VIN/BOURGOGNE. Au lendemain de la 155ième vente des Hospices de Beaune qui a généré un chiffre d'affaires record de près de 11,4 millions d'€, le constat est là : la Bourgogne manque de vin et il est de plus en plus cher, au point de perdre des parts de marché, notamment à l’export en Europe.

La plantation de vignes avec ou sans identification géographique pour produire des vins de pays ou des vins de France fait son chemin parmi les professionnels pour retrouver de la ressource, voire de la créativité.

 

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Vigne plantée en IGP Coteaux de l'Auxois de la maison Simonnet-Febvre. ©Serge Chapuis pour Simonnet-Febvre.

 

Que les tenants de l’orthodoxie se rassurent. Les près de 30 000 hectares de vignoble bourguignon plantés en 100 appellations d’origine contrôlée (AOC) pourront cohabiter sans heurt avec deux autres catégories : les vins de cépage, à identification géographique protégée (IGP), et les vins de France, sans identification géographique (IG).

 

Ce sera même une nécessité tant la Bourgogne manque de vin depuis des années, en raison d’une succession d’aléas climatiques, de maladies tenaces et de problèmes de rendements.

 

« Tous ces facteurs font que les cours s’envolent et que nous perdons des parts de marché, surtout à l’étranger », souligne Pierre Gernelle, directeur de l’Union des Maisons de Vins de Bourgogne qui fédère les principaux négociants.

 

Pour maintenir son activité, le négoce régional vend même actuellement 50% de vins qui ne sont ni des bourgognes ni des beaujolais.

 

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C’est dire s’il est plus que favorable à la plantation de vignes avec ou sans indication géographique qui s’affranchissent des contraintes très strictes de l’AOC, en termes d’aire et de cahier des charges de production.

 

« Il ne s’agit pas pour autant de faire n’importe quoi dans une région réputée pour ses grands vins », assure Jean-Philippe Archambaud, directeur général de Simonnet-Febvre à Chablis (Yonne). A la demande de Louis Latour, sa maison mère beaunoise, il exploite 14 hectares d’un domaine en IGP Coteaux de l’Auxois et en espère rapidement le double.

 

A l’issue de la troisième récolte, ses vins commencent à très bien se vendre dans les grands restaurants étoilés, dont La Côte Saint-Jacques de Joigny (Yonne), comme à l’exportation : en Angleterre et aux Pays-Bas.

 

Une ouverture à la créativité

 

« Je suis prêt à proposer ce type de produit sur nos cartes à condition qu’il y ait le meilleur rapport qualité prix possible », indique pour sa part Eric Goettelmann, chef sommelier du groupe Bernard Loiseau.

 

Seulement concernées par une centaine d’hectares en Bourgogne, les IGP viticoles devraient s’étoffer en profitant de la libéralisation des droits de plantation applicable au 1er janvier prochain.

 

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L'IGP Coteaux de l'Auxois s'étend sur une quarantaine d'hectares en Côte-d'Or. ©Serge Chapuis pour Simonnet-Febvre.

 

« Mais ce n’est pas l’avenir, car l’IGP, contrôlée par l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao), demeure encore assez contraignant et, seuls les vins sans IG que je préfère appeler vins de France ont du potentiel en Bourgogne », assure Laurent Delaunay, co-fondateur avec sa femme de la maison Badet Clément à Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or), qui emploie 40 personnes pour 42 millions d’€ de chiffre d’affaires.

 

Cet œnologue de formation sait de quoi il parle pour vinifier près de 130 hectares dans le Languedoc, dont près d’un quart désigné vins de France. L’absence ici de tout cahier des charges doit, à ses yeux, responsabiliser le producteur et l’ouvrir à la créativité.

 

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« On va pouvoir introduire de nouveaux cépages, essayer de nouvelles techniques de vinification, faire des assemblages encore inconnus sur ces terres propices à la vigne », argumente-t-il.

 

Si cette infidélité à l’AOC commence à faire son chemin dans les esprits et provoquer des débats entre professionnels, elle progressera encore à petit pas ces prochaines années. Seulement 8 hectares ont été demandés sans IG pour 2016.

 

 

Le vin de Bourgogne, un produit de luxe ?

