PATRIMOINE/CHAMPAGNE-ARDENNE. Restauratrice de monuments anciens mais aussi bâtisseuse, cette coopérative ouvrière implantée dans l'Aube, occupe le créneau du haut de gamme.
Société Nouvelle Le Bâtiment Régional (SNBR) a notamment développé sa propre technique de reconstitution des sculptures abîmées au moyen d’un robot de taille et de l’informatique.
Spécialisée dans la pierre massive, la PME d'une cinquantaine de personnes travaille surtout pour l’Etat et les collectivités locales. Mais la clientèle privée fait aussi appel à ses services, en France comme à l’étranger.

“Faire rimer tradition et innovation” : c’est l’un des poncifs les plus éculés d’une presse en mal de clichés. Pourtant, l’expression devient incontournable et prend tout son sens lorsque le cas se présente réellement. Ainsi de Société Nouvelle Le Bâtiment Régional (SNBR), qui a su conjuguer la facture classique de son art avec la modernité de son outil de travail.
« Nous avons quatre métiers, aime à dire son P-DG, Philippe Baubrit : la maçonnerie, la sculpture, la taille de pierre et la robotique. »
La robotique, parce que l’entreprise s’est dotée d’un robot de taille, dit aussi “robot sculpteur”, qui non seulement lui fait gagner un temps précieux (« Il est au moins vingt fois plus rapide que la main de l’homme »), mais autorise certaines prouesses techniques.
Couplé à un scanner 3D et à un logiciel spécialement développé pour reconstituer les parties manquantes d’une œuvre, le robot est en effet capable d’usiner entièrement une statue à partir d’une pièce originale numérisée.
La touche finale étant toujours apportée par un homme de l’art pour une meilleure finition.
Doubler le chiffre d'affaires tous les ans en Russie

Cette technique a servi notamment à façonner dans la pierre deux monumentales statues de 4 mètres de haut, fabriquées à l’origine en tuf et fortement dégradées. Destinées à orner l’entrée de la prestigieuse Ecole des mines à Saint-Pétersbourg, en Russie, elles seront inaugurées le 1er avril 2016.
La Russie est l’un des pays où le PME de Sainte-Savine (Aube) a la volonté d’exporter un savoir-faire qui a fait ses preuves dans l’Hexagone. « Les architectes ont la même culture classique qu’en France, et la french touch est très appréciée », souligne Philippe Baubrit.
Son entreprise nourrit de grandes ambitions dans cet Etat : « Nous voulons y doubler notre chiffre d’affaires tous les ans. Nous visons le million d’€ en 2016. » SNBR s’est déjà exportée dans d’autres régions du monde, comme au Qatar, où elle a réalisé un dôme en pierre massive, ou en Israël, signant les parements de Notre-Dame de Nazareth.
Des maisons de champagne aux plus inattendus HLM

Le territoire français, et plus particulièrement la région parisienne, reste toutefois la zone de prédilection de cette PME d’une cinquantaine de personnes. Elle est intervenue par exemple sur les chantiers de restauration du château de Versailles et de celui de Fontainebleau, des remparts de Provins et de la cathédrale de Saint-Denis.
D’autres monuments historiques tels que la cathédrale de Reims ou la basilique de Vézelay ont également bénéficié de son expertise.
Le champ d’action de SNBR s’étend aussi à la construction neuve, de style contemporain. La maison de champagne Moët & Chandon lui doit son nouveau centre de pressurage en pierre massive à Gyé-sur-Seine, dans l’Aube. Toujours dans le même matériau, mais de manière plus surprenante, l’entreprise a livré une HLM composée de trois petits collectifs d’un étage, à Verdun en Meuse.
Un siège social hors du commun, en pierre massive

SNBR rêve par ailleurs de se lancer dans la construction de maisons individuelles en pierre massive. Elle avait acheté un terrain pour y édifier une sorte de pavillon témoin, mais le projet a été différé à cause de la conjoncture économique.
Ce qui est en revanche bel et bien sorti de terre, c’est le nouveau siège social de l’entreprise. Inauguré cette année. Il tire la quintessence du savoir-faire maison, puisqu’il a été construit… en pierre massive par ses propres ouvriers.
Paré de bois, l’édifice est surtout remarquable pour ses quatre grands arcs de vingt mètres de portée qui constituent l’armature du bâtiment.
Pour l’ensemble de ses états de service, SNBR bénéficie depuis 2010 du label “Entreprise du Patrimoine Vivant”.

Qui est Philippe Baubrit ou, “La Fermeté de Nantes” ?
Société Nouvelle Le Bâtiment Régional a vu le jour en 1995 après la liquidation judiciaire du Bâtiment Régional, dont Philippe Baubrit était le directeur technique. C’est aussi l’un des fondateurs de SNBR, dont il est le P-DG depuis 1996, étant réélu sans coup férir tous les trois ans depuis cette date.
SNBR a en effet un statut coopératif, et 28 de ses 50 salariés en sont actionnaires.
Agé de 57 ans, Philippe Baubrit est compagnon en maçonnerie et taille de pierre. “La Fermeté de Nantes” - c’est son nom compagnonnique - a connu 24 entreprises au cours de sa carrière. SNBR étant bien sûr la dernière d’entre elles à ce jour.