BTP/BAS-RHIN. Le fabricant de matériaux de consrtruction transporte par voie d’eau le « laitier de haut-fourneau », sous-produit de la sidérurgie recyclé en matériau de voirie, depuis l’aciérie allemande BSW à Kehl, en face de Strasbourg.
L'initiative de Leonhart contribue au regain de trafic fret sur le canal à petit gabarit de la Marne-au-Rhin, plutôt réservé à l’aimable espacade touristique.
L’interdiction du transit de poids lourds instaurée sur la RN 4 à Strasbourg a motivé ce choix que l’entreprise familiale dit ne pas regretter : le coût d’un transport fluvial au kilomètre est en général jusqu’à quatre fois moins cher que le routier.

 

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Leonhart a choisi le transport fluvial pour rapatrier les laitiers de haut fourneau qu'elle recycle pour les travaux de voirie.© Traces Ecrites.

 

Les alternatives à la route, c’est possible, mais quand cela paraît improbable. La société Leonhart en administre la preuve depuis maintenant trois ans, au nord de Strasbourg.

 

Pour préparer le concassage de matériaux de voirie, l’entreprise familiale de BTP fait transporter par la voie d’eau le « laitier de haut-fourneau », sous-produit de la sidérurgie, depuis l’aciérie allemande BSW à Kehl, en face de Strasbourg, vers son stock tampon à Brumath (Bas-Rhin), situé entre ses plates-formes de recyclage de Niederhausbergen et de Schweighouse-sur-Moder.

 

Ces sortes de grosses pierres anguleuses effectuent le trajet chaque jour du lundi au vendredi à bord d’une péniche de 38,50 mètres de long.

 

L’originalité tient au fait qu’elles empruntent le canal de la Marne-au-Rhin, autrement dit une voie d’eau de petit gabarit, le « Freycinet », celle que l’imaginaire collectif – et la réalité ! – réserve à l’aimable espacade touristique, et beaucoup moins au très sérieux transport de marchandises.

 

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Evidemment, le transport prend son temps : pas moins de 11 à 12 heures s’écoulent de point à point, entre le chargement au port de Kehl, le déchargement à Brumath et dans l’intervalle un parcours de quelque 8 heures pour 20 km !

 

« Le délai d’acheminement n’est absolument pas un problème, nous n’avons aucun besoin d’utilisation dans l’urgence  », souligne Lucien Modery, responsable recyclage de Leonhart qui vient ainsi rappeler que le juste-à-temps n’est pas synonyme de grande vitesse.


Dans cette initiative, l’entreprise trouve son compte sur le plan économique, puisque le coût d’un transport fluvial au kilomètre est en général chiffré jusqu’à quatre fois moins que le routier.

 

L’argument écologique est également est brandi : « Les 30.000 à 50.000 tonnes annuelles que nous transportons de la sorte ôtent 4.000 camions de la route chaque année », souligne Lucien Modery.

 

On peut y déceler une sincérité, dans cette entreprise positionnée sur des sujets pas toujours vus comme amis de l’environnement – les gravières et carrières, les centrales à béton… – mais qui a montré à plusieurs reprises qu’elle savait concilier son activité avec le respect de la nature qui l’entoure.

 

Péniche Freycinet renforcée pour supporter un chargement jusqu’à 290 tonnes

 

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L'entreprise qui exploie des carrières se dit sensiblisée à l'environnement.  © Leonhart.

 

Selon Voies Navigables de France (VNF), l’exploitant du réseau fluvial, un transport de 250 tonnes sur 100 km par une péniche Freycinet économise 1.180 litres de carburant par rapport à un camion, soit 3.070 kilos de C02 – une division par 3,5 dans les deux cas et une division du coût sociétal par 7,8 –.

 

Leonhart contribue par son initiative au regain de trafic fret sur le petit gabarit. Sur le territoire de la direction de Strasbourg de VNF qui couvre le canal de la Marne au Rhin, le canal Rhin-Rhône à l’extrémité sud de l’Alsace et le canal de la Sarre, ce transport de marchandises a progressé de 18 % l’an dernier pour représenter 160 000 tonnes. Un chiffre ben sûr sans commune mesure avec les près de 20 millions de tonnes comptabilisées sur le Rhin.

 

Leonhart réfléchissait depuis un certain temps à la solution fluviale et c’est un facteur extérieur qui l’a déclenché, en la mettant quelque peu dos au mur.

 

« L’interdiction de transit de poids lourds instaurée sur la RN 4 à Strasbourg (l’axe longe le centre-ville en partant du port, NDLR) provoquait pour nous un détour tel - il aurait fallu rejoindre le pont Pierre Pflimlin à Eschau - qu’il devenait pénalisant et qu’il rendait l’option de l’eau moins chère », expose Lucien Modery.

 

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Passer à l’acte n’allait cependant pas de soi. Le parcours comprend cinq écluses et il comportait en un obstacle… de poids : la bonne vieille péniche datant de 1963 allait-elle tenir le coup le long de ce canal dont l’enfoncement n’a rien à voir avec celui du Rhin voisin?

 

Le fond de la péniche et les côtés ont donc été renforcés de façon à supporter un chargement jusqu’à 290 tonnes ( le Rhin, lui, en permet 400 tonnes), générateur d’un enfoncement à 2,40 mètres.

 

Avant de prendre le chemin du retour, le bateau a besoin de se charger de 150 tonnes d’eau pour atteindre le niveau d’enfoncement qui l’autorise à passer les points bas. Un travail de collaboration avec VNF a permis de relever ce défi dont l’ampleur se vérifie a contrario : Leonhart ne dédaignerait pas reproduire le modèle, jusqu’à Sarralbe en Moselle notamment, mais les essais incitent à la prudence.

 

Les sous-produits de la sidérurgique, les gravats et autres déchets du BTP constituent la ressource de la branche recyclage de Leonhart. Celle-ci traite 350.000 tonnes annuelles sur ses neuf plates-formes d’Alsace-Moselle, pour une valorisation à 95 % en sous-couches routières. Elle assure également la récupération de terres polluées (30 000 tonnes/an) depuis 2012, année du rachat de la société Sappe.

 

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Parmi les activités de l'entreprise, la préfabrication de produits en béton réalisée par sa filiale Sepa. © Leonhart.

 

Au total, le groupe Leonhart se compose de 10 sociétés d’un effectif cumulé de 400 salariés pour un chiffre d’affaires annuel de 60 millions d’€. Son siège se situé à Sélestat, point de départ de la saga en 1920, avec les sablières pour la production de granulats.

 

Au fil du temps, depuis un demi-siècle, l’entreprise a successivement ajouté à sa gamme le béton prêt à l’emploi, la fabrication de prédalles et prémurs en association avec l’allemand Spurgin (société Spurgin-Leonhart), les gravières, les enrobés, la location de matériel de BTP et le recyclage. Elle doit notamment sa notoriété aux bordures de voirie et pavés fabriqués par sa société Sepa.

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