmi les activités incontournables à Strasbourg. Les bateaux-mouches de Batorama occupent la première place des lieux de visite payants dans le Grand Est et sont parmi les 40 premiers en France. Mais comme tous les sites touristiques, ils ont payé un lourd tribut à la crise sanitaire. L’activité a subi un arrêt complet pendant deux mois et demi, et l’entreprise a enregistré et remboursé environ 100.000 annulations de billets jusqu’en octobre.

Les bateaux naviguent à nouveau depuis le 29 mai et les clients sont accueillis suivant un protocole sanitaire strict : port du masque obligatoire, en occupant un siège sur deux. Les bateaux sont nettoyés entre chaque tour et désinfectés chaque soir par des générateurs d’ozone qui permettent d’atteindre les canalisations de la climatisation. Mais la reprise est lente. « Aujourd’hui, nous sommes à 10% de notre activité par rapport à l’an passé », affirme Reynald Schaich, le directeur adjoint de Batorama.
L’entreprise emploie 38 salariés et réalise 9 millions d’€ de chiffre d’affaires. « Avec le niveau de réservations que nous avions, nous aurions pu atteindre les 10 millions cette année. Au lieu de cela, nous estimons que la perte de chiffre d’affaires s’élèvera entre 60 et 70% », poursuit-il.



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Malgré la crise, l’entreprise poursuit ses investissements. Elle a validé en 2016 un programme de renouvellement de sa flotte pour la faire passer au tout électrique. Un plan d’investissement de 25 millions d’€ doit s’étaler jusqu’en 2026 pour six bateaux électriques.
Avec la crise, le plan de financement global n’est pas encore bouclé. Mais le cahier des charges du prototype est presque finalisé. La PME strasbourgeoise a lancé un appel d’offre pour trouver le chantier naval qui pourrait lui livrer dans 15 mois.

 

Un prototype qui sera testé jusqu’en 2023

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Isabelle Burget, la directrice générale de Batorama et Reynald Schaich, directeur adjoint. © Julie Giorgi

Outre le moteur électrique, ce nouveau bateau pourra passer facilement du mode couvert à découvert, et sera équipé de tablettes numériques (au dos de chaque siège) pour donner des informations complémentaires sur la visite des bâtiments de Strasbourg aux passagers. « Nous allons utiliser ce prototype pendant 12 mois pour voir s’il correspond bien à toutes nos attentes, et ensuite, nous lancerons la production des six autres bateaux », annonce Isabelle Burget, la directrice générale de Batorama. 




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Aujourd’hui, l’entreprise possède une flotte de 9 bateaux, 5 couverts, 4 découverts, dont un déjà à propulsion électrique et les autres fonctionnant au GTL (gaz tout liquide), un carburant plus propre que le diesel, qui émet moins de particules fines. « Nous avions poussé jusqu’au bout toutes les améliorations que nous pouvions apporter sur nos bateaux. Il y a trois ans, nous étions déjà la première flotte de bateaux-mouches en France à passer au GTL. Maintenant nous devons aller plus loin en passant à l’électrique », précise Reynald Schaich.
L’évolution de la législation a également joué sur la décision. La municipalité de Strasbourg a fait le choix de devenir une zone à faible émission d’ici à 2025, et Jeanne Barseghian, la nouvelle maire écologiste de la ville a indiqué qu’elle respecterait ce calendrier.

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La visite de Strasbourg en bateau-mouche sur la rivière Ill, une activité quasi incontournable pour les touristes. © Cécile Barret.


Toutefois, Batorama modulera le rythme des investissements en fonction de sa santé financière. Tout va se jouer dans les prochaines semaines. Les mois de juillet et août sont habituellement les mois les plus chargés en termes d’activité (plus de 200.000 passagers sur ces deux mois). « On voit une évolution. Le dernier dimanche de juin, nous étions complet (avec une jauge à moitié). Mais est-ce que les Européens vont voyager cet été ? On ne sait pas. Et pour le moment, les groupes ne sont pas revenus. Nous avons une clientèle individuelle qui fonctionne par achats spontanés », observe le directeur adjoint.

Aussi, l’entreprise doit se réinventer. Elle a repensé son offre pour attirer davantage une clientèle locale et un public plus jeune. Avec le Port Autonome de Strasbourg, Batorama a lancé les visites commentées du port, qui ont rencontré un vif succès auprès des Strasbourgeois. En septembre, l’entreprise proposera des brunchs le dimanche matin sur le bateau dédié à l’événementiel, ainsi que des ambiances musicales à l’heure de l’apéritif.

L’événement organisé à l’occasion de la fête de la musique, où un bateau a été transformé en scène itinérante a marqué les esprits, surtout auprès de la nouvelle génération. « Avec l’avènement du slow tourisme, cette cible de clientèle va revenir. Le tourisme fluvial va connaître un nouvel engouement », assure Reynald Schaich, qui reste optimiste.

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Strasbourg en Mer : les visites commentées du port ont rencontré un vif succès auprès des Strasbourgeois. © Jérôme Dorkel

 

Le tourisme fluvial progresse toujours


La navigation touristique a redémarré le 29 mai en Alsace, fait savoir Voies Navigables de France (VNF) qui chiffre le poids économique du tourisme fluvial dans le Grand Est à 91 millions d’€ hors taxes. La reprise va cependant au rythme des bateaux dans le bassin rhénan où a été enregistré en 2019, 38.000 passages d’écluses.

Sur les canaux à petit gabarit, Rhône au Rhin (Nancy-Strasbourg) avec l’échelle des douze écluses de Valdieu, et le canal de la Sarre qui traverse le pays des Etangs,  les plaisanciers sont de plus en plus nombreux et sur celui de la Marne au Rhin, handicapé la saison dernière par la fermeture du plan incliné de Saint-Louis-Arzviller, un regain d’activité est attendu en raison de l’attractivité de cet ascenseur à bateaux.

Sur l’Ill canalisée à Strasbourg, les promenades en vedette enregistrent un succès croissant depuis 4 ans. Sur le Rhin, les paquebots fluviaux ( 3.000 en 2019) ont transporté 405.000 passagers.

« Dans les circonstances actuelles, le tourisme fluvial en famille ou entre amis apparaît comme un mode de vacances adapté », commente VNF qui doit cependant faire face à une incertitude, la venue ou non d’une clientèle étrangère.

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