La seconde étape de notre rendez-vous avec la logistique renouvelée, en vue du salon Euro Supply chain de Mulhouse du 12 juin prochain, nous mène chez le papetier Lucart dans les Vosges. L’industriel a repensé son organisation en trois sites : un principal à 30 km de sa production mais juste à côté des grands axes routiers à Saint-Dié-des-Vosges, un entrepôt annexe et les surfaces en sortie directe de l’usine de Laval-sur-Vologne. En se fondant sur une automatisation accrue, le fabricant adapte sa supply chain à la fluctuation des ventes.
La nouvelle organisation logistique du papetier vosgien Lucart est bien en place, sur ses trois jambes. En mettant en service l’an dernier sa nouvelle base de Saint-Dié-des-Vosges, l’industriel s’est doté d’une plateforme spécifique d’entreposage, préparation et expédition de produits. Cette installation est complétée par un entrepôt annexe mais surtout, elle ne met pas fin aux activités logistiques sur le site de production de Laval-sur-Vologne distant de 30 km de Saint-Dié. Elle leur donne même un nouveau souffle, en leur apportant la modernité par l’automatisation.
A Saint-Dié-des-Vosges, la plateforme rassemble sur 22.000 m2 différents produits de Lucart : papiers-toilette, essuie-tout, essuie-mains et gros rouleaux. Elle concentre ainsi, en moyenne, les deux-tiers des volumes de production de la papeterie de Laval-sur-Vologne. Moyennant un investissement proche de 15 millions d’euros, le groupe familial italien l’a mise en route l’an dernier dans le but de rationaliser l’organisation des livraisons à ses clients répartis entre la France, l’Allemagne et le Bénélux.
Auparavant en effet, l’expédition était disséminée entre une dizaine d’entrepôts intermédiaires, certes proches dans un rayon de 30 à 40 km, « mais générateurs de pertes de temps et d’efficacité », relève Benoît Cottel, directeur général de la filiale tricolore Lucart SAS. Des facteurs d’autant plus pénalisants que le coût du transport est proportionnellement important dans l’activité de Lucart qui porte sur des produits légers.
Les volumes sont principalement répartis dans des « colonnes », des emplacements de 2,7 mètres de haut, au nombre de 17.500, et « aujourd’hui occupés à plus de 90 % », précise Benoit Cottel. La base a ainsi parachevé à l’automne dernier la montée en puissance consécutive à sa mise en service en janvier 2024, un semestre après son acquisition.
Lucart a repris en effet l’infrastructure qui constituait une base logistique d’Intermarché. L'opportunité a présenté pour lui l’avantage de ne pas devoir construire du neuf. Elle a pesé dans le choix de la localisation, outre la bonne connexion routière de celle-ci et sa proximité avec l’unité de production. « Il nous a fallu démanteler le système de froid résultant de la précédente activité, dont nous n’avions pas l’usage, et nous avons sprinklé le site », précise le dirigeant.
Symétries de quais entre l’usine et la base logistique

Stockés jusqu’à 9 mètres de hauteur, les produits parviennent de Laval-sur-Vologne via deux quais de déchargement. Ceux-ci constituent les pendants des quais de chargement aménagés en sortie de la papeterie. Car celle-ci, et c’est là une caractéristique de la réorganisation façon Lucart, demeure un pilier de la politique d’expédition, selon des prestations qui ont été modernisées, en appoint de Saint-Dié. « Avec un autre dépôt extérieur que nous avons conservé à 10 km, nous disposons ainsi de trois lieux de stockage proches les uns des autres dont nous pouvons adapter facilement la charge, en fonction de la fluctuation des ventes », décrit Benoît Cottel.
A Laval-sur-Vologne, au débouché des lignes de transformation, deux petits chariots « LGV » (véhicules guidés laser) viennent alors récupérer sur des palettes les différentes productions afin de les diriger vers des convoyeurs automatiques. D’une part, trois de ces équipements sont dédiés aux expéditions qui continuent à s’opérer depuis l’usine, d’autre part deux convoyeurs rétractables principaux préparent les départs vers Saint-Dié. « Ils permettent le chargement des camions en seulement 90 secondes », souligne Benoît Cottel.
Ces poids lourds repartent désormais complètement remplis de l’usine, au rythme d’une navette par heure sans interruption, direction la nouvelle base logistique. « L’organisation est également rationalisée par le fait qu’elle ne nécessite plus pour le fabricant que nous sommes de reconstituer les commandes des clients. Elle génère au final moins de camions, à la circulation lissée dans le temps et non concentrée sur certaines heures », relève le dirigeant français de Lucart.
Le système de navettes a été mis en place avec le transporteur Mauffrey partenaire de longue date de l’industriel. « Ses modalités permettent en outre d’adopter un carburant « vert », ajoute Benoît Cottel. En effet, ces camions pendulaires entre les deux sites roulent non plus au diesel mais au HVO, carburant obtenu à partir d’huiles végétales (Hydrotreated Vegetable Oil) et de déchets d’origine biologique.
Investissement dans une dixième ligne de transformation

Ayant généré une dizaine d’embauches qui porte les effectifs vosgiens à 360 personnes, l'implantation à Saint-Dié s’inscrit dans une phase dynamique pour l’unique usine française de Lucart. Une réserve foncière permet d’ailleurs de répondre à un potentiel besoin d’extension à terme. Les équipes de Laval-sur-Vologne produisent chaque année 60.000 à 70.000 tonnes principalement pour les marchés « hors foyer » (cafés-hôtels-restaurants, hôpitaux, collectivités locales, industriels…) et sous marque propre Lucart, complétés des mêmes marchés et de la vente en grandes surfaces sous marque de clients.
L’activité est assurée par neuf lignes de transformation, qui seront rejointes par une supplémentaire (cinq recrutements sont prévus) à l’entrée en service attendue cet automne. L’investissement concerné se monte à « plusieurs millions d’euros », se borne à préciser l’entreprise. Avec ses volumes qui débouchent sur un chiffre d’affaires annuel de 120 à 130 millions d’euros, Laval-sur-Vologne conforte son statut de deuxième plus important site au sein de son propriétaire, le groupe familial italien Lucart (1.700 salariés, chiffre d’affaires de 700 millions d’euros, dix unités de production et stockage) qui avait racheté en 2008 les historiques papeteries locales Mougeot.
Lucart les a réorientées très majoritairement sur la transformation de matière recyclée : papiers usagés de bureaux, mais aussi briques alimentaires. Le groupe italien maîtrise des technologies qui permettent de séparer les couches de carton, plastique et aluminium de tels emballages et d’en éliminer les résidus alimentaires par un traitement thermique, ce qui lui permet d’offrir au marché une singularité : le papier-toilette à partir des fibres cellulosiques des briques usagées. Sa marque distinctive : sa teinte marron. « C’est la couleur naturelle. Elle reste le principal point de défi d’acceptation du marché. Si l’on veut du recyclé, il faut l’admettre », observe le dirigeant français du groupe Italien.