 

Dopés par l’inscription toute récente du vignoble de Côte-d’Or au patrimoine mondial de l’Unesco, les bourgognes sont toujours très demandés à l’exportation.

 

Sur les neuf premiers mois de 2015, le chiffre d’affaires de 549,4 millions d’€ a cru de près de 5%. Quatre marchés illustrent ce dynamisme : le Canada, le Japon, Hong Kong et les États-Unis.

 

Ces derniers, portés par une bonne croissance et une parité euro-dollar propice, sont devenus le premier débouché tant en volume qu’en valeur avec 135,3 millions d’€, en hausse de 15%.

 

Cette bulle, qui voit aussi la plaque tournante asiatique de Hong Kong importer davantage de bourgogne : + 12% en volume et + 66,5% en valeur, risque toutefois d’exploser.

 

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C’est d’ailleurs déjà le cas en Europe, car faute de vin devenu beaucoup trop onéreux, les cinq premiers pays importateurs reculent de 10% en volume. « Dans un restaurant un peu chic de Londres, le prix d’une bonne bouteille de Bourgogne va bientôt atteindre celui d’un bijou en or », note désabusé un négociant soucieux de rester anonyme.

 

L’AOC Coteaux Bourguignons s’installe en grande distribution

 

La Bourgogne perd également d’importantes parts de marché en Allemagne et dans une moindre mesure en Norvège, en Suisse et en Belgique. Outre-Rhin, la chute est vertigineuse : - 33% en volume et - 24% en valeur, surtout pour les vins blancs en grande distribution (-38% en volume).

 

Si en France, le secteur des cavistes demeure dynamique, notamment pour les périodes des fêtes, la restauration et ses coefficients multiplicateurs pénalisent durablement les bourgognes qui ne sont plus présents que dans 59% des établissements, contre 63% en 2013.

 

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©BIVB.

 

Autre très mauvaise nouvelle, la grande distribution n’est plus aussi dynamique par le passé avec un recul des commandes de 8%.

 

Seule belle réussite, l’AOC Coteaux Bourguignons s’installe en entrée de gamme dans deux tiers des enseignes nationales et presque 80% des magasins de la région parisienne.

 

« Mais attention de ne pas jouer aux apprentis sorciers, ce vin devant rester entre 5 et 10 € au maximum », note Louis-Fabrice Latour, vice-président du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB).

 

 Bilan de la vente de Beaune

 

ludivinegriveauLes attentats du 13 novembre ont eu un retentissement sur la vente aux enchères des vins du domaine des hospices de Beaune, qui s'est déroulée hier 15 novembre.

 

La pièce de charité, traditionnellement attribuée à une cause - cette année, un rouge Corton Renardes Grand Cru -, a battu tous les records historiques avec la somme de 480 000 €. En plus de l'institut Curie et de la fondation pour la recherche sur les AVC, les organisateurs avaient décidé d'affecter une partie de la recette aux victimes des attentats de Paris, entraînant une flambée de l'enchère.

 

Au total, les 575 pièces de vin de la récolte 2015 du domaine ont rapporté 10,145 millions d'€. Les cours des vins rouges ont augmenté de 27,23% et des blancs, de 32,75 %, soit un cours moyen en évolution de 28%.

La vente en détail sur le site de All About Burgundy.

 

Avec la Pièce des Présidents et les alcools, le chiffre d'affaires généré s'élève à 11,347 609 millions d'€, record battu ! Le précédent remonte à  2014 avec 8,082 525 millions d'€.

 

Cette vente était la première de Ludivine Griveau, la nouvelle régisseuse des hospices Civiles de Beaune. Contrairement à ce que nous pensions, la jeune femme n'interviendra pas sur le domaine des hospices de Nuits-Saint-Georges (13 hectares), également objet d'une vente aux enchères à la mi-mars de chaque année, bien que le centre hospitalier de Beaune qui l’emploie, intègre le 1er janvier  2016, celui de cette ville voisine.

 

Chaque domaine conserve son indépendance quant à la gestion des vignes et la production des vins. Le domaine des Hospices de Nuits est régit par Jean-Marc Moron. Est-il besoin de préciser par ailleurs que le produit respectif des deux ventes restera affecté à chacun des établissements de soins.

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