Avec son outil d’intelligence artificielle utilisant des caméras, Yumain vise le marché de l’industrie pour l’optimisation des lignes de production, la maintenance ou la sécurité des employés. Sa particularité : il se base sur la méthode de l’auto-apprentissage des algorithmes moins consommateurs d’images et d’énergie.
Le dijonnais Yumain, spécialisé dans l’intelligence artificielle (IA), a levé en juin dernier, 1,2 million d’€ essentiellement auprès d’investisseurs institutionnels, notamment BFC Croissance & Innovation, filiale de la Banque Populaire Bourgogne-Franche-Comté et BDR Innovation et Transmission, filiale de la Caisse d’Epargne de Bourgogne-Franche-Comté. « Cet apport nous permettra de renforcer notre équipe commerciale », note Marc Benoit, directeur général. D’ici deux ans, l’entreprise compte lever 5 nouveaux millions d’euros pour poursuivre son développement.
Elle ne peine guère à convaincre les investisseurs, même si elle préfère sagement s’ouvrir à des institutionnels, et pas nécessairement à des capitaux-risqueurs privés, qui exigent des rentabilités plus fortes, et surtout plus rapides. Outre son expertise unique en matière d’IA, Yumain s’appuie sur trois brevets internationaux, qu’elle détient en intégralité ou pour moitié, notamment un brevet de détection des pantographes abîmés, qu’elle partage avec la SNCF.
Si l’intelligence artificielle reste pour nombre d’entre-nous un concept flou, mystérieux et vaguement inquiétant, elle constitue le pain quotidien des 14 salariés de la SAS. La société créée en 2011 sous le nom de GlobalSensing Technologies (GST) est devenue Yumain en juillet 2019, à l’occasion de l’entrée au capital de Marc Benoit, son actuel directeur général. Dès l’origine, elle se spécialise dans l’intelligence artificielle, appliquée à l’analyse d’images et la prise de décision.
Son métier est de développer des algorithmes et des réseaux de neurones capables de lire et analyser des images enregistrées par une caméra, et, selon l’analyse faite, de prendre des décisions. Par exemple, détecter qui porte un casque sur un chantier, et qui n’en porte pas. Et dans ce dernier cas, alerter qui de droit du problème de sécurité, l’employé par une alarme sonore, et/ou l’encadrement par une alerte.
Méthode de l'auto-apprentisage

Sur son segment très spécialisé, Yumain dispose d’avantages concurrentiels notables. L’entreprise a développé une approche spécifique de l’intelligence artificielle, capable dans son cas d’auto-apprendre. « L’intelligence artificielle se base fréquemment sur l’apprentissage profond (Deep Learning ), c’est-à-dire qu’elle se nourrit d’immenses bases de données d’images qui viennent lui enseigner ce qu’elle doit reconnaître », précise Marc Benoit.
Ainsi, c’est en faisant voir des dizaines de milliers de photos de chats qu’un réseau de neurones sera capable, à l’avenir, de reconnaître spontanément d’autres photos de cet animal. La méthode s’avère nécessairement coûteuse : il faut acheter, ou constituer et labelliser de grandes bibliothèques d’images.
La méthode d’auto-apprentissage est plus sobre. « Il suffit de nourrir notre réseau de neurones d’une petite centaine d’images, pour lui permettre d’auto-apprendre à mieux reconnaître ce que l’on veut lui faire reconnaître », décrit le directeur général. Mieux, les traitements des données s’effectuent localement, et pas via des serveurs distants auxquels la caméra enverrait ses images. Là aussi, il s’agit d’un gros avantage, en terme de coût, et de possibilités de déploiement.

Développée en collaboration avec l’Institut d'électronique de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN) de Lille, la future caméra « bio-inspirée » de Yumain pourrait s’avérer très « disruptive » et impliquer de nouveaux usages de l’IA. Imaginez : une caméra intégrant de l’intelligence artificielle et capable de fonctionner en autonomie pendant plusieurs années, sur une simple pile au lithium.
La caméra utilise un réseau de neurones à « spike » (impulsions), qui n’a pas besoin d’analyser toute une image pour la lire, mais peut se contenter de 5 % des informations visuelles habituelles. « Avec ces 5% d’informations, le réseau de neurones ressort de traits saillants qui lui permettent de lire l’image et de la comprendre de manière autonome, en auto-apprentissage non supervisé », note Cédric Renaud, responsable d'affaires chez Yumain. L’avantage de faire moins travailler l’IA, c’est essentiellement de la faire moins consommer d’électricité, d’où les gains d’autonomie attendus.
Pour valoriser au mieux ses avancées technologiques, Yumain a choisi de changer totalement son approche du marché. Lors de sa création, l’entreprise s’est d’abord distinguée par son expertise et sa capacité de conseils. Elle a travaillé, pour différents partenaires - Constellium, SNCF, DGA, Suez… -, sur des problèmes spécifiques auxquels elle cherchait réponse par le biais de l’intelligence artificielle. « Il s’agissait de missions d’études, qui ne débouchaient pas nécessairement sur des contrats pérennes, car nous n’avions pas la capacité de fournir nos propres solutions matérielles, mais juste notre expertise », estime Marc Benoit.
Durant cette période, c’est le carnet d’adresses des deux co-fondateurs qui fournit la clientèle : le chercheur à l’Université de Bourgogne Michel Paindavoine, spécialiste reconnu du traitement de l'image, ouvre les portes des universités et des centres de recherche, Xavier Bruneau, actuel CEO, est quant à lui bien implanté dans l’industrie de la défense.
Pour aller plus loin, et fournir des solutions utilisables clés en main, Yumain change de business model en 2019. « Nous avons décidé de développer et commercialiser notre propre hardware, et nous avons conçu notre capteur ECS (Edge Computing Sensor) en à peine douze mois, ce qui est exceptionnel », se félicite Marc Benoit. Pendant cette transition, le chiffre d’affaires dégringole, passant de 650.000 € en 2018, à 180.000 € en 2019. Il reprend des couleurs en 2020, où Yumain devrait réaliser autour de 770.000 €, avec, pour objectif, un doublement de l'activité en 2021.
Un projet d'implantation, de développement en Côte-d'Or ? Cliquez sur le logo