La start-up nancéienne a publié le 24 avril les premiers résultats de ses recherches sur l’optimisation de la « recette » de l’hydroxychloroquine, un remède espéré contre le Covid-19. Les travaux de Rondol Industrie pourraient s’avérer d’une grande utilité si l’étude clinique européenne en cours valide l’intérêt thérapeutique de ce médicament utilisé habituellement contre le paludisme. La biotech s’appuie sur sa technologie d’extrusion, un procédé bien connu dans la plasturgie, ici miniaturisé.


Rondol Industrie entend être prête au moment où l’étude clinique européenne Discovery (*) rendra ses conclusions sur l’efficacité potentielles de trois molécules dans le traitement du coronavirus. C’est maintenant une affaire de jours.
La start-up de 5 salariés installée à Nancy (Meurthe-et-Moselle), cherche depuis deux semaines à optimiser la formulation thérapeutique de l’une d’entre elles, l’hydroxychloroquine, un dérivé de la fameuse chloroquine, connue pour soigner le paludisme. La société biopharmaceutique a publié les premiers résultats de ses travaux le 24 avril. Rondol assure les mettre gracieusement à la disposition des groupes pharmaceutiques, universités et start-up intéressées.

 

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L’efficacité d’un médicament dépend notamment du bon dosage entre la molécule active et son excipient, une substance qui l’aide à atteindre sa cible, insiste-t-on chez Rondol. « Nous proposons une hydroxychloroquine optimisée pour le traitement du coronavirus et non pour le traitement du paludisme comme c’est le cas des formulations actuelles », livre Victoire de Margerie, présidente et cofondatrice de Rondol.
« Si un mélange manque de précision, la dose de molécule active doit être augmentée afin d’assurer une efficacité minimale du médicament. Il en résulte mécaniquement un coût de traitement plus élevé et une augmentation des risques d’effets secondaires. Notre technologie permet de doser très finement les proportions de la formule et de tester différents excipients. »
La Région Grand Est assure une prise en charge partielle des coûts du projet.
Au Royaume-Uni, la Queens University de Belfast et la School of Pharma de Birmingham ont aidé à mettre au point un protocole d’essai. Enfin, BASF Pharma et Sanofi Active Ingrédient Solutions (groupe Sanofi) ont offert respectivement les excipients et le sulfate d’hydroxychloroquine.

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Rondol Industrie a mobilisé près de 4 millions d’€ depuis 2012 pour concrétiser son projet de micro-extrudeuse verticale pour la pharmaceutique. © Philippe Bohlinger

D’une usine de Leipzig à un labo de Nancy


Rondol s’appuie sur sa technologie d’extrusion, un procédé bien connu dans la plasturgie, mais miniaturisé dans le cas présent pour répondre aux besoins de l’industrie pharmaceutique. La micro-extrudeuse à double vis mise au point par la société biopharmaceutique permet de réaliser des petites séries de comprimés à partir d’ingrédients dont le coût peut avoisiner de 1.000 à 5.000 € le gramme.
Un de ses avantages réside dans son positionnement vertical. L’emprise au sol réduite à 50 cm2 constitue un atout indéniable au regard du coût d’aménagement des salles blanches pharmaceutiques, des espaces dans lesquels la concentration en particules en suspension est très contrôlée.
Deux vis sans fin assurent le mélange des composants ainsi que leur fusion en jouant sur un savant équilibre entre zone de chauffe et zone de refroidissement, afin d’éviter la dégradation de la substance active.

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C’est une succession de hasards qui a conduit Victoire de Margerie à créer Rondol Industrie, une société d’abord installée à Strasbourg, puis à Nancy, à l’Institut Jean Lamour, un laboratoire de recherche CNRS-Université de Lorraine sur les matériaux.  Victoire de Margerie était familière du procédé d’extrusion pour avoir notamment piloté, au lendemain de la chute du mur, la construction à Leipzig d’une usine d’extrusion pour le compte du groupe Arkema.
Vingt ans, plus tard, alors qu’elle a réorienté sa carrière vers l’enseignement, à l’école de management de Grenoble, elle accompagne une proche dans le traitement d’un cancer : « J’étais étonnée par la violence des traitements par chimiothérapie. J’ai interrogé le médecin : Pourquoi imposer une dose aussi forte toutes les trois semaines, et pas une dose plus réduite quotidiennement ? Il m’a répondu que techniquement, c'était impossible. » Elle découvre à cette époque la technologie de micro-extrusion et se lance dans son adaptation à la pharmaceutique.
Rondol Industrie voit le jour en 2012 en vue de généraliser la chimiothérapie par voie orale grâce à la réalisation de petites séries de médicaments. Depuis, sa présidente et fondatrice a mobilisé près de 4 millions d’€ pour voir aboutir son projet. Le soutien d’un business angel de Boston (Etats-Unis), William Darling, entré il y a deux ans dans le capital de Rondol Industrie à la faveur d’une levée de fonds de 800.000 €, a été essentiel. Brevetée en 2019, la micro-extrudeuse verticale à double vis est désormais en cours de commercialisation.

Qui est Victoire de Margerie ?

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© Eurazeo
Victoire de Margerie est administratrice de plusieurs sociétés parmi lesquelles le chimiste français Arkema, le britannique Babcock et la société d’investissement hexagonale Eurazeo.
Sœur de l’ancien PDG de Total, Christophe de Margerie, elle est également vice-présidente du Forum mondial des matériaux qu’elle a cofondé en 2015 à Nancy avec André Rossinot, président du Grand Nancy et Philippe Varin, ancien patron du groupe PSA récemment nommé à la présidence de Suez. L’édition 2020 du Forum mondial des matériaux qui devait se dérouler en juin a été reportée en raison de la pandémie aux 26 et 27 août.

(*) L’étude clinique européenne Discovery, coordonnée par l’Inserm dans le cadre du consortium REACTing, porte sur au moins 800 patients français (3.200 en Europe) atteints de formes sévères du Covid-19. Cinq modalités de traitement sont attribués aléatoirement aux participants de manière à constituer autant de groupes équivalents en nombre de patients, qu’ils soient admis en réanimation ou dans un autre service hospitalier. L’analyse de l’efficacité et de la sécurité du traitement sera évaluée 15 jours après l’inclusion de chaque patient. Les traitements expérimentaux apparaissant comme inefficaces pourront être abandonnés rapidement et remplacés par d’autres molécules qui émergeront de la recherche. L’étude a démarré le 24 mars 2020.

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