
VOIE FLUVIALE. On pensait que la mise aux oubliettes de la liaison fluviale Saône-Rhin/Saône-Moselle par le gouvernement aurait raison de l’opiniâtreté de ses défenseurs en Alsace et Franche-Comté. Et bien non.
Pour eux, le combat continue, dans l’attente de temps - politiques ? - meilleurs.
Leur appui, ils le cherchent auprès de l’Union européenne qui a inscrit le projet au rang des réalisations à l’horizon 2030.
Le projet Saône-Moselle/Saône-Rhin relie la Saône à Saint-Jean-de-Losne (Côte-d'Or) à la Moselle (jusqu’à Neuves-Maisons) et au Rhin (au niveau de Mulhouse).
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Alors que le rapport Duron (du nom du président de la Commission mobilité 21 sur les projets d'infrastructures) renvoie la liaison fluviale Saône-Rhin/Saône-Moselle à une éventuelle réalisation au-delà de 2050, l’action vaut-elle la peine d’être continuée ?
La question s’est posée à l’association Saône-Rhin-Europe à l’occasion de sa dernière assemblée générale annuelle à Besançon. Et sa réponse a été oui, au moins pour essayer de faire progresser la cause au-delà des convertis.
« L’un des constats qui ressort des derniers événements, c’est la faiblesse du lobbying fluvial en France. Les organismes ou associations qui représentent la voie d’eau pèsent insuffisamment auprès des pouvoirs publics. Nous souhaitons continuer à interpeller la société civile, pour la convaincre et la mobiliser comme elle sait le faire pour une LGV (ligne à grande vitesse), une route ou un tramway », expose Pascal Viret, le président de Saône-Rhin-Europe.
N’ignorant pas les oppositions au projet, l’association affiche sa volonté de rester dans le registre de la pédagogie non polémique qu’elle estime avoir bien tenu l’an dernier lors des premières réunions préparatoires du débat public.
Alors que ses études technico-environnementales et socio-économiques étaient presque achevées, ce débat public s’est interrompu avant même d’avoir réellement commencé, comme par hasard quelques mois avant la rédaction du rapport Duron.
Même combativité au Consortium international pour le développement des voies navigables, association dont le siège est à Mulhouse et qui se revendique lobbyiste du développement de la voie d’eau entre le Rhin supérieur et la Méditerranée.
« Pas question de ne rien laisser faire pendant 40 ans comme le prône le rapport Duron. Avec de telles postures, nous allons nous faire ringardiser en Europe au niveau des infrastructures, celles de voie d’eau en particulier, surtout quand on voit comment les dossiers avancent chez nos voisins. Nous nous excluons ainsi du corridor européen majeur (Rotterdam-Marseille, NDLR) comme de l’obtention de crédits européens », réagit Philippe Richert, président du Consortium et président de la Région Alsace.
« L’Alsace et la Franche-Comté n’ont pas vocation à rester un couloir à camions pour toute l’Europe », renchérit la députée (UMP) du Doubs Françoise Branget, présidente déléguée du Consortium.
L'amorce d'un dialogue avec Saône-Moselle
Sur le fond, les deux associations entrevoient une fenêtre de tir dans 5 ans, lors de la révision prévue du schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Révision qui interviendrait donc après les prochaines présidentielles.

En attendant, elles misent sur l’Europe.
Dans la dernière version de son programme de projets prioritaires RTE-T, l’Union européenne a en effet fixé l’horizon 2030 pour la réalisation d’une liaison d’interconnexion entre Mer du Nord et Méditerranée, autrement dit le projet Saône-Rhin/Saône-Moselle.
Ou du moins pour l’engagement de ses travaux. « La première priorité, c’est la révision du calendrier. L’Union européenne est prête à soutenir significativement le projet, inscrivons-nous dans ses pas », appuie Philippe Richert.
Le Consortium et Saône-Rhin-Europe ne font pas mystère de leur défense de la branche Saône-Rhin qui emprunterait la Franche-Comté à partir du petit bout de canal Rhin-Rhône à grand gabarit achevé dans le Haut-Rhin avant son abandon en 1997.
Mais elles amorcent un dialogue, et vice-versa, avec l’association Saône-Moselle, qui, comme son nom l’indique, entend faire passer l’infrastructure par la Lorraine.
Cette petite révolution apparaît comme une union de circonstance face à l’adversité commune, en sachant que l’éventuel jour J, il faudrait choisir entre l’un et l’autre option, sauf miracle budgétaire : il est question à chaque fois de mettre sur la table quelques milliards d’€.
Les trois entités se retrouvent par exemple pour dénoncer l’arrêt de la procédure de débat public et de ses études.
Elles y voient un « mépris » envers les élus et un déni du Grenelle de l’Environnement qui a prôné cette concertation de grande échelle.
Photos : Christian Robischon et CFNR.