AVIS D’EXPERT/FISCALITÉ. La loi de finances pour 2017 et la loi de finances rectificative pour 2016 viennent de paraître au Journal Officiel, après saisine et examen du Conseil constitutionnel.

Pascal Huguenin et Jean-Marie Garinot, membres du cabinet d’avocats du Parc (Dijon), livrent ci-après leur analyse de ces deux textes.

Après les dispositions fiscales intéressant l’entreprise (lire ici), nos deux juristes s’intéressent à celles concernant les particuliers.

 

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Comme des enfants sages : Pascal Huguenin (à gauche) et Jean-Marie Garinot. © Cabinet du Parc.

 

Quelle est la mesure la plus emblématique parmi celles adoptées ?

 

Pascal Huguenin - Jean-Marie Garinot.  Il s’agit bien sûr du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018, pour les revenus perçus en 2017. Concrètement, pour les salariés, l’impôt sera versé chaque mois à l’Etat par l’employeur, en fonction d’un taux communiqué par l’administration fiscale.

 

Pour neutraliser la double imposition des revenus perçus en 2017, un crédit d’impôt sera appliqué en 2018, égal en principe au montant de l’impôt qui aura été payé en 2018, au titre des revenus 2017. Pour éviter les effets d’aubaine consistant par exemple à différer à 2017 le versement de primes ou l’encaissement de certaines recettes, ce crédit d’impôt ne s’applique pas aux revenus dits « exceptionnels ».

 

Par ailleurs, pour les indépendants, qui peuvent dans une certaine mesure déterminer le montant de leur bénéfice, le crédit d’impôt ne s’appliquera que si le revenu 2017 n’est pas supérieur au bénéfice le plus élevé déclaré au titre des années 2014, 2015 et 2016.

 

Dans le cas contraire, le crédit d’impôt ne sera retenu que dans la limite du bénéfice le plus élevé déclaré au titre de l’une de ces années et le barême s’appliquera pour le surplus.

 

En synthèse, de nombreux dispositifs anti-abus ont été prévus par le législateur pour priver d’effet toute démarche d’optimisation fiscale.

 

Cette mesure s’accompagne-t-elle d’une baisse de l’impôt sur le revenu ?

 

P.H. - J.M.G. Pas de manière significative. Le barème de l’IR est très légèrement revalorisé, de même que le plafond du quotient familial (1.512 € par demi-part pour les revenus 2016). Néanmoins, pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 18.500 €, une réfaction (modification) de l’IR de 20 % est prévue.

 

Une réfaction dégressive est par ailleurs prévue pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence est strictement inférieur à 20.500 € au titre de 2016.  Concrètement, les contribuables célibataires dont le revenu est égal au maximum à 14.771 € ne paieront pas d’impôt sur le revenu.

 

pascalhugueninIl faut en revanche souligner que dorénavant, l’emploi d’un salarié à domicile (femme de ménage, aide à domicile, etc.) ouvre droit à un crédit d’impôt. Auparavant, l’aide prenait la forme d’un crédit d’impôt pour les actifs et d’une réduction d’impôt pour les retraités.

 

Pour ces derniers, si la réduction excédait l’impôt dû, la différence n’était pas versée au contribuable ; ce n’est plus le cas. On rappellera que le crédit d’impôt est égal à 50 % des sommes versées, retenues dans la limite de 12.000 € par an.

 

L’investissement par des particuliers est-il encouragé ?

 

P.H. - J.M.G. Oui et l’on peut s’en réjouir. Le législateur a créé un compte dit « PME Innovation » (CPI), à l’intention notamment des business angels.

 

Le CPI peut être ouvert par un associé détenant ou ayant détenu au moins 25 % des droits de vote ; ou ayant exercé une fonction de direction ou une activité salariée pendant au mois deux ans et détenant au moins 5 % des droits de vote ; ou encore étant signataire d’un pacte d’associés personnes physiques portant sur au moins 25 % des droits de vote.

 

La plus-value résultant de la cession des titres n’est pas imposée immédiatement si elle est réinvestie dans les deux ans au capital d’une jeune PME. Encore faut-il que le cédant s’engage à accompagner la PME bénéficiant du réinvestissement en exerçant une fonction de direction ou en concluant une convention d’accompagnement à titre gratuit.

 

Le dispositif permet de reporter l’imposition de la plus-value nette à la clôture du compte, même si les prélèvements sociaux demeurent dus chaque année.

 

Par ailleurs, les réductions « IR-PME » et « ISF-PME » (ndlr : lire le précédent article ici) sont assouplies. Si les titres souscrits sont cédés après trois ans, la réduction d’impôt n’est pas remise en cause.

 

Mais à condition de réinvestir intégralement les sommes en question dans des titres de sociétés ouvrant droit au dispositif - dans les douze mois suivant la cession - et de conserver les titres nouveaux jusqu’au terme initial de cinq ans.

 

jeanmariegarinotQu’en est-il du régime des actions gratuites ?

 

P.H. - J.M.G. Il est à nouveau modifié. On rappellera que les actions gratuites sont généralement attribuées pour motiver les salariés ou les dirigeants de l’entreprise et que l’imposition du gain oscille entre les plus-values de valeurs mobilières, le cas échéant avec un abattement pour durée de détention, ou la catégorie des traitements et salaires.

 

Dans ce dernier cas, le gain est intégralement taxé, pour correspondre à un complément de salaire. La loi de finances pour 2017 retient une solution intermédiaire : si le gain d’acquisition excède 300.000 € par an, il est taxé comme un salaire au-delà de ce seuil.

 

La fraction inférieure à ce seuil est taxée comme une plus-value de valeur mobilière et permet, le cas échéant, l’application d’un abattement pour durée de détention.

 

Un mot sur l’ISF ?

 

P.H. - J.M.G.  Le législateur a introduit un nouveau dispositif anti-abus. On rappellera que le montant de l’ISF est plafonné à 75 % des revenus du contribuable. Une technique consiste donc à faire verser des dividendes à une holding interposée entre le redevable de l’ISF et les sociétés dans lesquelles il détient des participations, de manière à baisser artificiellement le revenu servant de base au calcul du plafonnement.

 

La loi prévoit désormais que lorsque la société interposée est contrôlée par le contribuable, les revenus qui sont versés à cette société doivent être pris en compte dans le calcul du plafonnement, à condition que leur non-distribution au redevable soit artificielle.

 

Même si le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation, imposant à l’administration fiscale d’établir la preuve que l’existence de cette société a pour objectif d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale, on peut craindre que cette nouvelle disposition génère de nombreux contrôles et contentieux.

 

Pascal Huguenin, ancien conseil juridique, est avocat associé du Cabinet du Parc à Dijon. Spécialiste en droit fiscal et en droit des sociétés, il conseille une clientèle essentiellement composée d’acteurs économiques locaux. Il intervient à chaque étape de la vie de l’entreprise.

 

Jean-Marie Garinot, docteur en droit, est consultant fiscaliste au sein du même cabinet et maître de conférences à l’Université de Bourgogne. Aux côtés de Pascal Huguenin, il accompagne les clients du cabinet dans toutes leurs opérations juridiques et fiscales : acquisitions, fusions, levées de fonds... Par ailleurs, il est co-auteur d’un ouvrage : fiscalité opérationnelle, paru en 2016 aux Éditions Bruylant.

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